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DIALOGUE AVEC STALINE (IV)


Content :

Dialogue avec Staline – Troisième journée : après-midi
Concurrence et monopole.
Marchés et empires
Parallèle ou méridien.
Classes et État.
Guerre ou paix ?
Jus primae noctis.
Notes
Source



Sur le fil du temps

Dialogue avec Staline

Troisième journée : après-midi

Dans les deux premières journées et dans la première partie de la troisième, nous avons traité tous les éléments qui, dans l’écrit bien connu de Staline, peuvent servir à établir les lois qui régissent l’économie de la Russie. Sur le plan doctrinal, nous avons radicalement contesté qu’une économie régie par de telles lois puisse être définie comme un socialisme, même de stade inférieur. Nous avons contesté tout autant que les textes fondamentaux de Marx et Engels puissent être invoqués à l’appui de cette thèse : car s’ils ne se lisent pas avec la même facilité qu’un roman-feuilleton, ils n’en établissent pas moins clairement les caractères économiques respectifs du capitalisme et du socialisme et les phénomènes qui signalent le passage du premier au second.

Sur le plan des faits, nous sommes parvenus à une série de conclusions définitives. Sur le marché intérieur russe, la loi de la valeur est en vigueur. Donc :

1. Les produits ont le caractère de marchandises;
2. Le marché existe;
3. L’échange a lieu entre équivalents, comme la loi de la voleur l’exige et ces équivalents s’expriment en argent.

La grande masse des entreprises agricoles travaille uniquement en vue de produire des marchandises. Une partie des produits y est attribuée individuellement au producteur parcellaire (qui, dans une autre partie de son temps de travail, est employé comme producteur collectif de l’association kolkhozienne). Cette forme d’attribution est, dans un certain sens, pré-capitaliste et pré-mercantile et s’éloigne d’autant plus du socialisme.

Les petites et moyennes entreprises, produisant des objets manufacturés, travaillent également en vue d’un écoulement des produits sur le marché.

Les grandes entreprises appartiennent à l’État. Pourtant elles sont astreintes à une comptabilité monnaie et elles doivent démontrer qu’il y a rentabilité, c’est-à-dire marge bénéficiaire, profit, si la loi de la valeur est respectée tant dans les prix des matières premières et les salaires (sorties, frais), que dans ceux des produits écoulés (entrées).

L’antithèse que Staline établit entre les États capitalistes recherchant un volume maximum du profit et la Russie, où « le prolétariat ayant le pouvoir », l’industrie nationalisée viserait au maximum de bien-être des travailleurs et du peuple est vide de tout contenu réel.

Tout d’abord, il faut faire les plus sérieuses réserves sur l’inexistence d’une opposition d’intérêts, même immédiats entre les travailleurs de l’industrie d’État et le peuple soviétique, conglomérat de paysans isolés et associés, de boutiquiers, de gérants de petites et moyennes entreprises industrielles, etc. Surtout, l’existence en Russie d’une « loi de croissance géométrique de la production nationale planifiée », – existence affirmée par Staline – révèle que la loi capitaliste de la baisse du taux de profit y reste en vigueur : c’est ce que notre exposé sur la signification de cette loi chez Marx nous a servi à démontrer.

Supposons qu’un plan quinquennal donné impose 20 % d’augmentation à la production : celle-ci passera de 100 à 120. Que le plan suivant prescrive encore un accroissement de 20 %, elle passera non de 120 à 140, mais de 120 à 144, car il s’agit des 20 % de 120, chiffre atteint par la production au début de la nouvelle période quinquennale. La différence semble mince : mais celui qui a quelque familiarité avec les chiffres, sait que, de plan en plan, elle va grandir dans des proportions gigantesques. C’est l’histoire de l’inventeur du jeu d’échecs auquel l’empereur de Chine avait offert un présent. Il demanda que l’on mît un grain de blé sur la première case de l’échiquier, deux sur la seconde, quatre sur la troisième, etc. Tous les greniers du céleste Empire ne suffirent pas à remplir les soixante-quatre cases.

Or, cette loi de fait de la croissance géométrique de la production en Russie n’est rien d’autre que l’impératif catégorique de tout capitalisme : produire plus ! Propre à ce mode de production, il dérive de causes successives : augmentation de la productivité du travail – augmentation du capital-matières par rapport au capital-travail dans la composition organique du capital-chute du taux de profit – nécessité de compenser cette chute par une augmentation frénétique des investissements et de la production des marchandises.

Si vraiment il existait, en Russie, ne serait-ce que quelques bribes d’économie socialiste, le changement d’impératif économique nous le dirait ! C’est notre impératif à nous qui apparaîtrait : les ressources techniques accroissent la puissance du travail humain ? Eh bien, produisons la même chose et travaillons moins ! Dans l’hypothèse d’un véritable pouvoir révolutionnaire du prolétariat, cet impératif serai ! même, pour les pays déjà équipés de façon pléthorique : produisons moins et travaillons moins encore !

Le fait qu’en Russie la consigne est d’augmenter la masse des produits décide déjà en faveur de notre thèse. Celle-ci reçoit une dernière confirmation de fait quand on voit le gouvernement russe tendre à déverser, à l’extérieur, une importante fraction de la production des grandes usines d’État et quand on entend Staline déclarer que le rapport ainsi créé est mercantile non seulement dans la forme et du fait de l’existence d’une comptabilité, mais aussi dans la substance même des choses.

Tout cela constitue, au fond, l’aveu que la « construction du socialisme dans un seul pays » n’est pas possible, ne serait-ce que pour des raisons de concurrence mondiale (et l’on sait que dans la concurrence, les coups de canon et les bombes atomiques succèdent aisément à la lutte par les bas-prix !). Il est absurde de supposer que le socialisme peut réellement s’enfermer derrière un « rideau de fer ». C’est pourtant à cette seule condition que l’augmentation de la productivité du travail permise par les conquêtes techniques pourrait, associée à une planification « faite par la société dans l’intérêt de la société », être convertie en une diminution de l’effort productif et de l’exploitation du travailleur à l’intérieur du pays. C’est à cette seule condition, également, que l’on pourrait renoncer à la progression géométrique d’une production capitaliste démente et dire : fixons par un plan un certain niveau de consommation pour tous les habitants, et, celui-ci une fois atteint, arrêtons l’augmentation de la production, évitons la tentation criminelle de lui chercher des débouchés à l’extérieur et de l’imposer au voisin.

Au lieu de cela, toute l’attention théorique et pratique du Kremlin se porte justement sur le marché national !

Concurrence et monopole

C’est considérer superficiellement les théories marxistes du colonialisme et de l’impérialisme modernes que de prétendre qu’elles constituent un « complément » à la description que Marx a faite du capitalisme de libre concurrence (dont on fixe le terme aux alentours de 1880) et de les juxtaposer à celle-ci comme développements distincts.

Nous avons déjà insisté plusieurs fois sur un fait : Marx n’a pas décrit froidement un capitalisme « libéral » et « pacifique » qui n’a d’ailleurs jamais eu de réalité : il a apporté une gigantesque « démonstration polémique de parti et de classe ». Acceptant pour un instant la thèse selon laquelle la dynamique du capital est réglée par le libre échange entre porteurs de valeurs équivalentes (c’est-à-dire par la fameuse loi de la valeur), il parvient à dégager l’essence même du capitalisme : monopole social de classe, qui, des premiers épisodes de l’accumulation primitive aux modernes guerres de brigandage, n’a jamais tendu à autre chose qu’à piller les surplus produits sous le masque de l’échange consenti libre et équitable.

Partant de l’échange entre marchandises d’égale valeur, il met en évidence la formation de la plus-value, son investissement, son accumulation et se concentration en capital nouveau. Il démontre que, pour sortir de la contradiction qui accumule la misère à un pôle en même temps que la richesse au pôle opposé et pour se défendre de la loi de la baisse du taux de profit, le seul moyen compatible avec la survivance du mode capitaliste de production est de produire toujours plus, toujours au-delà des besoins de la consommation. Il est donc clair que, dès leur formation, les États capitalistes sont destinés à entrer en collision. Chacun d’eux est, en effet, conduit par son système économique à essayer de faire consommer ses marchandises par le voisin et de retarder se propre crise en en provoquant une chez ce dernier.

L’économie officielle tentait vainement de prouver qu’il était possible d’arriver à un équilibre stable sur le marché international avec les formules et les règles de la production marchande. Elle soutenait même que les crises cesseraient justement le jour où la « civilisation » capitaliste se serait étendue au monde entier. C’est ce qui obligea Marx à discuter dans l’abstrait des lois d’un pays fictif à capitalisme pleinement développé et dépourvu de commerce extérieur. Il démontra qu’un tel pays « sauterait » nécessairement ! Or, il est bien clair que si des rapports d’échange et de marché se nouaient entre deux économies fermées de cette sorte. ils constituaient un élément de désordre et non de pacification ! Voilà donc réduite à rien la thèse adverse ! Une seule chose aurait pu nous causer de graves embarras théoriques : que les 50 premières années de notre siècle aient continué a connaître l’euphorie économique et politique des traités de libération des échanges, de neutralité et de désarmement. Au contraire, le monde étant devenu cent fois plus capitaliste, les convulsions de toutes sortes ont centuplé.

Qui donc, de nous où de Staline, vient brouiller les cartes ?

Une note du paragraphe premier du Ch. XII du Livre I du « Capital » nous le dira. « On fait abstraction ici du commerce extérieur grâce auquel une nation peut convertir des articles de luxe en moyen de production ou de consommation de première nécessité, ou vice-versa. Pour concevoir l’objet de la recherche dans toute sa pureté, il faut considérer le monde comme une seule nation commerciale et supposer que la production capitaliste s’est implantée partout et s’est emparée de toutes les branches de l’industrie. »

Dès ses prémisses, l’œuvre de Marx (qui unit indissolublement théorie et programme) tend à aboutir à la phase dans laquelle les contradictions des premiers centres capitalistes se déversent sur le plan international Sa démonstration de l’impossibilité d’un pacte de paix économique entre les classes à l’intérieur d’un pays comme solution définitive; de son caractère réactionnaire, comme solution momentanée, va étroitement de pair avec la démonstration analogue du caractère illusoire d’un pacte de paix entre les États.

On a souvent rappelé que Marx, dans la « Préface à la Critique de l’économie Politique » de 1859, esquisse l’analyse de sujets tels que : capital, propriété de la terre, travail salarié, État, commerce international, marché mondial. Il nous dit vouloir examiner sous la première rubrique, les conditions d’existence des trois grandes classes composant la société bourgeoise actuelle et il ajoute que le lien existant entre les suivantes « saute aux yeux de tous ».

Lorsqu’il commença à rédiger « Le Capital » (dont le premier chapitre absorbe la matière de la « Critique ») son plan s’approfondit, tout en se limitant. Dans la préface du premier livre sur le Développement de la Production Capitaliste, Marx annonce que le second traitera du Procès de la Circulation du Capital (reproduction simple et élargie du capital investi) et la troisième de la Conformation du processus d’ensemble. Sans même parler du quatrième livre (histoire des théories de la valeur) dont les matériaux existaient dès l’époque de la « Critique », le troisième attaque, en effet, la description du processus d’ensemble. Il étudie la division de la plus-value en bénéfices du capitaliste industriel, rente du propriétaire foncier et intérêt du capital bancaire. Il se termine par un chapitre inachevé sur les « classes ». Il est clair que le développement devait également englober les problèmes de l’État et du marché international Ceux-ci ont d’ailleurs été traités, avant ou après le « Capital », dans d’autres textes décisifs du marxisme.

Marchés et empires

Déjà dans le « Manifeste » et dans le premier livre du « Capital », la formation du marché d’outre-mer après les découvertes géographiques du XVe siècle est présentée comme une donnée fondamentale de l’accumulation capitaliste, et les références aux guerres commerciales entre le Portugal. l’Espagne, la Hollande, la France et l’Angleterre, sont de première importance.

Au moment où Marx et Engels font leur description du capitalisme type en vue de la polémique et du combat, c’est l’empire britannique qui domine la scène mondiale. C’est donc à lui et à son économie interne qu’ils consacrent le plus d’attention. Cette économie anglaise est théoriquement libérale : en réalité, c’est un impérialisme détenant le monopole mondial jusqu’à 1855 au moins. Dans « L’Impérialisme », Lénine mentionne, à ce propos, la préface qu’Engels donnait, en 1892, à une nouvelle édition de son étude sur la condition des classes travailleuses en Angleterre (1844). Il s’y refusait à retrancher de son œuvre de jeunesse le passage prédisant la révolution prolétarienne en Angleterre. Il lui semblait plus important d’avoir prédit que ce pays perdrait son monopole industriel dans le monde. Il avait mille fois raison. Car si, comme il l’affirmait dans les passages cités par Lénine,. ce monopole a servi à endormir le prolétariat anglais, sa disparition, en revanche, a semé la lutte de classe et la révolution dans le monde entier. Il est clair qu’il faudra plus de temps dans la réalité historique que dans le fictif « pays unique totalement capitaliste » de la théorie pour que la solution révolutionnaire triomphe : mais pour nous elle est déjà donnée théoriquement et les voies et les raisons de son « retard » ne font que confirmer se venue.

Citons un passage de ce texte que Lénine ne rapporte pas : « La théorie du libre-échange supposait au fond une chose : que l’Angleterre devait devenir l’unique grand centre industriel d’un monde agricole : les faits ont complètement démenti cette supposition. Les conditions de l’ industrie moderne peuvent apparaître partout ou il y a du combustible, spécialement du charbon, et d’autres pays que la Grande-Bretagne en possèdent : la France, la Belgique, l’Allemagne, la Russie, l’Amérique… (les nouvelles formes d’énergie utilisées aujourd’hui ne font que renforcer la déduction). Ces pays ont commencé à fabriquer non seulement pour eux-mêmes, mais pour le reste du monde et la conséquence en est que le monopole industriel, détenu par l’Angleterre pendant près d’un siècle, est aujourd’hui irrémédiablement ruiné. »

Paradoxe, peut-être ? L’analyse de ce cas concret ne nous a permis de réfuter le mensonge du capitalisme libéral qu’autant qu’il s’agissait du monopole mondial le plus scandaleux de l’histoire : « laissons faire, laissons passer », mais tenons sur pied de guerre une flotte supérieure à toutes les autres réunies, et toujours prête à empêcher les Napoléon de s’enfuir des Sainte-Hélène !

Dans le chapitre précédent, nous avons cité un passage du Troisième Livre du « Capital » dans lequel la formation du marché mondial constitue le point final d’une nouvelle énonciation des principaux caractères du capitalisme. Il est bon d’ajouter ici cet autre vigoureux extrait : « La véritable limite de la production capitaliste, c’est le capital lui-même : le capital et sa mise en valeur par lui-même apparaissent comme point de départ et point d’arrivée, motif et but de la production n’est qu’une production pour le capital et non l’inverse (attention ! On en vient maintenant au programme de la société !) : les moyens de production ne sont pas de simples moyens de donner forme, en l’élargissant sans cesse, au processus de la vie pour la société des producteurs. Les limites qui servent de cadre infranchissable à la conservation et à la mise en valeur de la valeur-capital reposent sur l’expropriation et l’appauvrissement de la grande masse des producteurs; ces limites entrent donc sans cesse en contradiction avec les méthodes de production que le capital doit nécessairement employer pour son propre but, et qui tendent à promouvoir un accroissement illimité de la production (Moscou, tu écoutes ?), un développement absolu des forces productives sociales du travail, à faire de la production une fin en soi (Kremlin, entends-tu ?). Ce moyen – développement absolu de la productivité sociale – entre perpétuellement en conflit avec le but limité : mise en valeur du capital existant. Si donc le mode de production capitaliste est un moyen historique de développer la force productive matérielle et de créer le marché mondial correspondant, il représente en même temps une contradiction permanente entre cette tâche historique et les rapports de production sociaux qui lui correspondent. »

Répétons encore une fois que si la « politique économique » russe développe effectivement les forces productives matérielles et étend le marché mondial, elle le fait dans le cadre des formes capitalistes de production. C’est vrai qu’elle représente un moyen historique utile (tout comme le fut l’irruption de l’économie industrielle aux dépens des affamés d’Écosse ou d’Irlande ou au milieu des Indiens du Far West) : mais elle demeure en proie aux contradictions inexorables qui tenaillent le capitalisme, puisque c’est en affamant et en tyrannisant les travailleurs qu’elle augmente la capacité du travail social.

D’où que l’on parte, le point d’arrivée est toujours le marché mondial, dont Staline a traité. Il n’a jamais été « unique », si ce n’est dans l’abstrait. Il ne pourrait l’être que dans le pays unique du capitalisme total et chimiquement pur de l’hypothèse : mais nous avons démontré mathématiquement qu’un tel pays n’existerait jamais. S’il devait jamais se former il tomberait vite en proie à la fragmentation, comme ces atomes et ces cristaux qui ne peuvent vivre plus d’une fraction de seconde. Le rêve du marché unique de la livre sterling une fois dissipé Lénine put donner sa magistrale description de la distribution des colonies et semi-colonies du monde entre cinq ou six monstres impérialistes à la veille de la première guerre mondiale. Ce n’est pas un système d’équilibre, mais un nouveau et bâtard partage qui a succédé à celle-ci : Staline lui-même l’admet puisqu’il reconnaît que, dans la seconde guerre, l’Allemagne s’étant soustraite à « l’esclavage » et « s’engageant dans la voie d’un développement autonome » eut raison de diriger ses coups contre le bloc impérialiste anglo-franco-américain Comment tout cela se concilie-t-il avec la mielleuse propagande qui, pendant tant d’années, fit passer la guerre impérialiste pour une croisade « démocratique » du bloc anglo-saxon ? Comment cela se concilie-t-il avec les cris poussés chaque fois que des criminels de guerre étaient graciés ? Malheur aux camarades Pietrovitch ou Paolovitch s’ils osaient le demander !

Nouveau partage donc, et nouvelle source de guerres : mais avant de passer au jugement porté par Staline sur le partage qui a suivi le second conflit mondial nous ne résistons pas au plaisir de « mettre en ondes » un autre passage de « L’Impérialisme » de Lénine qui illustre particulièrement bien le problème économique traité dans le dialogue des jours précédents. Lénine y raille un économiste allemand du nom de Liefmann qui, chantant les louanges de l’impérialisme, écrivait : « Le commerce est l’activité industrielle destinée à rassembler et à conserver les biens produits et à les mettre à la disposition des consommateurs ». Lénine décoche un trait destiné à bien d’autres que Liefmann, « Il en résulte que le commerce a déjà existé chez les hommes primitifs qui, pourtant, ne connaissaient pas encore l’échange, et qu’il continuera à exister même dans la société sociale ! » Le point d’exclamation est naturellement de Lénine : Moscou comment vas-tu t'en tirer ?

Parallèle ou méridien

Selon l’écrit de Staline, la seconde guerre mondiale, plus que de mettre hors de combat deux grands pays industriels à la recherche de débouchés comme l’Allemagne et le Japon (pour ne pas parler de l’Italie), a eu pour effet de diviser le marché mondial en deux. Il adopte d’abord l’expression de « désagrégation » du marché mondial, puis il précise que celui-ci, unique auparavant, s’est divisé en « deux marchés mondiaux parallèles opposés l’un à l’autre ».

Quels sont les deux camps ? Cela est clair : d’un côté les États-Unis, l’Angleterre, la France et tous les pays qui sont entrés d’abord dans l’orbite du Plan Marshall pour la reconstruction européenne, puis dans le Pacte Atlantique pour le « défense » de l’Europe et de l’Occident, ou mieux pour leur armement; de l’autre côté, la Russie qui, « soumise à un blocus avec les pays de démocratie populaire et la Chine », a formé séparément avec eux un nouveau secteur de marché. Le fait est géographiquement défini, mais la formule n’est guère heureuse (sauf les erreurs habituelles des traducteurs). Si même on admet un moment qu’à la veille de la seconde guerre il ait vraiment existé un marché mondial unique, sur lequel chaque place de commerce aurait été accessible aux produits de toute origine, ce marché ne se serait pas fractionné en « deux marchés mondiaux » : le marché mondial aurait tout simplement cessé d’exister et, à sa place, seraient apparus deux marchés internationaux, rigoureusement séparés par un rideau de fer interdisant tout passage aux marchandises et aux valeurs, du moins en théorie et pour autant qu’en sachent les douanes officielles, ce qui est aujourd’hui peu de choses. Ces deux marchés sont opposés, mais, nous dit Staline, « parallèles ». C’est admettre que les économies internes de ces deux grands secteurs qui se partagent la surface du globe sont « parallèles », elles aussi, c’est-à-dire du même type historique. Cela coïncide avec notre thèse, mais contredit celle que Staline a voulu accréditer par son écrit. Dans les deux camps, le marché existe, donc aussi l’économie mercantile, donc l’économie capitaliste. Passe donc pour les marchés parallèles, mais la définition opposant le marché capitaliste de l’Occident au marché socialiste (contradiction dans les termes !) est à repousser.

Staline conclut donc à l’existence de deux marchés semi-mondiaux, approximativement séparés par le méridien de Berlin, si du moins l’on s’en tient à la partie la plus avancée du monde habité. La conséquence qu’il en tire dans sa brochure est fort remarquable, surtout si on la confronte avec l’hypothèse, infirmée par les faits, d’un marché mondial unique entièrement contrôlé par une fédération des États vainqueurs de la dernière guerre ou par le seul bloc occidental, gravitant autour des États-Unis. Cette conséquence est que la « sphère d’application des forces de principaux pays capitalistes (États-Unis, Angleterre, France) aux ressources mondiales est destinée non à s’étendre, mais au contraire à se réduire » et que « pour ces pays, les conditions d’écoulement de leurs produits sur le marché mondial (nous dirions : extérieur) iront s’aggravant, ce qui accentuera la contraction de la production de leurs entreprises. C’est justement en cela que consiste l’approfondissement de la crise générale du système capitaliste mondial. » Ceci a provoqué un choc ! En effet, la nouvelle qui arrive de Moscou tandis que les Ehrenbourg, les Nenni et autres marionnettes de ce genre sont envoyés en tournée pour faire du battage en faveur de la « coexistence pacifique », de l’« émulation entre les deux sphères économiques » est plutôt brutale : la Russie attend toujours que la crise provoquée par l’accumulation de produits invendables (et même impossibles à donner, car cela ne ferait qu’aggraver des dettes séculaires) fasse « sauter » la sphère occidentale : elle considère que ni la reprise de la course forcenée aux armements, ni même la guerre de Corée, ou autres entreprises semblables du brigandage impérialiste ne suffiront à sauver l’Occident.

Si cela bouleverse les bourgeois, cela ne suffit pas à nous échauffer, nous marxistes. Nous devons nous demander ce qui déterminera un processus semblable dans le secteur « parallèle » dont il a été question plus haut. Le texte officiel en main, nous avons démontré que ce secteur connaît la même nécessité de produire plus et d’écouler ses produits à l’extérieur. Et c’est, comme d’habitude, l’histoire du passé qui nous fournira les conclusions décisives : il y a, an effet, contradiction entre cette tentative posthume de Staline pour remettre sur pied la vision révolutionnaire de Marx et Lénine (accumulation, surproduction, crise, guerre, révolution), et les positions politiques ineffaçables que les partis « communistes » qui opèrent dans notre Occident miné ont longtemps défendues et persistent à défendre avec acharnement, au lieu de se consacrer au développement de l’antagonisme de classes et à la préparation révolutionnaire des masses.

Classes et état

Avant la première guerre mondiale, un heurt se détermine au sein de l’Internationale entre deux perspectives : celle de Lénine prévoit que la lutte inévitable pour les marchés provoquera la guerre et que, quel qu’en soit la vainqueur, la tension impérialiste continuera à se développer ensuite jusqu’à la révolution de classe ou à un nouveau conflit universel. La tendance opposée de traîtres à la classe ouvrière et à l’Internationale affirme au contraire qu’une fois l’État agresseur (l’Allemagne) écrasé, le monde pourra retourner à la civilisation et à la paix et s’ouvrir aux « conquêtes sociales ». A perspectives différentes, mots d’ordre différents : tandis que les traîtres prônent l’union nationale des classes, Lénine défend le défaitisme de classes à l’intérieur de chaque pays.

Pourtant il faut attendre jusqu’en 1914 pour voir le conflit éclater entre ces deux courants : c’est que, jusque-là, le marché mondial est encore, au sens marxiste, « en formation ». La formation du marché mondial est un concept de base du marxisme. Il se fonde sur le fait de la « dissolution » des économies locales et fermées propres au pré-capitalisme en un magma économique unique englobant tout à la fois, production, transports, et vente des marchandises. Les sphères de vie restreintes qui tombaient sous les juridictions féodales et asiatiques constituaient autant de tâches d’huile qui vont désormais fusionner dans le solvant général du capitalisme : tant que ce processus se poursuivra, à l’intérieur et à l’extérieur, le capitalisme pourra continuer à se gonfler au même rythme et à s’accroître selon une progression géométrique, sans risque d’éclater. Cela ne signifie pourtant pas que les différents flots de production s’intègrent à un marché universel dépourvu de barrières. Pour les différentes aires nationales, le protectionnisme est très ancien. Quant aux territoires extérieurs découverts par les navigateurs, chaque nation tend à s’en réserver le monopole soit en se faisant accorder des « concessions » par les souverains de couleur, soit en fondant des compagnies de commerce – soit encore en recourant à des flottes d’État et même, au début, à des navires-pirates, « partisans » écumeurs des mers.

De toute façon, lorsque Lénine donne sa description de l’impérialisme, non seulement le monde est déjà presque saturé mais les derniers arrivés au partage se trouvent à l’étroit dans les zones qui leur sont imparties comme débouchés : d’où la guerre.

Seconde guerre mondiale. La renaissance de l’Allemagne comme grand pays industriel est attribuée par Staline au désir des puissances occidentales d’armer un agresseur contre la Russie. Les causes premières résident en réalité dans le fait que le territoire allemand n’avait été ni dévasté, ni occupé militairement après l’armistice de 1918. Staline en vient même à admettre, au cours de son argumentation, que les causes impérialistes et économiques l’on emporté sur les causes « politiques » ou « idéologiques » dans la détermination du second conflit, puisque tout d’abord l’Allemagne se jeta non sur la Russie, mais sur les Occidentaux. Il reste donc établi que la guerre de 1939–45 a été une guerre impérialiste. Les deux perspectives qui s’étaient opposées lors de la première guerre se retrouvent : l’alternative de Lénine : vers de nouvelles guerres (quel que soit le vainqueur) ou vers la révolution au cas où la réponse à la guerre aurait été le heurt violent et non la solidarité des classes; à l’opposé, la perspective bourgeoise : tout dépendait de la défaite de la criminelle Allemagne : celle-ci obtenue, on voguera vers le pacifisme, le désarmement général, la liberté et le bien-être de tous les peuples.

Aujourd’hui, voici que Staline se déclare partisan de la première, celle de Lénine et qu’il remet en honneur l’explication de la guerre par la lutte impérialiste pour les marchés. C’est un peu tard pour quelqu’un qui hier misait tout le potentiel du mouvement prolétarien international sur l’autre perspective : lutte contre le nazisme et le fascisme pour la liberté. Que ces deux perspectives soient incompatibles, on l’admet aujourd’hui : pourquoi continuer alors à lancer le mouvement (désormais ruiné, au reste) sur les voies du progressisme libéral et petit-bourgeois, de la « guerre pour les idéaux » ?

Est-ce pour nous préparer à regarder la nouvelle guerre comme une lutte entre l’idéal capitaliste de l’Ouest et l’idéal socialiste de l’Est ? Pour se réserver le beau rôle dans cette lutte où chacune des deux bandes de politiciens espère grâce à sa propagande mielleuse, écraser l’autre sous la féroce accusation de « fascisme » ? L’intéressant, dans l’écrit de Joseph Staline, est qu’il prétend que non !

En effet, le chef de la Russie actuelle détrompe ceux qui croient à l’inévitabilité d’une rencontre armée entre le monde – ou le demi-monde – socialiste et le monde capitaliste. C’est que la responsabilité encourue devant l’histoire pour avoir anéanti pendant la seconde guerre, la théorie de Lénine qui affirmait que les guerres entre pays capitalistes étaient inévitables et que la révolution de classe représentait la seule issue, ne le trouble guère : pas plus que le fait, pire encore, d’avoir rompu avec la seule orientation politique qui correspondit à cette théorie, en ordonnant aux communistes d’Allemagne, puis de France, d’Angleterre et d’Amérique de faire la paix sociale avec leur État et leur gouvernement bourgeois.

Ce n’est pas qu’il repousse la prévision d’une guerre entre « capitalisme » et « socialisme » à l’aide d’un pacifisme éculé ou de la doctrine de la coexistence et de l’émulation des deux mondes : il se contente d’affirmer que si l’opposition entre Russie et Occident est plus profonde que celle qui existe ou pourrait surgir entre différents États de l’Occident capitaliste, c’est seulement en théorie.

De véritables marxistes peuvent admettre toutes les éventualités en ce qui concerne les contrastes au sein du groupe atlantique et la renaissance de puissants capitalismes indépendants dans les pays vaincus comme l’Allemagne et le Japon. Mais lorsque Staline rappelle le situation lors de l’éclatement de la seconde guerre mondiale, pour en tirer une conclusion actuelle, il faut prêter toute notre attention : « la lutte pour les marchés entre les pays capitalistes et le désir de couler les concurrents se révélèrent pratiquement plus forts que les contrastes entre le camp capitaliste et celui du socialisme ».

Quel camp du socialisme ? Si comme vos paroles elles-mêmes le démontrent. votre camp (auquel vous collez l’étiquette de socialiste), produit des marchandises pour l’extérieur à un rythme que vous voulez accélérer au maximum, ne s’agit-il pas pour lui de la même « lutte pour les marchés », de la même lutte pour couler le concurrent (ou pour ne pas se faire couler par lui, ce qui revient au même !) ?

N’entrerez vous pas, ne devrez-vous pas entrer, vous aussi dans la guerre comme producteurs de marchandises, ce qui, an langue marxiste, veut dire comme capitalistes ?

La seule différence qui existe entre vous Russie. et ces pays où l’industrie est pleinement développée, est qu’ils ont dépassé le stade de la « colonisation interne », qu’il n’y a plus chez eux d’îlots de production pré-mercantiles à aborder, tandis que vous êtes encore engagés en plein dans cette voie. La seule conséquence qui en résulte est la suivante : puisque la guerre est inévitable, ces États d’Occident auront plus d’armes que vous et ils vous battront sur le plan militaire. Auparavant, ils auront exercé sur vous une pression croissante dans le domaine de la concurrence et du marché : ayant accepté l’échange des produits et des valeurs et vous plaçant sur le terrain de l’émulation, vous n’aurez eu d’autre possibilité que de comprimer les coûts de production et les salaires, et de pousser, de façon insensée, l’effort de production du prolétariat russe.

Comment éviter la victoire américaine (qui, pour nous, révolutionnaires, est aussi la pire des éventualités) ? La formule de Staline est habile : mais c’est aussi la meilleure pour maintenir le prolétariat révolutionnaire dans la torpeur. Elle rend les plus grands services à l’impérialisme atlantique, auquel on évite de déclarer la fameuse « guerre sainte » pour ne pas se mettre fâcheusement en lumière devant un monde engagé dans la stupide discussion sur « l’agresseur ». Se repliant sur un « déterminisme » adultéré, on se garde bien de revenir – ce serait d’ailleurs historiquement impossible – à la lutte et à la guerre des classes.

Le langage de Staline est équivoque. Les États capitalistes, comme Lénine le dit en son temps, entreront en guerre. Mais nous, que ferons-nous ? Appellerons-nous, comme lui, les travailleurs des deux camps à la guerre de classe ? Les inviterons-nous à retourner les fusils contre l’ennemi intérieur ? Jamais plus, selon Staline ! Nous recommencerons la même élégante manœuvre que lors de la seconde guerre ! Nous rallierons un des deux camps en présence – par exemple, la France et l’Angleterre – contre les États-Unis, rompant ainsi le « front capitaliste ». Puis le jour viendra, où nous jetant sur celui qui restera, même s’il fut notre allié nous nous débarrasserons également de lui. Voilà avec quoi on voudrait entortiller les quelques naïfs que des moyens plus brutaux n’auraient pas encore réduits au conformisme.

Guerre ou paix ?

Mais alors, ont demandé certains, s’il nous faut croire de plus belle à l’inévitabilité de la guerre, que ferons-nous de la vaste machine que nous avons montée pour la propagande pacifiste ?

La réponse de Staline réduit l’efficacité de l’agitation an faveur de la paix à de bien misérables proportions ! Elle lui accorde la possibilité de différer une guerre déterminée : de provoquer le remplacement d’un gouvernement belliciste par un gouvernement pacifiste (reste à savoir une chose : la soif de marchés, que Staline nous a présentée une dizaine de fois comme un fait premier, disparaîtra t-elle dans ce cas ?) : mais la guerre restera inévitable. D’ailleurs si dans un secteur donné le mouvement démocratique – et non pas prolétarien – de la lutte pour la paix se développe en lutte pour le socialisme, il ne s’agira plus d’assurer la paix (chose impossible), mais de renverser le capitalisme. Que diront alors les centaines de milliers d’imbéciles qui croient à la paix internationale et à la paix sociale intérieure ?

Pour éliminer les guerres, il faut détruire l’impérialisme : telle est la conclusion finale. Bon, mais alors, comment détruirons-nous l’impérialisme ?

« Le mouvement actuel pour le maintien de la paix se distingue de celui qui existait lors de la première guerre mondiale, et qui, visant à transformer le guerre impérialiste en guerre civile, allait plus loin et poursuivait des buts socialistes » (« Problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S. », p. 38 et 39). C’est clair : la consigne de Lénine était la guerre civile sociale, c’est-à-dire la guerre du prolétariat contre la bourgeoisie. Mais vous, dès la seconde guerre mondiale, vous aviez abandonné la guerre sociale et pratiquiez la « collaboration » nationale ou la guerre de « partisans » c’est-à-dire la guerre des fauteurs de conflit d’un des camps capitalistes contre l’autre.

Il faut prendre l’impérialisme par les cornes : bien, mais est-ce que ce sera par la corne de la paix ou par celle de la guerre ? En temps de paix, vous dites : si vous ne touchez pas à l’U.R.S.S., nous ne sortirons pas de la légalité. Donc, pas question de renverser le capitalisme ! En temps de guerre, vous dites : la situation n’est plus la même qu’en 1914–18, le temps de la guerre civile dans tous les pays est passé : c’est de notre alliance politique et militaire avec tel ou tel camp capitaliste que doit dépendre l’action des prolétaires.

C’est ainsi que, pays par pays. la lutte de classe est étouffée dans la boue.

Quoi qu’en disent parlementaires et journalistes de pacotille, le grand capitalisme comprend sans aucun doute que la « carte » abattue par Staline n’est pas une déclaration de guerre, mais une police d’assurances sur la vie.

Jus primae noctis

Staline a décrit dans sa brochure les grandes réalisations du gouvernement russe dans les domaines techniques et économiques : nous étions en présence d’un « terrain vierge », dans lequel « les germes tout prêts de l’économie socialiste » (p. 7) manquaient, et nous avions à construire, à partir de zéro, les nouvelles formes d’économie, a-t-il conclu. Cette tâche, sans précédent dons l’histoire, aurait selon lui été remplie avec honneur,

C’est vrai : vous vous êtes trouvés devant un terrain vierge. Ce fut là votre chance, et aussi le malheur de la révolution prolétarienne hors de Russie. Quelle que soit se nature historique, une révolution peut avancer de toute se force lorsque le terrain dans lequel elle se développe n’est pas défriché, rebelle sans doute, mais vierge.

Lorsque le pouvoir a été conquis dans l’immense empire des tsars, les délégués du prolétariat rouge du monde entier affluèrent pendant des années dans les salles rutilantes d’or baroques du Kremlin afin d’établir par quelles voies la révolution abattrait les forteresses impériales de la bourgeoisie d’Occident, Un avertissement fondamental fut alors donné : mais Lénine lui-même ne l’entendit pas.[14] C’est pourquoi, contrairement au bilan des grands travaux (digues, centrales électriques, défrichement des steppes), celui de la révolution socialiste dans le monde s’est clos non seulement sans honneur – ce qui serait encore peu de chose – mais sur un désastre qui, pour de longues décades, est irréparable.

Dans le monde bourgeois, dans le monde de la civilisation parlementaire et mercantile, ce n’est plus, comme en Russie, en présence d’un terrain vierge, mais d’un terrain « prostitué », que s’est trouvée la Révolution. Nous vous en avons avertis. Vous l’avez laissée se contaminer et périr.

Mais même de cette sinistre expérience, Elle saura renaître !

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« Les entreprises par actions, qui se développent avec le crédit, sont portées à faire de plus en plus du travail d’administration une fonction distincte de la propriété du capital emprunté ou non. Il se passe, à cet égard, ce qui s’ est passé pour les fonctions judiciaires ou administratives qui, sous le régime féodal, appartenaient à la propriété foncière, mais que le développement bourgeois en a séparées. D’une part, le simple propriétaire du capital, le capitaliste financier, trouve en face de lui le capitaliste en fonction; avec le développement du crédit le capital argent revêt lui-même un caractère social, se concentre dans les banques et n’est plus prêté par son propriétaire immédiat; et d’autre part le simple directeur, qui ne possède le capital à aucun titre, est chargé de toutes les fonctions réelles qui reviennent au capitaliste en fonction; il ne reste donc que le « fonctionnaire », et le capitaliste devenant un personnage superflu disparaît du procès de production. »
(Marx, « Le Capital », Editions Castes, tome XI, pages 201–202.)

« Ainsi l’antique conception où l’homme, quelque borné qu’il soit dans ses déterminations nationales, religieuses et politiques, est le but de la production, apparaît cependant bien plus élevée que le monde moderne, où la production est le but de l’homme et la richesse le but de la production. »
(Marx, « Grundrisse der Kritik der politischen Ökonomie ».)

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Notes :
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  1. Il s’agit de l’avertissement donné par le Gauche italienne concernant les dangers de la tactique de Front Unique avec les partis opportunistes et petits-bourgeois que préconisait Moscou et qui fut effectivement appliqué, par l’Internationale Communiste. [⤒]


Source : « Programme Communiste », № 8, juillet-septembre 1959. Changement 11/2022 : numérotation continue des notes de bas de page sur les quatre parties du texte.

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