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POUR LE PROLÉTARIAT HOSPITALIER, UN SEUL REMÈDE: LE RETOUR À LA LUTTE DE CLASSE
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Pour le prolétariat hospitalier, un seul remède: le retour à la lutte de classe
La restructuration actuelle concerne aussi le secteur privé
Le rôle des syndicats
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Pour le prolétariat hospitalier, un seul remède: le retour à la lutte de classe
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En France comme ailleurs le capital a nécessité d'augmenter ses profits et par conséquent d'intensifier l'exploitation des travailleurs en généralisant le retour à la flexibilité (voir la loi des 35 heures) et à la précarité de la main d'œuvre: tous les secteurs d'activité sont concernés. Ainsi, pour ce qui concerne la branche de la Santé, l'objectif (vieux d'un an) de supprimer 100.000 lits d'hôpital et d'amputer rapidement les budgets hospitaliers de 32 milliards de francs, aurait, s'il se réalisait, des conséquences dramatiques sur la situation du prolétariat de ce secteur et sur ses conditions de travail. Pour parvenir à leurs fins, les gouvernements bourgeois, de droite comme de gauche, rivalisent d'ingéniosité. Chacun y va de sa réforme, de sa loi; mais le but est commun: faire fonctionner au moindre coût le système de santé indispensable dans une société bourgeoise pour remettre en état de marche les exploités ou assurer une survie de base pour ceux qui ne sont plus en état d'être exploités. Rappelons la réforme hospitalière de la fin des années 80, le plan Juppé en 95, l'application de ce plan par Aubry.

Dans cette perspective il est intéressant de relater ce qui se passe en Mayenne, choisie semble-t-il pour une expérience test sans aucun doute parce que la classe ouvrière est moins nombreuse dans ce département qu'ailleurs et jugée particulièrement docile et peu combative.

L'Agence Régionale d'Hospitalisation (ARH), émanation du plan Juppé-Aubry, a ainsi concocté une attaque sans précédent contre tous les prolétaires en faisant disparaître le seul hôpital psychiatrique du département au nom de... la qualité des soins! Cette mort programmée avait été précédée par différentes amputations fragilisant un établissement qui avait regroupé jusqu'à plus de 500 patients et 650 employés, réalisées au nom de la modernité (bourgeoise s'entend).

La première opération a consisté à transférer un certain nombre de lits du secteur médical vers le secteur social:
- Création d'un C.A.T. (Centre d'Aide par le Travail), d'un Long Séjour (50 lits), d'une MAS (Maison d'Accueil Spécialisée). Il s'agit de structures destinées aux patients qui ne pourront réintégrer le circuit habituel de l'exploitation capitaliste. Le prix de journée y est diminué, au minimum, de 2 ou 3 fois en raison de la baisse de la qualité des soins. Quant aux salariés, ils subissent un éclatement des statuts, des conditions de travail dégradées, une déqualification des emplois (les infirmiers sont remplacés par des agents hospitaliers, des aides-soignantes, des aides médico-psychologiques, etc., moins bien payés).

Les salariés ont ensuite assisté à l'éclatement de la structure psychiatrique restante.

Pour cela les directeurs de l'ARH, de la DDASS (Direction Départementale de l'Assistance Sanitaire et Sociale) ont pris prétexte de l'emplacement géographique de l'hôpital (à Mayenne, ville excentrée dans le département) en affirmant qu'il fallait rapprocher les malades de leurs familles. Une unité de psychiatrie de 90 lits a ainsi été construite dans la ville de Laval, une unité de 50 lits est prévue dans la ville de Chateau Gontier (fief de l'ancien ministre Arthuis), tandis que 100 lits devraient rester à l'ancien hôpital. Ne doutons pas que la bourgeoisie saura trouver d'autres prétextes pour encore diminuer le nombre de lits...

Rattachement de ces nouvelles structures psychiatriques aux Hôpitaux généraux.

Savamment élaboré, le plan bourgeois devait se poursuivre par l'intégration des nouvelles unités dans les hôpitaux de Laval, Mayenne et Chateau Gontier. Le sacrement de mariage a été prononcé le 1er janvier dernier. Bien évidemment, outre la baisse de l'offre de soins, cette restructuration a des conséquences graves sur les prolétaires concernés: comme toute opération de ce type, elle s'accompagne de suppression d'emplois, de déqualifications et de dégradation des conditions de travail: c'est cette seule réalité qui aurait dû mobiliser les salariés et les amener à la lutter, mais nous verrons plus loin qu'il n'en a rien été.

Cette fusion présente de nombreux avantages pour les gestionnaires capitalistes:

Les hôpitaux généraux souffrent d'une pénurie de personnels et le «gisement de personnel» (dixit certains édiles) de la psychiatrie servirait à combler ce déficit chronique. En plus l'hôpital de Laval aurait un budget gravement déficitaire. L'opération du 1er janvier lui serait donc salutaire, même si d'autres restructurations seront encore nécessaires pour arriver à l'équilibre budgétaire visé par l'ARH.

Les salariés de chaque établissement ont des droits différents en ce qui concerne les congés annuels, les congés divers et les primes. A la suite de certaines luttes, les travailleurs de la psychiatrie avaient obtenu certains «avantages». Avec ce regroupement il n'y a guère de doutes que les gestionnaires vont tenter de faire disparaître ces avantages, aidés en cela par les couches aristocratiques sévissant dans les hôpitaux (directeurs du personnel, infirmiers généraux, cadres infirmiers supérieurs...). Il est plus que probable qu'il sera fait appel à la charité chrétienne pour faire passer la pilule (autrement dit au partage de la misère). Cela présente un autre avantage pour la bourgeoisie: diviser le personnel par des rivalités corporatives, ce qui est évidemment synonyme d'affaiblissement face à l'ennemi de classe.

Comme dans toute restructuration, le but principal est d'alléger les dépenses au titre du capital variable, c'est-à-dire la masse des salaires, en supprimant des emplois. Mais comme le statut de la Fonction Publique ne permet pas encore les licenciements économiques pour les personnels titulaires (la situation des contractuels, de plus en plus nombreux, est bien différente), que les départs en retraite sont en nombre insuffisant, les bourgeois ont mitonné une fine stratégie qui dissimule un piège particulièrement efficace: elle a créé le plan FASMO (Fonds d'Accompagnement Social pour la Modernisation des établissements de santé) institué par la loi de 97 de financement de la sécurité sociale pour l'année suivante.

Ce plan a pour but d'assurer le financement de la mobilité des salariés (distribution de miettes qui se veulent anesthésiques), le financement de la reconversion professionnelle et surtout le financement des départs volontaires. Sont concernés par ce dernier point certains agents en fin de carrière, sélectionnés sur la base du volontariat et en fonction de critères établis suivant les besoins (ou plutôt l'absence de besoins) rentables pour l'établissement: réorganisation des services, changement de métier, suppression de postes. Ces salariés volontaires donnent leur démission et en compensation ils reçoivent une somme qui peut aller jusqu'à 300.000 F. Pour l'année 2000 ce sont ainsi 30 agents de psychiatrie, dont 24 infirmiers ou cadres-infirmiers, qui ont démissionné. C'est particulièrement intéressant au niveau budgétaire dans la mesure où il s'agit de salaires supérieurs à la moyenne de l'établissement; de plus si ces départs ne correspondant pas tous à des suppressions d'emploi, ils sont remplacés, le cas échéant, par des personnels moins payés. Il faut aussi noter que la dégradation continue des conditions de travail entraînant un ras-le-bol des salariés, ce plan a connu un succès certain: beaucoup de demandes n'ont pu être satisfaites l'année dernière, et la mesure serait reconduite cette année.

Nous constatons donc tous les avantages que nos exploiteurs peuvent retirer de leur initiative: récupérer au centuple l'investissement de départ et diviser les travailleurs au moment où une unité de lutte aurait été nécessaire face à ces attaques.

La restructuration actuelle concerne aussi le secteur privé
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Rappelons que la «santé» est un secteur purement mercantile, hautement rentable pour le capital, donc où l'exploitation du prolétariat est particulièrement féroce. À Mayenne, la seule clinique privée utilise depuis 3 mois le plateau technique opératoire du Centre Hospitalier pour exercer le monopole de la chirurgie de l'appareil digestif. Sur le même lieu de travail on voit donc se croiser des personnels ayant la même formation, la même expérience, la même qualification, la même fonction, mais avec des statuts différents, des salaires différents et par conséquent une exploitation différente (les écarts de salaire peuvent atteindre 20% pour un agent, 40% pour une aide-soignante et 45% pour une infirmière). Ce plateau technique commun permet là aussi de faire des économies de personnel dans l'immédiat; ensuite la division entretenue entre salariés «privés» et «publics» aboutira à une uniformisation vers le bas des salaires et des conditions de travail: la mise en place des 35 heures dans le Public entraînera comme dans le Privé, une économie de postes nouveaux en faisant des gains de productivité sur le dos des salariés.

Cette attaque contre le prolétariat hospitalier n'est qu'un début puisque que se profile à l'horizon ce qu'on appelle l'accréditation.

Le plan de l'ARH, émanation du ministère, est bien huilé puisque après toutes ces restructurations, chaque établissement devra être crédité par les instances supérieures qui auront le pouvoir d'accepter ou de refuser la poursuite ou l'arrêt de telle ou telle spécialité, de tel ou tel établissement. Le comble est dans le fait que ce sont les salariés qui participeront à l'évaluation débouchant sur la possible accréditation, ce travail supplémentaire n'étant d'ailleurs pas compensé. Pour calmer le ras-le-bol et la perplexité du personnel, les directions tentent de faire croire que cette opération peut se conclure par l'obtention de moyens supplémentaires. Mais elles se gardent de dire que si tel était le cas, ces moyens ne correspondraient pas à des créations de postes mais au redéploiement des personnels issus d'établissements non accrédités et donc fermés. Une nouvelle fois la bourgeoisie aura atteint son but en créant ou en aggravant la division entre prolétaires de différents hôpitaux mis en concurrence.

Le rôle des syndicats
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Face à cette attaque d'ampleur, les syndicats, comme c'est presque toujours le cas, se sont employés à dévoyer la lutte prolétarienne vers des objectifs interclassistes donc bourgeois, le principal étant la défense de la psychiatrie et de l'hôpital psychiatrique. Quand ils ont réalisé que ce combat était perdu car inutile, ils ont essayé de mobiliser les travailleurs sur la réalisation et la défense du Syndicat Inter-Hospitalier (SIH). Il est à noter que ce SIH est une création de nos exploiteurs pour faire division. Même si aujourd'hui seule la CFDT persiste à défendre cet objectif véritable leurre semblable à ceux utilisés par les chasseurs pour capturer le gibier, la CGT en avait fait de même au début.

Parallèlement à la défense du SIH, les syndicats ont placé les salariés au cours des AG devant une fausse alternative basée sur les notions juridiques bourgeoises: la question centrale que devait résoudre les travailleurs, c'était de choisir entre l'intégration ou la fusion avec les hôpitaux généraux. L'intégration avait selon eux l'inconvénient de réduire à zéro le poids de la psychiatrie: plus d'élections professionnelles, donc plus de représentants de la profession dans les différentes instances (Conseil d'administration, comité technique et d'établissement, (commissions administratives paritaires locales, etc.) - qui sont toutes des institutions collaborationnistes et donc anti-prolétariennes, rappelons-le. La fusion, elle, aurait débouché sur la création d'un nouvel établissement et donc sur de nouvelles élections.

La CFDT a ensuite appelé les travailleurs à se rassembler devant la Préfecture et la DDASS pour se faire entendre des autorités. Des rencontres ont eu lieu avec le directeur de l'ARH et le président du Conseil général. Le résultat, bien entendu, a été absolument nul: les prolétaires doivent savoir qu'il ne sert à rien d'aller gémir auprès de leurs exploiteurs pour obtenir un sursis.

À l'opposé de cette fausse orientation des syndicats, synonyme d'impuissance face aux attaques bourgeoises, une véritable lutte prolétarienne aurait dû s'organiser avec des revendications fixées selon les grands axes suivants:
- Défense intransigeante et amélioration des conditions de travail.
- Défense et accroissement des emplois existants.
- Lutte contre la précarité
- Lutte unitaire pour l'égalité des conditions par le haut pour l'ensemble des salariés des différents établissements
- Lutte pour l'intégration des primes dans le salaire de base.

Pour se défendre, les prolétaires des hôpitaux, comme tous les autres prolétaires de France et du monde entier, n'ont pas d'autre solution que de prendre la voie de la lutte véritable, de la lutte ouverte pour leurs seuls intérêts de classe, sans se laisser dévier par les brillants miroirs aux alouettes (défense de la psychiatrie, etc.), sans se laisser paralyser par le chantage humaniste et bien-pensant à l'«intérêt des malades» (l'intérêt fondamental des malades de cette société est que la lutte contre elle se généralise au plus vite). Pour se défendre et améliorer leur sort, les prolétaires des hôpitaux et d'ailleurs n'ont pas d'autre solution que de rompre avec les traditions et les habitudes collaborationnistes, donc rompre avec toutes les forces et toutes les organisations qui pratiquent la collaboration des classes, avec les funestes orientations défaitistes du collaborationnisme syndical.

Le retour à la lutte de classe est le seul remède pour les prolétaires!

Source: «Le Prolétaire» numéro 456, janvier 2001.

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