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LES PAYS SOUS-DÉVELOPPÉS ET LE «PROGRÈS»
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Les pays sous-développés et le «progrès»
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Les pays sous-développés et le «progrès»
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Le réalité de la société capitaliste n'a rien à voir avec les intentions, les programmes et les efforts de planification des classes dominantes et de leurs dirigeants. Elle obéit à des lois inexorables que le marxisme a formulées il y a déjà un siècle. Une preuve évidente en est donnée par l'écart existant entre les états industriels et ceux qui produisent des matières premières pour l'industrie, c'est-à-dire entre les pays «avancés» et les pays «sous-développés» du monde, dont les gouvernements bourgeois que préoccupe une évolution sociale lourde de menaces proclament périodiquement qu'ils veulent «assainir» la situation, au nom de la «solidarité humaine» ou bien de la «coexistence pacifique».

Or, voici qu'un rapport de l'«Economic Review» largement cité par l'«Economist» du 3 octobre, nous apprend qu'en 1955-57 le pouvoir d'achat correspondant a l'ensemble des exportations des pays producteurs de matières premières industrielles n'avait augmenté que de 3 % par rapport a 1950, tandis que la production industrielle s'accroissait pendant la même période d'environ 5,5 % par an.

Ce phénomène est en partie de nature technique: les matières premières brutes sont de plus en plus remplacées, par des matières premières déjà ouvrées, telles que l'aluminium, les fibres synthétiques, etc. Par ailleurs, au cours d'un long cycle de production, l'industrie réutilise plusieurs fois les mêmes matières premières, comme c'est le cas avec la récupération des vieilles ferrailles. Mais il a aussi des causes plus profondes, qu'il faut chercher dans l'expansion croissante de la sphère d'action du grand capital, qui produit désormais lui-même une fraction considérable des matières premières et auxiliaires alimentant l'industrie super-mécanisée. C'est là un des aspects de la concentration capitaliste dans les domaines économique, social et, partant politique, qui exerce une influence déterminante sur tous les rapports de force.

Pour illustrer ce fait, il suffit de choisir un certain nombre de matières premières importantes d'origines diverses (le pétrole exclu). Considérons les principales zones industrielles du bloc occidental: U.S.A., Canada, Grande-Bretagne, Japon, Communauté européenne: entre 1950, 1952 et 1955-57, on observe que la production des objets manufacturés y a augmenté en moyenne de 28%, le pourcentage le plus bas étant celui du Canada (14 %) et le plus élevé, celui du lapon (93%). La consommation des matières premières a augmenté, sans doute, dans des proportions identiques globalement, mais de façon très inégale selon qu'il s'agissait de matières premières industrielles ou agricoles. Les chiffres sont les suivants:

Matières premières d'origine industrielle (aluminium, rayonne, nouvelles fibres synthétiques, caoutchouc synthétique, matières plastiques)

+ 67%

Acier

+ 31%

Métaux non ferreux (cuivre, plomb, zinc, étain)

+ 16%

Produits forestiers

+ 21 %

Matières premières d'origine agricole (textiles, caoutchouc naturel)

+ 10%

Cela signifie que la consommation de matières premières d'origine industrielle, c'est-à-dire fabriquées et transformées dans les grands pays industriels, s'est énormément développée, tandis que celle des matières agricoles et minières traditionnellement importées des fameuses «aires déprimées» est restée terriblement en arrière.

Si du général on passe au particulier, on observe qu'en Amérique la consommation des matières premières naturelles n'a pas du tout augmenté, et plus précisément, qu'elle n'a pas bougé pour les métaux non ferreux, mais qu'elle a diminué pour les matières premières agricoles et, en partie, forestières, à l'exception de la cellulose de bois qui a augmenté. On observe la même diminution de la consommation de matières premières agricoles au Canada et en Angleterre. En outre, puisque ce sont les industries connaissant la plus grande expansion actuellement (par exemple l'aéronautique) qui emploient le plus de matières premières non naturelles (l'aluminium, par exemple), il est clair que non seulement l'évolution ne peut pas être renversée, mais continuera et même s'accentuera. Autre élément négatif, pendant la période à laquelle se rapportent nos chiffres, les industries européennes ou non-américaines qui importent et consomment encore beaucoup de matières premières naturelles se sont intensément développées; mais comme il est peu probable que l'accroissement de leur production se poursuive au même rythme, la consommation non-américaine de matières premières agricoles ou minières est destinée à décliner; les pays sous-développés producteurs de ces marchandises en subiront le contre-coup avec la baisse de leurs exportations.

L'écart entre les deux catégories de pays, avancés ou sous-développés ira donc croissant. L'inégalité de développement économique augmentera, et aucune «bonne volonté d'aide» ne peut l'empêcher. La situation économique et partant sociale va en s'aggravant dans les aires déprimées, ce dont il faut rendre grâce à Sa Majesté le Capital. En conséquence celles-ci sont poussées à se dégager de la dépendance dans laquelle les placent leur monoculture et leur industrie purement extractive en développant leurs propres industries de transformation. Ce processus est à son tour lié au développement d'une bourgeoisie nationale, qui est une des racines objectives des mouvements anti-colonialistes, et à l'obtention de l'indépendance politique. Autre preuve que les lois de l'économie bourgeoise que le marxisme a définies agissent avec une rigueur inflexible, et que rien ni personne ne peut arrêter un mouvement qui est à la fois expansion du grand capital et préparation à l'écroulement final de cette économie.

Source: «Programme Communiste» no 11, avril-juin 1960

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