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LA PENSÉE DU PARTI INDÉPENDANT ALLEMAND
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La pensée du Parti indépendant allemand
Notes
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La pensée du Parti indépendant allemand
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(1) Les Indépendants allemands jouissent auprès des dirigeants de notre parti de sympathies spéciales. En effet, lorsqu'ils ont publié leur programme, que nous avons sévèrement critiqué pour ses lacunes et ses réticences, nos dirigeants l'ont au contraire accueilli comme un document de grande valeur digne des applaudissements unanimes des maximalistes.

Cet état d'esprit s'explique par le fait que du point de vue aussi bien théorique que, par conséquent, tactique, nos camarades sont en parfait accord avec les Indépendants, bien qu'ils soient dans l'Internationale alors que ces derniers sont dehors. La différence est purement formelle et autorise le camarade Serrati à penser aux Indépendants quand il évoque la possibilité d'un rapprochement avec des éléments qui, bien qu'extérieurs à la IIIe Internationale, se placent sur le terrain de classe, et avec lesquels il ne s'opposerait pas à ce qu'on prenne contact même s'ils ne sont pas encore décidés à entrer dans l'Internationale.

C'est le même état d'esprit qui explique l'attitude du camarade Bombacci qui, se trouvant à Berlin au cours des derniers mouvements et voulant rassembler des informations à leur sujet, est allé tout droit les chercher chez les Indépendants, comme s'ils constituaient la source la plus normale de renseignements. Or l'«Avanti», qui n'a pas trouvé le moyen de commenter les événements d'Allemagne ni cru bon de souligner le triste rôle que leur comportement équivoque a fait jouer, une fois de plus, aux Indépendants, a publié l'interview de Fabian, membre de la direction du Parti indépendant, par Bombacci, accompagnée d'une simple note disant qu'arrivée avec du retard, la lettre était presque complètement périmée en raison des événements survenus depuis.

La pensée et la tactique des Indépendants nous sont assez connues pour nous inspirer la plus grande méfiance à leur égard, sinon cette interview aurait suffi à le faire. Après une période d'hésitation qu'ils n'ont pas cachée, les Indépendants ont fini par admettre l'idée de «dictature du prolétariat» dans leur programme. Cela ne les empêche pourtant pas de réclamer un gouvernement constitué... avec l'accord des syndicats, au sixième jour d'une grève politique générale dans laquelle le prolétariat allemand s'est dressé de toute sa hauteur d'une façon que Fabian lui-même juge impressionnante. Toujours irrésolus, les Indépendants ne font preuve de décision que pour limiter les exigences, restreindre l'action et lui fixer des buts très proches. Il en va exactement de même pour certains de nos camarades qui sont autant d'... Indépendants du type allemand, dont on trouve d'ailleurs de nombreuses répliques dans tous les partis socialistes: Ils veulent tout casser, engager toutes les forces du prolétariat, user de toute la violence dont il est capable pour atteindre tel ou tel but contingent, même très modeste, mais ils accablent de leurs foudres ceux qui voudraient le pousser à employer cette violence pour renverser le gouvernement bourgeois.

Selon les Indépendants allemands, le prolétariat devait se lancer dans la grève à outrance pour se contenter au bout du compte d'un gouvernement de coalition entre bourgeois et majoritaires puisque ni les communistes ni même les Indépendants ne devaient y participer. A propos de cette question de la participation, Fabian nous donne un aperçu non seulement de la politique de l'autruche que font les Indépendants, mais de la conception toute personnelle qu'il a lui-même de la discipline de parti et qui est d'autant plus intéressante que ce n'est pas un militant quelconque qui parle, mais un dirigeant. Les Indépendants allemands qui diffèrent de certains autres par leur pruderie politique, ont décidé de ne pas participer au gouvernement, mais Fabian n'est pas de cet avis. Il voudrait au contraire que le vieux Kautsky, que Lénine traite justement de renégat, et quelques autres y entrent, ajoutant que, bien entendu, ils devraient d'abord quitter le parti.

Peut-on imaginer position plus balourde? Nous avons souvent vu des socialistes participer au gouvernement contre la volonté de la majorité, et trahir en quittant le parti. Ce qui est nouveau, c'est qu'un dirigeant propose que d'autres dirigeants sortent du parti pour pouvoir participer au gouvernement, c'est-à-dire pour concilier le respect dû à la volonté de la masse et le désir d'occuper un poste de ministre qu'on pourrait exploiter!

De la part des Indépendants, on peut s'attendre à tout, mais ce qui est surprenant, en revanche, c'est que, toujours selon Fabian, ils auraient toujours agi en parfait accord, sinon avec les organisations communistes de Berlin et de Hambourg, du moins avec le comité central du K.P.D. lié à Moscou. Nous ne voulons pas entrer dans une discussion sur la valeur des directives données par ces organisations locales, mais cet épisode d'action commune entre les Indépendants et les communistes adhérant à Moscou nous renforce dans la conviction que nous avons déjà exprimée qu'il existe peut-être bien un désaccord au sein de la IIIe Internationale au sujet de l'action à développer.

Après tant de luttes héroïques et de si grands sacrifices, la Russie des Soviets ressent le besoin impérieux d'une pause, d'un relâchement de la tension que lui impose la menace continuelle d'une nouvelle attaque de ses ennemis extérieurs. C'est ce qu'elle cherche à obtenir en établissant des rapports pacifiques avec les autres pays, où aucun mouvement insurrectionnel n'a encore pu remporter la victoire, car ces rapports lui permettront peut-être de se procurer par l'échange les produits dont elle est privée. C'est pourquoi sa tactique consiste à obtenir des puissances de l'Entente qu'elles la reconnaissent officiellement sur la base d'un engagement réciproque à ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures des autres, c'est-à-dire à nouer avec elles les rapports habituels entre États ordinaires, son organisation intérieure étant seule différente. La Russie des Soviets cherche donc à pousser les différents partis adhérant à la III° Internationale à utiliser l'influence qu'ils peuvent exercer dans les assemblées législatives pour faire indirectement pression sur les gouvernements, et c'est pourquoi elle conseille l'utilisation des moyens légaux, et en particulier celle de l'action parlementaire. Justifiée par la nécessité de conserver le pouvoir, cette orientation tactique entre en contradiction avec celle que les partis communistes doivent suivre là où le régime bourgeois reste à abattre et où ils doivent donc se préparer à cette fonction révolutionnaire qui leur est propre.

Aujourd'hui, le désaccord en est encore au stade embryonnaire, mais la IIIe Internationale devra le trancher pour ne pas risquer de valoriser les méthodes des Indépendants allemands ou du type allemand, toutes gens qui ne sont capables que d'une seule chose: arrêter les mouvements des masses prolétariennes pour leur émancipation.

Notes:
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  1. Paru dans: «Il Soviet», 3° année, N° 12, 25 avril 1920 [back]

Source: «Programme Communiste», numero 58, avril 1973

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