BIGC – Bibliothèque Internationale de la Gauche Communiste
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MÉTAPHYSIQUE DE LA TERRE-CAPITAL


Content :

Métaphysique de la terre-capital
De 1884 à 1847
Économie, morale, logique
À bas le libre, arbitre, ce guignol stupide !
Un médecin, un banquier, un professeur
Égalitarisme mercantile
Ordonnance : des « pilules »
D’où vient la misère ?
La rente d’après Proudhon
Notes
Source


Sur le fil du temps

Métaphysique de la terre-capital

De 1884 à 1847

Notre intention n’est pas de nous contenter de soutenir que ce que Marx écrivit lors des derniers moments de sa vie, aussi bien dans le Livre III que dans le Livre IV de sa plus grande œuvre inachevée, représente le dernier mot pour ce qui concerne la théorie de l’économie agraire.

Cette théorie a une forme bien définie dès l’instant où se constitue le bloc, aux contours nets et précis, de la doctrine révolutionnaire, à savoir quelques années avant le « Manifeste » qui fut divulgué en 1848.

Et en effet, c’est Marx lui-même qui nous confirme ce fait, ce qui devrait mortifier pour la énième fois ceux qui ont toujours affirmé le caractère de « continuel changement » de la méthode marxiste en général, et des analyses de Karl Marx en particulier. Et parmi ces gens-là, il y en eut (il n’y en a plus) qui n’étaient pas des imbéciles. Nous voulons dire par cette phrase quelque peu tarabiscotée que, s’il en existe aujourd’hui, ce sont tous des idiots. Parmi ceux qui sont aujourd’hui défunts, rappelons Tonino Graziadei qui connaissait son affaire (même si, dans les dernières années, on l’avait réduit, dans le parti des faussaires, au rôle de consultant bibliographique et doctrinal de la grande Direction militante). Depuis l’époque où il était un réformiste très droitier jusqu’à celle où il se révéla communiste, mais toujours en tant que professeur (comme il souriait de bonheur un jour à Berlin quand il racontait comment il était passé facilement à la frontière en déclinant sa qualité « Universitätsprofessor » !…, à un douanier qui aurait à coup sûr interdit le passage à Karl Marx en personne !), il n’a cessé de publier, même durant la période fasciste, un livre par an pour prouver que le Livre III du « Capital » avait démoli, morceau par morceau, les premières théories économiques de Marx, et surtout sa théorie de la plus-value, ce qui avait pour conséquence (au dire de Tonino) que celle de la rente n’était qu’un vain exercice littéraire.

À la fin du Livre III de l’« Histoire des Doctrines », dans l’intéressant paragraphe où il compare Rodbertus à Ricardo, Marx, sans doute fatigué de citer les « bévues » du premier, s’exclame à un certain moment : « J’ai du reste donné dans un autre de mes écrits une explication suffisante [sic !] de la rente foncière moderne ». Et, en bas de page, il fait référence à la « Misère de la Philosophie », éditée à Paris en 1847.

Cette œuvre fondamentale, à laquelle nous avons eu recours à de nombreuses reprises, et qui prend pour point de départ les écrits économiques de Proudhon, représente le premier exposé organique de l’économie marxiste et des principes de base du déterminisme dialectique, tandis que le « Manifeste » rédigé quelques mois plus tard, en établissait, sur des fondations irrévocables, la partie historique et politique.

Nous avons non moins souvent constaté que la démolition de la construction proudhonienne marque une date importante puisqu’elle fait place nette des innombrables déviations qui se sont manifestées beaucoup plus tard tout au long d’un siècle, en reprenant exactement les mêmes erreurs et les mêmes ismes déshonorants, dont nous rappelons la série idéal-moral-égalitar-libéral-libertar-individual-personnal-subjectiv-mercantil-affair-isme.

Cela est d’ailleurs souligné magistralement par Engels dans sa « Préface » de 1884 (et donc 37 ans après), dont nous avons extrait aussi en d’autres occasions d’excellentes formules de synthèse des positions fondamentales, et où il avertit cependant que la terminologie n’est pas encore aussi élaborée que celle du « Capital », dans la mesure où l’on parle de valeur et de prix du travail, au lieu de celle de la force de travail, qui est considérée dans l’économie du salariat (ergo capitaliste) comme une marchandise.

Économie, morale, logique

Ce n’est pas un hasard si nous avons dit que ce que l’on désigne habituellement par problèmes philosophiques reçoit également une définition dans la critique de Marx adressée à Proudhon. Dans son caustique préambule bien connu, Marx se moque de l’auteur qui passait en France pour un grand philosophe allemand, et en Allemagne pour un grand économiste français.

Or, c’est précisément lorsque Proudhon se met à traiter notre sujet actuel, c’est-à-dire la propriété agraire et la rente, qu’il s’en sort ainsi : « L’origine de la rente, comme de la propriété, est pour ainsi dire extra-économique ; elle réside dans des considérations de psychologie et de morale qui ne tiennent que de fort loin à la production de la richesse »

On voit là clairement qu’on se trouve devant une alternative dont les termes sont séparés par un abîme. Devons-nous nous aider des données de la science psychologique et de la science (?) morale pour expliquer les processus économiques ? Ou bien, au contraire, brandir la solide clef du matérialisme historique, et expliquer par les données économiques les manifestations « psychologiques » et les innombrables systèmes de morale ?

Lorsque Marx aborde la question de la « Méthode économique métaphysique » dont se réclame ouvertement Proudhon, il se paye la tête de son adversaire qui a voulu faire peur aux Français en leur jetant à la face des phrases quasi-hégéliennes. Marx a l’air de dire : nous, nous avons complètement dépassé Hegel (peut-être certains lecteurs se souviennent-ils de la citation de cette note du Livre III du « Capital », où la définition que Hegel donne de la propriété comme acte de force et de volonté de la personne humaine, ou, ainsi qu’on l’évoque aujourd’hui encore à tout bout de champ, comme prolongement de la personne elle-même, est traitée par Marx comme quelque chose « du plus haut comique »), mais vous qui vous flattez de lui être fidèle, vous ne le connaissez pas ou, en réalité, vous ne l’avez pas compris… Et, en effet, le texte de Proudhon dit : « Nous ne faisons point une histoire selon l’ordre des temps [fi donc !… car ce serait alors être partisan de suivre le ‹ Fil du Temps ›] mais selon la succession des idées. Les phases ou catégories économiques sont dans leur manifestation tantôt contemporaines, tantôt inverties… Les théories économiques n’en sont pas moins leur succession logique et leur série dans l’entendement ».

Le passage suivant de Marx, que l’on peut et l’on doit utiliser encore pour la théorie de la connaissance et de la pensée, ne liquide pas seulement la verbosité économique de Proudhon, mais il met aussi hors de combat la raison pure de Kant et la méthode logique de Hegel ; Marx analyse celles-ci comme un « strip-tease » qui, en faisant successivement abstraction de tous les objets et de leurs rapports réels, en laissant tomber tous leurs prétendus accidents, réduit tout le mouvement et la vie du monde réel à la nudité, plus qu’à la nudité, à la vacuité de la catégorie logique qui ne vit que dans la seule raison ; à la méthode absolue qui préexiste à tout.

« Toute chose étant réduite à une catégorie logique, et tout mouvement, tout acte de production à la méthode, il s’ensuit naturellement que tout ensemble de produits et de production, d’objets et de mouvement, se réduit à une métaphysique appliquée. Ce que Hegel a fait pour la religion, le droit, etc., M. Proudhon cherche à le faire pour l’économie politique ».

Dans la critique de Marx et d’Engels à leurs contradicteurs, nous trouvons toujours un double aspect. Comme ces derniers se vantent à tout bout de champ d’avoir « découvert » de nouvelles lois et de nouvelles vérités, Marx et Engels démontrent que, s’il s’agit d’observations et de théories exactes, elles ont déjà été énoncées bien avant par des économistes qui se contentaient de la sérieuse méthode « descriptive et historique », habituellement méprisée par les innovateurs ; et, si ces auteurs ont dit des choses vraiment originales, ils prouvent qu’il s’agit 99 fois sur 100 d’énormes erreurs, de travestissement de la réalité, de déductions arbitraires tirées de constructions métaphysiques vides, étayées par les dogmes banals de la culture courante et par un mièvre sentimentalisme.

Le renvoi de Proudhon à la psychologie et à la morale, à l’ordre des idées, sa curieuse façon d’analyser dans tout processus économique (concurrence, monopole, division du travail, machinisme, crédit, impôts, etc.) le bon et le mauvais côté, sont des expédients désormais séculaires : en effet, qu’entendez-vous de différent dans tout exposé, même daté de janvier 1954, dû à un économiste, qu’il soit amateur ou professionnel ? Si la stricte analyse scientifique montre qu’il va se produire un fléchissement dans la structure économique, si toute analyse des faits vient mettre en doute la possibilité, par exemple, de conjurer la crise qui s’annonce, soit en supprimant les contrôles et les entraves pour libérer les initiatives économiques des individus et des entreprises, soit en renforçant le dirigisme et l’interventionnisme de l’État, quel est le refuge ? Le recours aux forces de l’esprit, à l’action des hommes honnêtes et de bonne volonté, et autres plaisanteries. Et il en est de même dans le camp opposé lorsqu’on fait dépendre la reprise de la force révolutionnaire de classe du retour de la conscience partout, dans les deux camps, anti-marxisme et sous-marxisme, c’est le refus de voir dans les attitudes mentales le résultat et le reflet du processus économique, qui sont déterminés par la nature matérielle de ce dernier.

À bas le libre, arbitre, ce guignol stupide !

Partant pour son périple dans l’économie métaphysique, Proudhon lui aussi quitte le port de la réalité et prend une route qui a été indiquée depuis un certain temps par de véritables explorateurs : il établit la distinction entre la valeur d’usage et la valeur d’échange, pour chaque objet, et il tente de fonder une théorie des phénomènes de marché. Il n’a pas encore évoqué les puissances mystiques, mais il s’égare quand même en négligeant deux points essentiels : la genèse et le déroulement historique de l’échange au cours des différentes époques, le caractère social et non individuel du rapport d’échange à autrui. Et, par conséquent, son navire va s’échouer.

Celui des économistes modernes n’est guère allé plus loin. Étant donné un acheteur, poussé par le besoin de se fournir, par exemple, en pommes de terre, et un vendeur qui écoule des pommes de terre contre de l’argent, ces économistes se demandent comment expliquer le chiffre auquel aboutira la transaction. L’acheteur pense à la valeur d’usage, au besoin qui le presse de manger, le vendeur à la valeur d’échange, c’est-à-dire au gain maximal en argent qu’il pourra tirer de ses pommes de terre. Tout l’effort pour déplacer quelque peu le problème hors de ce simple duo, et pour faire apparaître au moins au second plan la société, la collectivité économique, se réduit à la fameuse petite règle (ce sont là des vérités que nous dirons presque banales, écrit Marx) de l’offre et de la demande. Le prix baisse s’il y a beaucoup de pommes de terre et peu d’appétit pour elles, il monte si les pommes de terre sont rares et nombreux ceux qui en veulent. Assimilant alors l’abondance à la valeur d’usage, notre auteur qualifie cette valeur d’utilité ; et la rareté à la valeur d’échange, il la qualifie de valeur d’opinion. Et il se demande si, entre ces deux puissances opposées, l’on peut établir un point de comparaison. Il en trouve un, en effet l’arbitraire.

« En ma qualité d’acheteur libre, je suis juge de mon besoin, juge de la convenance de l’objet, du prix que je veux y mettre. D’autre part, en votre qualité de producteur libre, vous êtes maître des moyens d’exécution, et, en conséquence, vous avez la faculté [?] de réduire vos frais »…
« Il est prouvé que c’est le libre arbitre de l’homme qui donne lieu à l’opposition entre la valeur utile et la valeur en échange. Comment résoudre cette opposition tant que subsistera le libre arbitre ? Et comment sacrifier celui-ci, à moins de sacrifier l’homme ? ».

Ici, Marx examine les choses de plus près et de son propre point de vue. Dans le contrat mercantile, l’offre est en même temps une demande, la demande une offre, et ce sont deux valeurs d’échange qui s’y confrontent entre elles.

« Dans le cours de la production, [le produit qu’on offre] a été échangé contre tous les frais de production, tels que les matières premières, les salaires des ouvriers, etc., toutes choses qui sont valeurs vénales. Donc le produit représente, aux yeux du producteur, une somme de valeurs vénales. Ce qu’il offre, ce n’est pas seulement un objet utile, mais encore et surtout une valeur vénale. Quant à la demande, elle ne sera effective qu’à la condition d’avoir à sa disposition des moyens d’échange. Ces moyens eux-mêmes sont des produits, des valeurs vénales ».

Dans l’hypothèse de Proudhon, nous sommes dans une société fondée sur la division du travail et sur l’échange. Dès lors, les moyens de production ne dépendent pas du libre arbitre du producteur, mais ils sont en grande partie des produits qui lui viennent du dehors…

« Le consommateur n’est pas plus libre que le producteur. Son opinion repose sur ses moyens et ses besoins. Les uns et les autres sont déterminés par sa situation sociale, laquelle dépend elle-même de l’organisation sociale tout entière. Oui, l’ouvrier qui achète des pommes de terre, et la femme entretenue qui achète des dentelles, suivent l’un et l’autre leur opinion respective. Mais la diversité de leurs opinions s’explique par la différence de la position qu’ils occupent dans le monde, laquelle est le produit de l’organisation sociale ».

M. Proudhon « pousse l’abstraction aux dernières limites, en fondant tous les producteurs en un seul producteur, tous les consommateurs en un seul consommateur, et en établissant la lutte entre ces deux personnages chimériques »
« Ainsi, toute la dialectique de M. Proudhon en quoi consiste-t-elle ? À substituer à la valeur utile et à la valeur échangeable, à l’offre et à la demande, des notions abstraites et contradictoires, telles que la rareté et l’abondance, l’utilité et l’opinion, un producteur et un consommateur, tous les deux chevaliers du libre arbitre ».

Faisons un paquet de tous les économistes modernes qui fabriquent des formules sur la détermination du prix fondée sur les forces en mouvement sur le marché : ophélimité[1], utilité marginale, vitesse de circulation, volume des capitaux circulants, quantité de biens de consommation, etc., et enterrons-les sous cette phrase lapidaire chevaliers du libre arbitre, dans la chapelle nobiliaire de la famille Proudhon.

Un médecin, un banquier, un professeur

Dans les « Fili » précédents, nous avons insisté délibérément sur le gros travail effectué par Marx à propos du « Tableau Économique » de Quesnay. Et nous avons fait ressortir la raison essentielle pour laquelle Quesnay occupe la place la plus haute parmi les ancêtres des économistes du capitalisme : il dépasse largement le point de vue de l’échange « moléculaire » et la puérile personnification des forces économiques. Pour lui, il ne s’agit pas de l’homme qui vend et de l’homme qui achète, mais du mécanisme de la circulation de la richesse entre la classe productive, la classe rentière, et la classe (à son avis stérile) de l’industrie.

Et nous avons fait la comparaison, à la lumière du marxisme, entre Quesnay et Ricardo, les représentants les plus éminents de deux écoles économiques, en montrant que l’énorme avantage du premier, du fait de la découverte des protagonistes-classes, surpasse celui qu’il faut attribuer à l’Anglais quand il établit la portée de la production industrielle, et la formation, également en elle, de la plus-value dans l’emploi des salariés.

Nous avons indiqué par ailleurs les diverses contributions que les écoles des grandes nations ont apportées à la critique bourgeoise du monde féodal, car, si les révolutions bourgeoises ont un caractère commun de classe, elles présentent cependant un net profil national. L’Allemagne donna la Philosophie, l’Angleterre l’Économie, la France la Politique, toutes trois appropriées à l’époque et au mode capitalistes de production.

Comment la lutte de classe prolétarienne se fonde-t-elle au début sur l’intervention dans les révolutions nationales bourgeoises (nous trouvons encore, dans ces mêmes pages, une formulation qui ne semble pas malgré tout être entrée dans la petite tête de certaines grandes perches qui se dandinent) ? La voilà :

« Les classiques, comme Smith et Ricardo, représentent une bourgeoisie qui, luttant encore avec les restes de la société féodale, ne travaille qu’à épurer les rapports économiques des tâches féodales, à augmenter les forces productives, et à donner à l’industrie et au commerce un nouvel essor. Le prolétariat participant à cette lutte, absorbé dans ce travail fébrile, n’a que des souffrances passagères, accidentelles, et lui-même les regarde comme telles ».

C’est ainsi que la nouvelle doctrine originale et intégrale de classe possède avec force et élabore le matériel de ces trois apports historiques.

Et c’est à cette position vigoureusement résumée, qui n’a donc pas été inventée quelques mois auparavant, que Marx se réfère en 1847, lorsqu’il suit Proudhon qui passe imprudemment du domaine de l’économie « à l’anglaise » à celui de la philosophie « à l’allemande ». Marx s’est vu contraint, dans un premier temps, de parler abondamment de l’école de Ricardo afin de clarifier le grand embrouillamini français. Et il dit : « M. Proudhon nous transporte dans notre chère patrie et nous force à reprendre notre qualité d’Allemand malgré nous ».

« L’Anglais, c’est Ricardo, riche banquier et économiste distingué ; l’Allemand, c’est Hegel, simple professeur de philosophie à l’Université de Berlin ».

Et le Français ? Il s’agit de démontrer que les constructions idéologiques sont le produit de la société contemporaine à leur auteur et non celui de la fermentation spontanée de la « raison pure » sous le chapeau du banquier ou dans le cerveau du philosophe.

Et voici la contribution de la France au… pool de la révolution bourgeoise. Attention !

« Louis XV, dernier roi absolu [le dernier à mourir absolu… et dans son lit], et qui représente la décadence de la royauté française, avait attaché à sa personne un médecin qui était, lui, le premier économiste de France. Ce médecin, cet économiste, représentait le triomphe imminent et sûr de la bourgeoisie française ».

Le docteur Quesnay (qui saura jamais pourquoi, dans l’édition de l’« Avanti ! », il est désigné sous le nom de Tuesnay), a fait de l’économie politique une science ; il l’a résumée dans son fameux « Tableau économique ».[2] Outre les mille et un commentaires qui ont paru sur ce tableau, nous en possédons un du docteur lui-même. C’est « l’analyse du tableau économique », suivie de « sept observations importantes ».

Marx se sert de cette idée magistrale pour exposer sept observations à la méthode proudhonienne, dont la première est précisément celle à laquelle nous avons fait allusion, celle sur les « catégories » économiques que Proudhon traite de manière métaphysique en singeant Hegel. Celui-ci avait une « formule magique », mais il n’a pas su trouver les problèmes auxquels l’appliquer. Proudhon, lui, a posé quelques-uns de ces problèmes mais la formule s’est figée entre ses mains. Il tenta de fonder un système socialiste, mais il n’arriva à établir qu’une théorie pour petits-bourgeois qui empeste encore de nos jours terriblement.

Égalitarisme mercantile

Cette forme de système socialiste, répandue comme le chiendent, et que, au fond, on peut trouver dans la tête d’au moins neuf et demi sur dix de ceux qui se disent marxistes, est le résultat hybride du mariage d’une économie bourgeoise ricardienne et d’une philosophie humanitaire encyclopédiste.

Quelques passages du texte de Marx et de la Préface d’Engels permettront d’expliquer cette forme « dans toute sa maigreur ». Ricardo et les siens font partie des économistes « fatalistes », qui ne font pas de programmes pour abattre ou pour dépasser le capitalisme : ils le prennent comme il est, sans même se poser de questions sur ses bons ou ses mauvais côtés. Dans un autre passage, Marx dit que Ricardo est cynique. Il met en effet des chapeaux et des hommes sur le même plan :

« Diminuez les frais de fabrication des chapeaux, et leur prix finira par tomber à leur nouveau prix naturel [c’est-à-dire au prix fixé par la quantité de travail nécessaire pour fabriquer un chapeau], quoique la demande puisse doubler, tripler ou quadrupler. Diminuez les frais de l’entretien des hommes, en diminuant le prix naturel de la nourriture et des vêtements qui soutiennent la vie, et vous verrez les salaires finir par baisser, quoique la demande de bras ait pu s’accroître considérablement ».

Ricardo n’avait donc pas le moindre cheveu (sous son couvre-chef) même vaguement travailliste. Malgré tout, il nous intéresse au plus haut point. C’est pourquoi Engels, dans sa « Préface », synthétise sa contribution, depuis les « Principes » qui datent de 1817. Premièrement : la valeur de toute marchandise est seulement et uniquement déterminée par la quantité de travail requise pour sa production. Deuxièmement : le produit de la totalité du travail social est partagé entre trois classes, celle des propriétaires (rente), celle des capitalistes (profit), et celle des travailleurs (salaire).

Or, une série d’auteurs, que nous pouvons appeler socialistes « pré-marxistes », ont fondé sur les deux propositions de Rodbertus une théorie égalitaire. En Angleterre, ce fut par exemple Bray, en Allemagne, Rodbertus (dont Engels réfute la prétention d’avoir été plagié par Marx, qui a suivi une voie tout à fait différente). En s’appuyant sur le système des « bons de travail », ils proposaient que toute la valeur du produit social soit exprimée non plus en argent, mais en une monnaie qui indiquerait le travail contenu dans chaque marchandise, et que ces bons soient attribués à ceux qui auraient fourni le temps de travail correspondant à leur valeur. Ils pensaient qu’il serait ainsi possible de restituer au travailleur toute la valeur produite, ou ajoutée aux produits, par son travail, et, en définitive, de supprimer la rente et les profits du capital.

Bien qu’il soit dicté par l’objectif humanitaire, philanthropique, d’éliminer la misère et la souffrance sociales, ce système est non seulement irréalisable, mais il n’est même pas efficient si l’on se propose de substituer à la société capitaliste une société comportant moins de misère et de cruauté. Dès le départ, une intention de la sorte est parfaitement réactionnaire par rapport au libre développement et à l’accumulation de capital privé. Ce jugement est martelé dans tous les écrits de Marx, mais il est étayé par des développements particulièrement décisifs dans cet « Antiproudhon ».

Engels formule l’explication suivante, que nous avons citée en d’autres occasions :

« L’application conséquente de la théorie de Ricardo, qui montre aux travailleurs que la totalité de la production sociale, qui est leur produit, leur appartient, parce qu’ils sont les seuls producteurs réels, conduit tout droit au communisme. Mais elle est aussi – ainsi que Marx l’explique – formellement fausse économiquement parlant, parce qu’elle est simplement une application de la morale à l’économie[…]. C’est pourquoi Marx n’a jamais fondé là-dessus ses revendications communistes, mais bien plutôt sur la ruine nécessaire, qui se consomme sous nos yeux chaque jour davantage, du mode de production capitaliste ».

Et il ajoute que cette réaction « morale » chez les masses n’est pas du tout dénuée d’effet historique, et même économique, malgré sa fausseté doctrinale intrinsèque : comme toutes les autres, c’est une idéologie « approchée », signe précurseur d’autres idéologies ultérieures et superstructure d’une contradiction entre forces positives au sein de la société, et elle ne doit donc être certainement pas ignorée ou sous-estimée.

Mais dans le déroulement de la critique de la version proudhonienne de ce socialisme limité, Marx présente des constructions du plus haut intérêt, sur lesquelles il serait bon de nous attarder un peu, afin, principalement, de rendre claire la distinction radicale entre ces premières exigences et la nôtre, et d’établir que la formulation qui dépasse et abandonne tout « économisme » de ce genre n’est certes pas nouvelle, mais qu’elle est tout bonnement primordiale dans son orthodoxie irréductible : objectif auquel on ne consacrera jamais assez de temps, tant il est facile de perdre cette boussole dans les mers difficiles de l’actualité et de l’activité.

Ordonnance : des « pilules »

Proudhon appelait « valeur relative » d’une marchandise la valeur déterminée selon le temps de travail nécessaire pour la reproduire. Il réduisait la question sociale à la requête suivante : l’ouvrier devrait être payé en fonction de la mesure exacte de son travail. Marx lui démontre au contraire que, historiquement, c’est justement la mesure de la valeur des marchandises selon le travail, que Ricardo introduit, ou mieux découvre, qui définit l’économie capitaliste et qu’elle comporte la formation d’une plus-value. Devons-nous, pour la énième fois, refaire cette démonstration avec nos propres mots ? Tant que régnera la liberté des échanges, celui qui détient des bons de travail-temps pourra toujours trouver sur le marché de la main d’œuvre qui travaillera, par exemple, dix heures, non pas pour un bon de dix heures mais pour un de six, si la valeur-temps de six heures suffit pour acheter la subsistance quotidienne, au sens complet, d’un travailleur. Comme quoi, ce système nécessite un tout autre appareil de contrainte : mais cela n’est qu’un aspect des objections que Marx introduit dans cette pilule salutaire :

« Ainsi la valeur relative, mesurée par le temps de travail, est fatalement la formule de l’esclavage moderne de l’ouvrier, au lieu d’être, comme M. Proudhon le veut, la ‹ théorie révolutionnaire › de l’émancipation du prolétariat ».

Si l’on prend cette pilule après le repas, on comprend rapidement que la théorie de la plus-value nous est indispensable pour analyser l’anatomie de la société capitaliste, mais que notre objectif programmatique n’est pas l’abolition de la plus-value. Quel est-il ? Marx le dit ! Il le dit et le redit ; et, des pilules, nous en avons donné !

La métaphysique de Proudhon prétend que, si à une époque quelconque on s’était mis à respecter la loi-miracle de la valeur-travail, étant donné que les choses les plus nécessaires s’obtiennent en moins de temps, automatiquement, l’humanité aurait eu – comme cela arrivera dès l’instant où l’on émettra les fameux bons – tout ce qui est nécessaire pour satisfaire les besoins élémentaires de tous et, progressivement, elle aurait pourvu aux besoins les plus élevés. Pilule, pour éviter une telle indigestion de rhétorique et d’utopie :

« Les choses se passent tout autrement que le pense M. Proudhon. Au moment même où la civilisation commence, la production commence à se fonder sur l’antagonisme des ordres, des états, des classes, enfin sur l’antagonisme du travail accumulé et du travail immédiat. Pas d’antagonisme, pas de progrès. C’est la loi que la civilisation a suivie jusqu’à nos jours ».

C’est une pilule à faire danser la valse à un hippopotame. Elle contient avant tout la démonstration que, à leur époque, tous les modes de production successifs, y compris le mode capitaliste, précisément parce qu’il est meilleur producteur de surtravail, ont fait tourner en avant la fameuse roue de l’histoire. La formule visionnaire de Proudhon revient à dire que « parce qu’on nourrissait des murènes dans des piscines artificielles, sous les empereurs romains, on avait de quoi nourrir abondamment toute la population romaine ». Mais il y a plus encore dans cette pilule puisque l’on constate, à l’époque bourgeoise, que le travail accumulé est le capital, et que le travail immédiat est l’œuvre des salariés, il en découle la formule lapidaire de la revendication communiste : abolir la dépendance du travail immédiat vis-à-vis du travail accumulé.

La petite formule de 1847 suffit pour établir que, dans la Russie de 1954, il n’y a pas une miette de socialisme. Supposons qu’il soit prouvé que l’ouvrier russe touche un salaire réel plus élevé que celui de l’ouvrier occidental. Puisqu’il est rémunéré sur la base de l’échange d’équivalents, c’est-à-dire tant d’argent (et quand bien même ce serait tant d’objets de consommation) contre tant d’heures de travail, cela signifie (même si les personnes des capitalistes et des propriétaires sont invisibles) la domination du travail accumulé sur le travail immédiat.

D’où vient la misère ?

Si l’utilité d’un produit est jugée en fonction de son bas prix, alors l’eau-de-vie et le tabac (hé, de ce second produit, Marx n’en parle pas : s’il avait été vendu à un prix prohibitif, eh bien Marx aurait certainement pu achever de rédiger le « Capital ») de la pire qualité sont-ils des produits qui sont utiles aux masses ? Et est-ce du fait de l’utilité que le prix minimum (même s’il est exprimé en temps de travail) détermine la consommation maximum ? En garde ! : « Non, c’est parce que, dans une société fondée sur la misère, les produits les plus misérables ont la prérogative fatale de servir à l’usage du plus grand nombre ».

Et Marx ne s’est jamais occupé de définir les caractères de la société communiste ! Embouchons un cor du calibre de celui de Ronceveaux : « Dans une société à venir, où l’antagonisme des classes aurait cessé, où il n’y aurait plus de classes, l’usage ne serait plus déterminé par le minimum du temps de production ; mais le temps de production sociale qu’on consacrerait aux différents objets serait déterminé par le degré d’utilité sociale ». Est-il nécessaire d’expliquer ?!

Peut-être que le traitement énergique ordonné pour assimiler un peu de dialectique n’est-il pas encore suffisant, même durant cette « séance » ? Nous nous sommes servis de Ricardo, comme nous nous sommes servis de Hegel et aussi de Voltaire (et nous en sommes désolés, mais nous ne ferons pas un festival de théoriciens, qui ne servirait qu’à augmenter la liste des fournisseurs de doctrine, bien que les génies incompris, les cerveaux-utérus en état de fausse grossesse, pullulent habituellement), mais si nous rencontrons des ricardiens, des hégéliens ou des voltairiens, nous leur foutrons une bonne raclée.

« Le temps de travail servant de mesure à la valeur vénale devient ainsi la loi de la dépréciation continuelle du travail ».

Eh bien, non seulement nous ne nions pas que l’économie, régie par cette loi, soit née, mais même qu’elle ait bien fait de naître, ou qu’elle fasse bien de naître là où elle n’était pas née jusqu’alors (Russie, Chine). Ce que nous nions – comme quand nous « dialoguons avec Staline » – c’est que cette économie soumise à une telle loi fondamentale soit une économie prolétarienne. Et cette formule a-t-elle réellement contribué à produire par magie cette gamme de produits d’une grande diversité qui enchante tant M. Proudhon ? Même pas : « Tout au contraire, le monopole dans toute sa monotonie vient à sa suite envahir le monde des produits, de même qu’au vu et au su de tout le monde, le monopole envahit le monde des instruments de production ». Et donc le monopole, la dictature sur la consommation des marchandises et des services les plus stupides, que, par exemple, nous dénonçons dans l’Amérique prospère la plus moderne, sont gravés depuis un siècle dans la prédiction marxiste.

La polémique prend un tour infernal, et elle confirme le caractère inséparable des deux combats : destin catastrophique du capitalisme, programme social révolutionnaire du communisme.

Il n’y a pas dans la production actuelle, et il n’y aura jamais – il n’y aura plus après l’équilibre médiéval où « la production suivait pas à pas la consommation » – de proportionnalité entre les différents secteurs de consommation que Sismondi, Proudhon et d’autres invoquent, sans comprendre qu’elle est incompatible avec la distribution de marché, avec la domination de la loi de l’échange entre valeurs équivalentes (cela a été avoué en Russie, même si ceux qui l’ont fait ont connu la fin de Beria).

« La grande industrie, forcée, par les instruments mêmes dont elle dispose, à produire sur une échelle toujours plus large, ne peut plus attendre la demande. La production précède la consommation, l’offre la demande ».

Quelle rigolade : on écrit des périodiques entiers pour expliquer tout cela à Marx : le pauvre, à son époque, il ne pouvait pas savoir ! Il n’avait pas reniflé l’odeur du monopole, de l’impérialisme. Eh bien, cafards aux pattes plongées dans l’encrier, écrivez donc sur vos « pages blanches » :

« Dans la société actuelle, dans la société fondée sur les échanges individuels, l’anarchie de la production qui est la source de tant de misère, est en même temps la source de tout progrès.
Ainsi de deux choses l’une : Ou vous voulez les justes proportions des siècles passés avec les moyens de production de notre époque, alors vous êtes à la fois réactionnaire et utopiste [et nous ajoutons, cafard[3] oisif]. Ou vous voulez le progrès sans l’anarchie alors, pour conserver les forces productives, abandonnez les échanges individuels.
Les échanges individuels ne s’accordent qu’avec la petite industrie des siècles passés, et son corollaire de ‹ juste proportion ›, ou bien encore avec la grande industrie et tout son cortège de misère et d’anarchie ».

Faut-il nous étonner que, après des prises de position aussi tranchantes et formidables, les innovateurs de cette première moitié de siècle disent les mêmes conneries[4] que ceux de la deuxième moitié du siècle précédent ?

Non, car nous le savions déjà. En effet, après avoir démontré que le prétendu « socialisme » mercantile-travailliste n’est qu’une apologie de la société bourgeoise, Marx conclut le paragraphe de la façon suivante : « On voit que les premières illusions de la bourgeoisie sont aussi ses dernières ».

La rente d’après Proudhon

Amenons les voiles.

Avec de telles prémisses, il est clair que notre Proudhon ne pouvait que se tromper au sujet de la rente. Comment ? Ce n’est pas très important ; ce qui l’est, c’est de montrer que Marx, encore très jeune, définissait le problème dans les mêmes termes que dans les œuvres de sa maturité.

Déclarant impossible une analyse économique de la propriété rurale en faisant abstraction des sentiments, l’auteur, qui venait de traiter du crédit, et de ses effets néfastes (dans ce domaine, qui sait pourquoi l’esprit du Mal prévalait ?), se retrousse les manches pour « rattacher plus fortement l’homme à la nature ». Cela ne ressemble-t-il pas à un discours parlementaire sur la réforme foncière ?

Ensuite, à grand fracas de mots, il se met à présenter la théorie de Ricardo sur la rente différentielle, affaire que nous traiterons (vu l’heure matinale) en quelques mots.

Avec sa sobriété coutumière, Marx explique ce qu’avait dit Ricardo : « L’excédent du prix des produits agricoles sur leurs frais de production, y compris le profit et l’intérêt ordinaires du capital, donne la mesure de la rente ».

Non seulement cette marge peut ne pas se réaliser dans certains cas, mais, évidemment, sa grandeur varie d’une terre à l’autre, selon la fertilité. Mais soumettre ces différents degrés de fertilité à une analyse quantitative, c’est tout autre chose que de retomber dans cette idée que la terre est une richesse naturelle qui offre une fraction de richesse à titre de rente, sans qu’elle provienne du travail humain.

Le problème clairement posé par Ricardo est avant tout historique.

« La rente, au sens de Ricardo, est la propriété foncière à l’état bourgeois : c’est-à-dire la propriété féodale qui a subi les conditions de la production bourgeoise »… « C’est l’agriculture patriarcale transformée en industrie commerciale, le capital industriel appliqué à la terre, la bourgeoisie des villes transplantée dans les campagnes ».

La plus grande erreur de Proudhon dans ce domaine est de soutenir que la rente est l’intérêt payé pour un capital qui ne périt jamais : la terre. Et que, tandis que le taux de l’intérêt commercial décroît, le taux de la rente foncière augmente historiquement.

Marx nous prouve que les améliorations et les investissements de capital technique effectués sur la terre conduisent à une baisse et non à une augmentation de la rente, bien que l’investissement y trouve la marge de profit qui lui revient et qui tend à baisser historiquement comme celle de tout autre investissement industriel.

Et puis, il se demande : jusqu’à quel point est-il juste de définir la terre comme un capital ?

« La terre, tant qu’elle n’est pas exploitée comme moyen de production, n’est pas un capital ». Cela signifie que ne sont du capital que les installations réalisées sur la terre par le travail humain, ainsi que les machines, les outils, les stocks, qui sont nécessaires à sa mise en culture. Et le revenu de tout cela, c’est le profit du fermier et non la rente du propriétaire, sur laquelle Proudhon fait une grande confusion.

Quant à l’éternité qu’il attribue à la terre : la terre est un capital fixe, et le capital fixe s’use, au même titre que les capitaux circulants, et il faut le renouveler chaque année partiellement, pas moins que dans l’industrie proprement dite.

Si l’on peut parler d’un capital-terre, ce n’est pas en relation avec la rente du propriétaire, mais avec le profit du fermier entrepreneur.

La rente ne résulte pas de l’intérêt d’un capital, ni comme capital-terre, ni comme capital investi dans la terre. La rente résulte des rapports sociaux dans lesquels l’agriculture se trouve. La rente ne provient pas du sol mais de la société.

Et donc, encore une fois, propriété et rente foncières peuvent être supprimé tout en restant en régime bourgeois : « Nous concevons que des économistes, tels que Mill, Cherbuliez, Hilditch et autres, aient demandé que la rente soit attribuée à l’État pour servir à l’acquittement des impôts ».

La formule russe : la terre à la Nation, ce n’est pas du socialisme.

Notes :
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  1. Notion avancée par l’économiste Italien Pareto, qui s’oppose à celle d’utilité et qui « exprime le rapport de convenance par lequel une chose satisfait un besoin ou un désir, légitime ou non » (NdT).[⤒]

  2. En français dans le texte (NdT).[⤒]

  3. En napolitain dans le texte, « scarrafone » (NdT).[⤒]

  4. Littéralement : les mêmes cafarderies, en napolitain « scarrafonate » (NdT).[⤒]


Source : « Il Programma Comunista », № 3, Février 1954. Traduction non vérifiée, se rapporter à l’original.

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