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SUR LA MÉTHODE DIALECTIQUE


Content :

Sur la méthode dialectique
I. Dialectique et métaphysique
II. Dialectique idéaliste et dialectique scientifique
III. La négation de la négation
IV. Catégories et « formes a priori »
V. La négation de la propriété capitaliste
VI. La théorie de la connaissance
Notes
Source


Appendice aux « Éléments de l’économie marxiste » 1

Sur la méthode dialectique

La présente note est un rappel de concepts connus sur la méthode dialectique suivie par Marx dans ses expositions économiques et historiques[1]. Elle veut être une introduction à des recherches plus amples que devrait affronter cette revue, sur un thème qu’il n’est guère heureux d’appeler Philosophie marxiste, Partie philosophique du marxisme. Un titre semblable serait en contradiction avec la claire énonciation d’Engels :

« Dès lors que chaque science spéciale est invitée à se rendre un compte exact de la place qu’elle occupe dans l’enchaînement général des choses et de la connaissance des choses, toute science particulière de l’enchaînement général devient superflue. De toute l’ancienne philosophie, il ne reste plus alors à l’état indépendant, que la doctrine de la pensée et de ses lois, la logique formelle et la dialectique. Tout le reste se résout dans la science positive de la nature et de l’histoire. » (« Anti-Dühring », Ed. Soc., p. 56-57.)

L’école marxiste a affirmé d’une manière décisive que, puisque les phénomènes de la nature physique ont été traités par la recherche expérimentale et non plus au moyen de données de la révélation ou de la spéculation, en substituant les sciences à la « philosophie naturelle », de même, à leur tour, les faits du monde humain : économie, sociologie, histoire, doivent être traités par la méthode scientifique, en éliminant toute prémisse arbitraire de nature transcendantale ou spéculative.

Puisque la recherche scientifique et expérimentale n’aurait aucun sens si elle se limitait à trouver les résultats sans les transmettre et les communiquer, les problèmes de l’exposition ont la même importance que ceux de la recherche. La philosophie pouvait être un produit individuel, au moins dans sa forme ; la science est un fait et une activité collectifs.

La méthode de liaison et de présentation des données, par l’usage du langage comme par d’autres mécanismes symboliques plus modernes, constitue donc une discipline générale pour les marxistes également.

Cette méthode, toutefois, diverge substantiellement de celle des écoles philosophiques bourgeoises modernes qui, dans leur lutte critique contre la culture religieuse et scolastique parvinrent jusqu’à la découverte de la dialectique. Pour elles, et pour Hegel surtout, la dialectique vit, se trouve et se découvre dans l’esprit humain par des actes de pensée pure, et ses lois, avec toute leur construction, préexistent à l’abord du monde extérieur, qu’il soit naturel ou historique.

Les matérialistes bourgeois affirmèrent bien que le monde naturel, matériel existe avant la pensée qui l’étudie et le découvre ; mais il leur manqua la force de se hisser à la même hauteur dans les sciences de la société humaine et de l’histoire, et de comprendre, dans le monde matériel lui-même, l’importance du changement perpétuel.

Comme nous y avons déjà fait allusion dans une note à la Première Section de l’« Économie marxiste »[2], l’étude que nous introduisons ici pourrait être intitulée : Marxisme et théorie de la connaissance.

Une semblable étude, d’une part, devrait développer les thèmes fondamentaux fournis par Engels dans l’« Anti-Dühring » et par Lénine dans « Matérialisme et Empiriocriticisme », en liaison avec les résultats de la science postérieurs à l’époque de ces deux classiques ; d’autre part, s’opposer à la tendance dominante dans la pensée contemporaine qui, conduite pour des raisons de classe, à la bataille contre la dialectique déterministe dans les sciences sociales, prétend s’appuyer sur les récentes conquêtes de la Physique pour rejeter le déterminisme en général.

Il faut donc avant tout que les militants marxistes s’orientent sur la valeur de la dialectique. Celle-ci affirme que les mêmes lois et connections valent pour la présentation du processus naturel et du processus historique. Elle nie toute présupposition idéaliste, comme la prétention de trouver dans la tête de l’homme (ou de l’auteur de « systèmes ») des règles irrévocables, auxquelles la recherche serait soumise dans chaque domaine. Elle affirme, en ce qui concerne l’ordre causal, que les conditions physiques et matérielles de la vie de l’homme et de la société en déterminent et en modifient sans cesse la façon de sentir et de penser. Mais elle voit également dans l’action de groupes d’hommes situés dans des conditions matérielles analogues, des forces qui influent sur la situation sociale et parviennent à la transformer. Là est le véritable sens du déterminisme de Marx. Ce n’est ni un apôtre, ni un illuminé, mais un « Parti de classe » qui peut, dans des situations historiques données, « découvrir », non dans la tête de l’homme, mais dans la réalité sociale, les lois d’une formation historique future qui détruira la formation présente. Dans toutes ces énonciations fameuses : « la théorie qui s’empare des masses et devient une force matérielle » – « le prolétariat qui est l’héritier de la philosophie théorique allemande » – « changer le monde au lieu de l’expliquer comme l’ont fait les philosophes depuis des siècles », se retrouve intégralement le contenu réaliste et positif de la méthode et c’est donc avec cohérence que nous rejetons cette thèse : par des opérations purement mentales il est possible d’établir des lois auxquelles la nature aussi bien que l’histoire sont « obligées » de s’assujettir.

Donc, rien de mystérieux ou d’eschatologique dans le passage de la nécessité à la volonté révolutionnaire, de la froide analyse de ce qui est advenu et advient à l’appel pour le « combat violent ».

Cette vieille équivoque soigneusement entretenue doit être éliminée à la lumière des textes eux-mêmes et en rappelant le cours historique des recherches et des études de Marx et Engels. Nous revendiquons la claire cohérence de leur construction, et celle-ci doit être défendue à la lumière des données les plue récentes, dans le domaine naturel comme dans le domaine social, qui aujourd’hui échappent plus que jamais à la pédanterie métaphysique et au romantisme idéaliste, et qui sont tous deux plus que jamais explosifs – et révolutionnaires.

Sur tout cela nous donnerons maintenant quelques notes, de caractère élémentaire. Elles se rattachent à l’avant-dernier paragraphe de l’avant-dernier chapitre du « Capital », qui fut l’objet de très vives polémiques entre Engels et Dühring et où est cité la « négation de la négation » pour justifier le passage : artisanat – capitalisme – socialisme.

I. Dialectique et métaphysique

Dialectique signifie liaison, c’est-à-dire relation. Comme il y a des relations entre une chose et une autre chose, entre un événement et un autre événement, de même existe-t-il des relations entre les reflets (plus ou moins imparfaits) de ce monde réel dans notre pensée, et entre les formules que nous adoptons pour le décrire et pour emmagasiner et exploiter pratiquement la connaissance que nous en avons acquise. Donc notre manière d’exposer, de tirer des conclusions peut être guidée par certaines règles, correspondant à une heureuse interprétation de la réalité. De telles règles forment la logique en tant qu’elles déterminent les formes du raisonnement. Et, d’une manière plus générale, elles forment la dialectique, en tant qu’elles servent de méthode pour relier entre elles les vérités scientifiques acquises. Logique et dialectique nous permettent de progresser lorsque, partant de notre manière de formuler certains résultats de l’observation du monde réel, nous voulons parvenir à énoncer d’autres propriétés déduites de ces résultats. Si ces propriétés prouvent leur validité dans le domaine expérimental, cela signifiera que nos formules et notre manière de les transformer étaient suffisamment exactes.

La méthode dialectique s’oppose à la méthode métaphysique. Celle-ci – héritage tenace d’une manière viciée de formuler la pensée, dérivant des conceptions religieuses basées sur la révélation dogmatique – présente les concepts des choses comme immuables, absolus, éternels et réductibles à quelques principes premiers, étrangers les uns aux autres et ayant une sorte de vie autonome. Pour la méthode dialectique, non seulement toutes les choses sont en mouvement, mais dans leur mouvement elles s’influencent réciproquement si bien que leurs concepts, c’est dire les reflets des choses elles-mêmes dans notre esprit, sont également reliés entre eux. La métaphysique procède par antinomies, c’est-à-dire par termes absolus qui se contredisent l’un l’autre. Ces termes opposés ne peuvent jamais se mêler ni se rejoindre ; de leur liaison, rien de nouveau ne peut sortir qui ne se réduise à la simple affirmation de la présence de l’un et de l’absence de l’autre, et vice-versa.

Donnons quelques exemples. Dans les sciences naturelles l’immobilité et le mouvement s’opposent du point de vue métaphysique : il n’y a pas de conciliation possible entre les deux choses ; en vertu du principe formel de non-contradiction, ce qui est immobile ne se meut pas, ce qui se meut n’est pas immobile. Mais déjà l’école éléatique montrait, avec Zénon, la fausseté d’une distinction qui paraît aussi sûre : la flèche en mouvement, tandis qu’elle passe en un point de sa trajectoire, est en ce point, et donc ne se meut pas. Le navire se meut par rapport à la rive, le passager sur le pont marche en en sens inverse : il est immobile par rapport à la rive et donc ne se meut pas. Les prétendus sophismes étaient des démonstrations de la possibilité de concilier les contraires : repos et mouvement. Mais c’est seulement en décomposant le mouvement en de nombreux éléments punctiformes d’espace et de temps qu’il sera possible à la mathématique infinitésimale et à la physique moderne, non aveuglées par la méthode métaphysique, de résoudre les problèmes des mouvements non rectilignes et non uniformes. Aujourd’hui, on considère que mouvement et repos sont des termes relatifs, le mouvement ou le repos absolus n’ayant aucun sens.

Autre exemple : pour l’Astronomie des métaphysiciens tous les corps placés au-delà de la « sphère du feu » sont immuables et incorruptibles ; leurs dimensions, forme, mouvement restent éternellement égaux à eux-mêmes. Les corps terrestres sont au contraire transformables et corruptibles de mille manière. Il n’y a pas de conciliation possible entre ces deux parties opposées de l’Univers. Aujourd’hui, nous savons qu’au contraire les mêmes lois d’évolution sont valables pour les astres et pour la terre, qui est un « morceau de ciel » sans pour autant assumer de mystérieux titres de noblesse. Pour Dante, l’influence des planètes incorruptibles sur les vicissitudes de la corruptible humanité était une grande question, alors que pour la science moderne les influence réciproques entre la terre et les autres parties de l’univers sont d’observation quotidienne, sans qu’elle croie pour autant que les étoiles se meuvent pour marquer notre destin.

Enfin, dans le domaine humain et social, la métaphysique introduisit deux principes absolus fondamentaux : le Bien et le Mal, acquis d’une manière plus ou moins mystérieuse à la conscience de tous, ou personnifiés dans des êtres ultra-terrestres. Nous avons déjà fait allusion à la relativité des concepts moraux, à leurs changements et à leurs bouleversements selon les lieux, les époques et les situations des classes.

La méthode métaphysique, avec ses identités et contradictions absolues, engendre de grossières erreurs, car elle est traditionnellement enracinée dans notre mode de pensée, même si nous n’en sommes pas conscients. Le concept des antipodes sembla pendant longtemps absurde ; on rit de Christophe Colomb qui cherchait l’Orient vers l’Occident, toujours au nom de la contradiction formelle des termes. De même, c’est une grossière erreur métaphysique que de résoudre de deux manières seulement les problèmes humains, comme ceux, par exemple, de la violence et de l’État : c’est-à-dire en se déclarant pour la violence ou pour l’État ; contre l’État ou contre la violence. Dialectiquement, au contraire, ces problèmes se relient dans leur moment historique et se résolvent simultanément par des formules opposées : en soutenant l’usage de la violence pour abolir la violence, l’emploi de l’État pour abolir l’État.

L’erreur des autoritaires ou des libertaires par principe est également métaphysique.

II. Dialectique idéaliste et dialectique scientifique

Toutefois, l’introduction de la dialectique peut s’entendre de deux manières très différentes. Enoncée la première fois par les plus brillantes écoles cosmologiques de la philosophie grecque comme méthode pour la connaissance naturelle débarrassée de préjugés « a priori », elle succomba par la suite dans l’acceptation d’autorité des textes aristotéliciens, – non parce qu’Aristote ne sentit point la valeur de la dialectique, en tant qu’interprétation de la réalité, mais parce que la décadence scientifique et le mysticisme dominant des époques successives fossilisa, en les immobilisant, les résultats de la philosophie aristotélicienne.

On a coutume de dire que, dans la philosophie critique moderne, la dialectique réapparaît et triomphe chez Hegel, où Marx l’aurait trouvée. Mais la dialectique de ces écoles philosophiques, bien qu’elle débarrassât le maniement du raisonnement des entraves formelles et verbales de la scolastique, présupposait que les lois de la construction de la pensée sont à la base de la construction réelle du monde. La science humaine chercherait tout d’abord dans l’esprit de l’homme lui-même les règles suivant lesquelles les vérités énoncées doivent être reliées l’une à l’autre ; puis elle chercherait à encadrer sur ce schéma toutes les notions que nous avons sur le monde extérieur. La logique et la dialectique pourraient donc être établies et formulées par un travail purement mental : toute science dépendrait d’une méthodologie à découvrir dans la boîte crânienne de l’homme, ou pour mieux dire dans la tête de l’auteur individuel du système. Cette prétention est justifiée par l’argument habituel : dans la science le facteur des éléments extérieurs à étudier se rencontre inévitablement avec le facteur de la personnalité humaine, par lequel toute science est donc conditionnée. En conclusion, la méthode dialectique à présupposition idéaliste a, elle aussi, un caractère métaphysique, même si elle prétend appeler ses constructions purement mentales du nom de science, au lieu de révélation, de critique au lien d’apriorisme absolu, d’immanence des possibilités de la pensée humaine, au lieu de transcendance par rapport à elle, comme c’est le cas pour les données des religions ou des systèmes spiritualistes.

Pour nous, la dialectique est valable dans la mesure même où l’application de ses règles n’est pas contredite par le contrôle expérimental. Son emploi est certainement nécessaire, puisque nous devons également traiter les résultats de toute science par l’instrument de notre langage et de notre raisonnement (aidé par le calcul mathématique : les sciences mathématiques elles-mêmes ne sont point basées sur de pures propriétés de la pensée, mais sur les propriétés réelles des choses). La dialectique, donc, est un instrument d’exposition et d’élaboration, non moins qu’un instrument polémique et didactique ; elle sert à se défendre des erreurs engendrées par les méthodes traditionnalistes de raisonner, et à atteindre ce résultat très difficile : ne pas introduire inconsciemment dans l’étude des données arbitraires fondées sur des préjugés. Mais la dialectique est à son tour un reflet de la réalité, et ne peut prétendre par elle-même la contraindre ou l’engendrer. La dialectique ne nous révélera jamais rien par elle-même ; elle possède néanmoins un énorme avantage sur la méthode métaphysique en ce qu’elle est dynamique, alors que celle-ci est statique ; parce qu’elle cinématographie la réalité, au lieu de la photographier. Je sais peu de choses d’une automobile lorsque je sais que sa vitesse instantanée est de 60 km/h, sans savoir si elle augmente ou diminue. J’en saurais encore moins si je connaissais seulement le lieu où elle se trouve dans une photographie instantanée. Mais, sachant qu’elle roule à 60 km/h, si elle accélère de 60 à 120, dans quelques secondes elle sera fort loin, si elle est en train de freiner elle s’arrêtera quelques mètres plus loin. Le métaphysicien qui me fournit le « où » et le « quand » du phénomène ne savait rien vis-à-vis du dialecticien qui m’a fourni le rapport entre le « ou » (espace) et le « quand » (temps), que l’on appelle vitesse  ; ou, mieux encore, le rapport entre la vitesse et le temps (accélération). Ce processus logique correspond, dans la théorie mathématique des fonctions, aux dérivées successives.

Si je connais la dialectique j’évite de dire deux bêtises : l’automobile roule vite, donc d’ici peu de temps elle sera loin ; l’automobile roule lentement, donc d’ici peu elle sera encore proche. Je serais pourtant tout aussi ingénu que le métaphysicien si, par goût de « faire de la dialectique », je concluais : l’automobile va lentement, donc d’ici peu elle sera loin, et vice-versa. La dialectique n’est pas le sport des paradoxes ; elle affirme qu’une contradiction peut contenir une vérité, non que toute contradiction contient une vérité. Dans le cas de l’automobile la dialectique m’avertit que je ne puis conclure grâce au raisonnement pur, tant qu’il me manque d’autres données : la dialectique ne les remplace pas a priori, mais m’oblige, lorsqu’elles manquent, à les extraire de nouvelles observations expérimentales : dans notre cas, une seconde mesure de vitesse faite quelques instants après.

Dans le domaine historique, celui qui dirait : la Terreur, étant donnés les moyens qu’elle employa, fut un mouvement réactionnaire, raisonnerait en métaphysicien ; mais ce serait un bien piètre dialecticien celui qui jugerait le mouvement de Thiers comme révolutionnaire, à cause de la répression des Communards.

III. La négation de la négation

Revenons à la négation de la négation. Pour la méthode métaphysique, devant deux principes opposés, mais fixes, si l’on nie l’un on obtient l’autre si, ensuite, on nie le second, c’est pour retomber dans le premier : deux négations équivalent à une affirmation. Exemple : les esprits sont bons ou mauvais : un tel nie que Lucifer soit un esprit mauvais. Je nie ce que dit un tel : en conséquence j’affirme que Lucifer est un esprit mauvais.

Du point de vue dialectique, durant les négations et les affirmations les termes ont changé de caractéristiques et de position, si bien qu’après avoir nié la première négation on ne retombe plus dans l’affirmation primitive pure et simple, mais on parvient à un résultat nouveau. Par exemple : dans la Physique aristotélicienne tout corps tend vers son lieu et, pour cela, les corps pesants descendent ; l’air qui s’élève, ou la fumée, ne sont pas des corps pesants. Après s’être mis ce faux schéma en tête, les péripatéticiens dirent d’infinies bêtises pour expliquer le mouvement du pendule, qui se soulève et s’abaisse à chaque oscillation. Au contraire, la question vue d’un point de vue dialectique s’expose beaucoup mieux (mais pour y parvenir il ne suffisait pas de penser, il fallait expérimenter, comme le fit Galilée).

Les corps pesants tombent. Les corps qui ne tombent pas ne sont pas pesants : mais alors le pendule est-il ou n’est-il pas un corps pesant ? Voilà la difficulté des Aristotéliciens, voilà qu’est violé le principe sacré « d’identité et de non-contradiction ». Si, au contraire, on dit que les corps pesants accélèrent vers le bas, il pourra se faire qu’ils s’élèvent, à condition de retarder (décélérer). Le pendule a une vitesse initiale, qui augmente pendant qu’il descend et diminue pendant qu’il remonte. Nous avons tout d’abord nié la direction du mouvement, pour nier ensuite le sens de l’accélération. Toutefois nous avons fait un pas en avant non seulement en acquérant le droit d’affirmer que le pendule est toujours un corps pesant, mais surtout en découvrant que la gravité n’est pas cause de mouvement, mais d’accélération – découverte centrale de l’œuvre de Galilée et sur laquelle se fonde la science moderne. Tout ceci, pourtant, ne se réalise pas en maniant la dialectique, mais bien en mesurant le mouvement des pendules : la dialectique servit seulement à briser les entraves formelles et verbales des vieilles énonciations.

Lorsque nous aurons affaire à la négation d’une négation il ne faudra pas croire que nous sommes revenus à notre point de départ : nous devrons nous attendre, grâce à la dialectique, à être amenés à un point nouveau : ce qu’il est et où il se trouve, c’est la recherche positive et expérimentale qui pourra nous le dire, et non pas la dialectique.

IV. Catégories et « formes a priori »

Avant d’illustrer la négation de la négation par l’exemple de caractère social que nous avons rencontré dans le texte de Marx, il est bon de dire encore quelque chose sur le caractère également arbitraire de la métaphysique et de la dialectique idéaliste.

En partant de la constatation que nous ne connaissons le monde extérieur que par la voie de processus psychiques (que l’on se réfère soit au sensualisme, c’est-à-dire à la doctrine qui fonde la connaissance sur les sens, soit à l’idéalisme pur qui la fonde sur une projection de la pensée subjective), les philosophies traditionnelles soutiennent toutes que le système de la connaissance, la science concrète, se plient à certaines normes préexistantes qui gisent à l’intérieur de notre moi. Ces principes premiers que l’on faisait apparaître comme indiscutables précisément parce qu’ils étaient indémontrables, furent appelés catégories. Dans le système aristotélicien les catégories (la différence entre cette signification du terme et la signification courante de classe, ou regroupement est bien claire) sont les dix suivantes : substance, quantité, qualité, relation, espace, temps, position, propriété, action et passion ; elles correspondent aux questions : de quoi est-il formé ? Quelle est sa taille ? De quelle qualité est-il ? Dans quel rapport est-il avec les autres objets ? Où est-il ? Quand ? Dans quelle position ? De quels attributs est-il doté ? Que souffre-t-il (c’est-à-dire quelle action s’exerce sur lui) ? Par exemple : un homme est une substance vivante et pensant ; il est haut de 1,80 m ; il est de race blanche ; son poids est supérieur à celui d’un autre ; il se trouve à Athènes ; il vit en l’an 516 ; il est assis ; il endosse sa cuirasse ; il parle ; il est regardé par l’assistance.

Les catégories aristotéliciennes furent modifiées et leur nombre réduit. Kant en donna un tableau un peu différent tout en continuant à les définir comme des « formes a priori » de la pensée, avec lesquelles l’intelligence humaine peut et doit élaborer toute donnée de l’expérience. Selon Kant, l’expérience elle-même est impossible si elle ne se réfère pas à deux « intuitions a priori », à savoir la notion d’espace et la notion de temps, qui préexistent dans notre esprit à toute donnée expérimentale. Mais les conquêtes ultérieures de la science moderne ont détruit successivement ces divers systèmes « a priori ». Et elles l’ont fait définitivement, même si elles sont encore loin d’avoir répondu d’une façon complète à toutes ces questions auxquelles on se contentait de répondre en fabriquant des « formes a priori ». Hegel, déjà, pouvait dire que la qualité se réduisait à la quantité. (Un homme est blanc et non pas nègre parce que dans l’analyse de son pigment figure un certain chiffre et non pas un autre.) Kant aurait été très surpris de voir que les physiciens (relativité d’Einstein) traitent l’espace et le temps comme une grandeur unique ou que, d’un commun accord, ils suspendent leur décision sur le divorce ou la fusion de ces deux irréductibles catégories au résultat de certaines expériences positives de Physique ou d’Astronomie, ne laissant à Madame l’Intelligence que le loisir de s’habituer au résultat qui en découle.

Marx repousse le froid empirisme de ces penseurs qui affirment qu’ils ne nous est possible que de récolter des données du monde extérieur, comme autant de constatations sans liens entre elles, isolées, sans parvenir à leur systématisation et sans que nous puissions savoir si nous recueillons ainsi des renseignements certains sur la réalité objective, ou bien seulement de douteuses impressions de nos tissus sensibles. Une telle méthode, sur laquelle se replie la pensée de la bourgeoisie – dans le domaine de l’étude économique également – après ses premières et audacieuses systématisations, correspond au conservatisme d’une classe parvenue au pouvoir et protège ses privilèges des analyses trop corrosives. Marx, tout en lui attribuant une grande importance sociale, n’est pas pleinement satisfait du matérialisme des encyclopédistes français qui, malgré sa vigueur révolutionnaire qui heurte de front les préjuges religieux, ne s’est pas libéré de la métaphysique et ne pouvait engendrer d’autre socialisme que celui des Utopistes, péchant gravement par manque de sens de l’histoire. Marx, en troisième lieu, bien qu’ayant puisé largement dans les résultats des systèmes de la philosophie critique allemande, rompt, comme lui et Engels l’ont raconté plusieurs fois, avec son contenu idéaliste dès qu’il aborde les problèmes sociaux, c’est-à-dire dès 1842. Le criticisme des Allemands avait en commun avec le matérialisme d’outre-Rhin la dispersion des fantasmes religieux et la liquidation de tout élément dogmatique, transcendant par définition les possibilités rationnelles de l’homme. Mais, supérieur à celui-ci par son dépassement de la métaphysique et sa vision générale du mouvement des choses et des faits, il ne possédait pas la force d’engendrer historiquement une révolution contre le vieux monde féodal allemand comme le firent les élèves politiques des Voltaire, des Rousseau et des d’Alembert. À l’Est du Rhin, la classe bourgeoise n’avait pas été capable de passer du domaine théorique à l’action ; le système hegelien fut même utilisé à des fins réactionnaires, et le marxisme rompit avec lui en préconisant la substitution d’une nouvelle classe à la bourgeoisie qui avait épuisé ses possibilités doctrinales et laissé échapper ses possibilités révolutionnaires.

Après avoir ainsi rétabli la position authentique du marxisme vis-à-vis des écoles précédentes, il nous importe de bien marquer que les réserves sur l’empirisme concrétiste (anglais surtout) et le matérialisme métaphysique (français surtout) n’ont jamais le sens d’une reconnaissance du criticisme abstrait des Allemands et de ses recherches abstruses de formes a priori.
Il suffit de rappeler la critique de Marx à Proudhon, dans la « Misère de la Philosophie » de 1847, sur l’hybride hégeliano-kantisme de celui-ci. Les catégories de la pensée et de l’esprit y sont plaisamment tournées en dérision, en même temps que la prétention de Proudhon d’être un philosophe… allemand. Ce que nous avons dit sur l’empirisme et le criticisme s’y ramène cette boutade : « Si l’Anglais transforme les hommes en chapeaux, l’Allemand transforme les chapeaux en idées ! »

On passe ensuite, dans la « Première Observation », à une splendide exposition et en même temps à une critique radicale de la méthode dialectique de Hegel, réduite à une inutile « métaphysique appliquée ». L’empiriste laisse l’individu et le fait isolés dans leur stérilité. Le criticiste, en pleine furie d’abstraction, élimine tous les éléments et toutes les limites du fait singulier qui se réduit finalement à la « pure catégorie logique ». « Que tout ce qui existe, que tout ce qui vit sur la terre et sous l’eau, puisse, à force d’abstraction, être réduit à une catégorie logique ; que de cette façon le monde réel tout entier puisse se noyer dans le monde des abstractions, dans le monde des catégories logiques, qui s’en étonnera ? » (Ed. Soc., p. 83.)

Il n’est pas possible de citer et de commenter toute la page. Il reste acquis qu’à l’intérieur du matérialisme dialectique, les « catégories logiques » et les « formes a priori » prennent le même chemin que les penseurs de la bourgeoisie révolutionnaire firent prendre aux entités du monde surnaturel, aux saints et aux âmes des morts.

V. La négation de la propriété capitaliste

Dans le passage que nous avons cité à la fin de l’étude sur l’économie marxiste[3], Dühring prétendait voir une contradiction dans le fait que la nouvelle forme qui remplacera la propriété capitaliste est appelée tout d’abord « propriété individuelle », puis « propriété sociale ».
Engels rétablit exactement la portée de ces expressions en distinguant la propriété des produits, ou biens de consommation, de la propriété des instruments de production.

L’application du schéma dialectique de la négation de la négation procède clairement chez Marx. Avant de la répéter, essayons de mieux indiquer la portée des termes employés. La terminologie a une grande importance pour nous marxistes, soit parce que nous travaillons en passant continuellement d’une langue à une autre, soit parce que, par nécessité de polémique ou de propagande, nous devons souvent utiliser le langage propre à diverses théories.

Arrêtons-nous donc sur trois distinctions terminologiques : biens instrumentaux et biens de consommation – propriété et emploi des premiers et des seconds – propriété privée, individuelle, sociale.

La première distinction est désormais courante, même dans l’économie vulgaire. Les produits de l’activité humaine, ou bien servent à la consommation directe, comme un aliment ou un vêtement, ou bien sont employés dans d’autres opérations productives, comme une pioche ou une machine. La distinction n’est pas toujours facile et il existe des cas mixtes ; toutefois tout le monde comprend que l’on répartisse les produits en biens de consommation et en biens instrumentaux.

Il serait bon de ne pas désigner par le terme de propriété – même suivi des adjectifs : personnelle, individuelle – la propriété sur le bien de consommation au moment de son emploi. Elle consiste en effet dans ce rapport : celui qui est sur le point de se rassasier tient sa nourriture dans sa main et personne ne l’empêche de la porter à sa bouche. Même dans les sciences juridiques ce rapport ne se définit pas tellement comme une propriété, mais bien plutôt comme une possession. La possession peut être de fait et matérielle, ou bien également de droit et légale, mais elle implique toujours le fait de « tenir en main », la disposition physique de la chose. La propriété est le rapport par lequel on dispose d’une chose, sans qu’il soit nécessaire de la tenir en main, lorsqu’on détient un titre de papier garanti par une norme sociale.

La propriété est à la possession ce que l’actio in distans de Newton, en Physique, est à l’action de contact, à la pression directe. Mais comme le terme possession possède une valeur juridique, nous pourrons essayer, pour exprimer le concept pratique de la possibilité de pouvoir manger un morceau de pain ou chausser une paire de souliers, d’utiliser le terme de « disponibilité ».

Nous réserverons le terme propriété aux biens instrumentaux : ustensiles, machines, ateliers, maisons, terres, etc…

C’est en appelant propriété même la disponibilité de son propre logement ou de son propre crayon, par exemple, que le « Manifeste » dit que les Communistes veulent abolir la propriété bourgeoise, non la propriété personnelle.

Troisième distinction : privé, individuel, social. Droit, pouvoir privé sur une chose, sur un bien, consommable ou non (et, auparavant, même sur les personnes et les activités d’autres hommes) signifie droit non étendu à tous, mais réservé à certains seulement. Le terme privé, même littéralement, a une valeur essentiellement négative ; ce n’est pas la faculté de jouir d’une chose, mais celle d’en priver les autres – avec l’appui de la loi. On appellera donc régime de propriété privée un régime dans lequel certains sont propriétaires, tandis que de très nombreux autres ne le sont pas. Dans la langue du temps de Dante les uman privati sont les latrines, lieu où il est de règle que règne un seul occupant : bon symbole de la suavité de l’idéologie bourgeoise !

Propriété individuelle n’a pas le même sens que propriété privée. La personne, l’individu sont pensés… par les bien pensants comme personnes bourgeoises, individus bourgeois (« Manifeste »). Mais nous n’aurons un régime de propriété individuelle que lorsque chaque individu pourra atteindre la propriété sur quelque chose, ce qui n’est le cas de l’époque bourgeoise, malgré les hypocrisies de la loi, ni pour les instruments ni pour les biens de consommation.

La propriété sociale, le socialisme est le système dans lequel il n’y a plus de rapport fixe entre un bien donné et une personne ou un individu donnés. Dans ce cas, il serait bon de ne plus dire propriété, car l’adjectif propre se réfère à un sujet individuel et non à l’universalité. Toutefois, on parle couramment de propriété nationale et de propriété d’État, et nous, marxistes, parlons pour nous faire comprendre, de propriété sociale, collective, commune.

Voyons maintenant les trois phases sociales présentées d’une manière synthétique par Marx pour couronner le premier Livre du « Capital ».

Laissons de côté les époques précédentes de l’esclavagisme et du pur féodalisme foncier, dans lesquels le rapport personnel, entre homme et homme, prévaut sur le rapport de propriété entre homme et chose.

Première phase. – Société de la petite production, artisanale pour les objets manufacturés, paysanne pour l’agriculture. Dans quel rapport se trouve chaque travailleur, dans sa boutique ou sur sa terre, vis-à-vis des biens instrumentaux dont il se sert ? Le paysan est propriétaire de son petit fonds, l’artisan de ses outils simples. Donc, disponibilité et propriété du travailleur sur ses instruments de production. Dans quel rapport se trouve chaque travailleur vis-à-vis de ses produits ? Il en dispose librement et si ce sont des biens de consommation il les utilise à sa guise. Nous dirons alors avec exactitude : propriété individuelle sur les biens instrumentaux, disponibilité personnelle des produits.

Seconde phase. – Capitalisme. Les formes précédentes sont toutes les deux niées. Le travailleur n’a plus la propriété de la terre, de la boutique, de l’outillage. Les instruments de production sont devenus propriété privée de quelques industriels, des bourgeois. Le travailleur n’a plus aucun droit sur les produits, même si ce sont des biens de consommation, et ceux-ci sont à leur tour devenu propriété du patron de la terre ou de l’usine.

Troisième phase. – Négation de la négation. « Les expropriateurs sont expropriés », mais non pas au sens où l’on exproprierait les capitalistes des usines et de la terre pour redonner vie à une propriété individuelle générale des biens instrumentaux. Ceci n’est pas le socialisme, c’est la formule tous propriétaires des petits-bourgeois, des démocrates chrétiens. Les biens instrumentaux deviennent propriété sociale, pour que soient « conservées les acquisitions de l’ère capitaliste » qui ont fait de la production un fait « social ». Ils cessent d’être propriété privée. Mais pour les biens de consommation ? Ceux-ci sont mis par la société à la disposition générale de tous les consommateurs, c’est-à-dire de chaque individu.

Dans la première phase, donc, chaque individu était propriétaire de petites quantités d’instruments productifs et chaque individu avait une disponibilité de produits ou biens de consommation. Dans la troisième phase, la propriété privée sur les biens de production, qui sont de nature sociale, est interdite à tout individu, mais la possibilité – que leur avait ôtée le capitalisme – leur est assurée d’avoir toujours une disponibilité sur les biens de consommation. Ceci signifie qu’avec la propriété sociale des machines, des fabriques, etc., renaît – mais combien différente ! – la « propriété individuelle » de chaque travailleur sur une fraction des produits consommables qui existait dans la société artisanale-paysanne, précapitaliste. Mais ce rapport n’est plus privé, il est social.[4]

Les deux négations en sens inverse ne nous ont pas ramenés au point de départ, à l’économie et à la production éparpillées, moléculaires mais bien au-delà, à la gestion communiste de tous les biens dans laquelle, finalement, les termes de propriété, de biens, de part personnelle, n’auront plus aucune raison d’être employés.

VI. La théorie de la connaissance

Après avoir éclairci ce schéma de l’évolution historique, il est important, du point de vue méthodologique, de citer la réfutation de Dühring par Engels :

« C’est après avoir démontré par l’histoire comment, en fait, le processus s’est en partie réalisé, en partie doit se réaliser encore, que Marx le désigne, entre outre, comme un processus qui s’accomplit selon une loi dialectique déterminée. C’est tout. Nous avons donc affaire derechef une supposition gratuite de M. quand il prétend que la négation de la négation doit faire ici office de sage-femme en accouchant le futur du sein du passé, ou que Marx nous demande de faire credit à la négation de la négation pour nous laisser convaincre que la communaute du sol et du capital… est une nécéssité. » (Ouvrage cité, p. 165.)

En conclusion la dialectique nous sert (comme le dit Marx dans sa préface au « Capital »), soit pour exposer ce que la recherche analytique a mis en lumière, soit pour détruire les obstacles élevés par les formes théoriques traditionnelles. La dialectique de Marx possède la plus grande force de destruction. Les philosophes s’épuisaient à construire des systèmes ; les révolutionnaires dialectiques détruisent par la force les formes consolidées, qui veulent barrer la route à l’avenir. La dialectique est l’arme qui sert à briser ces barrières dont la destruction rompt le charme de l’éternelle immuabilité des formes de la pensée qui se révèlent alors être continuellement changeantes et se calquer sur les bouleversements révolutionnaires des formes sociales.

Notre méthode de connaissance doit nous conduire au pôle opposé de cette énonciation que nous trouvons chez Bénedetto Croce, dans une de ses Notes contre une œuvre de vulgarisation du matérialisme dialectique, de source stalinienne : « La dialectique a lieu uniquement dans le rapport entre les catégories de l’esprit et elle s’applique à résoudre le vieux dualisme bien net, et qui semblait quasi désespéré, entre valeur et non-valeur, vrai et faux, bien et mal, positif et négatif, être et non-être. »

Pour nous, au contraire, la dialectique se déroule dans ces représentations en changement continuel par lesquelles la pensée humaine reflète les processus de la nature et en retrace l’histoire. Ces représentations sont un groupe de relations, ou de transformations, que l’on tend à traiter sans mettre en branle aucune donnée absolue tirée de l’« esprit » et de ses exercices solitaires, par une méthode qui ne diffère en rien de celle qui vaut pour les actions de deux domaines du monde matériel l’un sur l’autre.

Lorsque la pensée conservatrice « moderne » tenta d’unir les forces de l’empirisme et du criticisme dans une commune négation de la possibilité de connaître les lois de la nature comme celles de la société humaine, ce fut Lénine qui, à son tour, prévint l’embûche contre-révolutionnaire et courut sur la brèche.

Le mouvement russe actuel, lié au conformisme de positions constituées, n’a, en aucune manière, la possibilité de continuer cette lutte, même dans le domaine scientifique. La défense et l’attaque de l’école marxiste dans le domaine de la théorie menaceront de se briser sur la contre-attaque désespérée de l’intelligence capitaliste mondiale et de ses immenses moyens de propagande, si ne surgissent pas de nouvelles bases pour le travail radical de parti, libre de porter la flamme de la dialectique sur toutes les soudures qui retiennent ensemble des structures artificielles de privilèges et de foi métaphysique en de nouvelles infaillibilités.

La doctrine de la Révolution communiste n’a besoin d’aucun sacerdoce, d’aucune nouvelle Mecque.


Notes :
[prev.] [content] [end]

  1. « Eléments de l’Économie marxiste », illustration et commentaire du Livre I du « Capital », ont été publiés dans les № 2, 3, 4, 5 et 7 du « Programme Communiste ».[⤒]

  2. « Programme Communiste », № 2, pp. 117-119.[⤒]

  3. Voir « Programme Communiste », № 7 pp. 58-64.[⤒]

  4. Si certains conservent quelques doutes à propos de notre interprétation des paroles de Marx sur le « rétablissement de la propriété individuelle », et même sur la stricte continuité de la terminologie marxiste, il suffira de leur citer un fragment d’un texte écrit à une autre période et sur un autre thème, « La Guerre civile en France » : « …les ouvriers n’ont pas plus tôt pris, où que ce soit, leur propre cause en mains que, sur-le-champ, on entend retentir toute la phraséologie apologétique des porte-parole de la société actuelle avec ses deux pôles, Capital et Esclavage salarié (le propriétaire foncier n’est plus que le commanditaire du capitaliste), comme si la société capitaliste était encore dans son plus pur état d’innocence virginale, sans qu’aient été encore développées toutes ses contradictions, sans qu’ait encore été mise à nu son infâme réalité. La Commune, s’exclament-ils, entend abolir la propriété, base de toute civilisation. Oui, Messieurs, la Commune entendait abolir cette propriété de classe, qui fait du travail du grand nombre la richesse de quelques-uns. Elle visait à l’expropriation des expropriateurs. Elle voulait faire de la propriété individuelle une réalité, en transformant les moyens de production, la terre et le capital, aujourd’hui essentiellement moyens d’asservissement et d’exploitation du travail, en simples instruments d’un travail libre et associé. Mais c’est du communisme, c’est l’‹ impossible › communisme ! »[⤒]


Source : « Programme Communiste », № 9, octobre–décembre 1959. « Prometeo », « Sul metodo dialettico », Serie II, № 1, 3. 11. 1950

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