L'octobre proletarien russe a balaye a la fois l'Etat bourgeois et la guerre
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L'OCTOBRE PROLETARIEN RUSSE A BALAYE A LA FOIS L'ETAT BOURGEOIS ET LA GUERRE.
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L'octobre prolétarien russe a balaye a la fois l'Etat bourgeois et la guerre
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L'octobre prolétarien russe a balayé a la fois l'Etat bourgeois et la guerre
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Si, à 70 ans de la Révolution, nous reparlons de l'Octobre, nous ne le faisons pas pour commémorer un événement passé, mais pour puiser une certitude pour le futur. Les opportunistes traîtres croient que l'Octobre est mort, les ennemis bourgeois croient l'avoir enterré; le prolétariat révolutionnaire mondial se réappropriera l'enseignement d'Octobre et le leur renverra en plein visage, à tous deux.

Il y a 70 ans, alors que dans les pays «civilisés» le massacre impérialiste se poursuivait encore, dans le pays le plus arriéré d'Europe, éclatait la Révolution.

En février, sous la poussée d'une insurrection populaire, l'empire séculaire des tsars s'écroulait: les alliés capitalistes et démocratiques, main dans le main avec les sociaux traîtres qui avaient embrassé la cause de la guerre antiallemande, voyaient dans le tsar un ennemi potentiel, donc à éliminer, et le première révolution russe (de février 1917) fut par eux ovationnée, au point qu'ils l'attribuèrent non à la fatigue des masses et des soldats, mais plutôt au bon travail des ambassades alliées.

Une république bourgeoise naquit, vécut neuf mois tumultueux, et s'écroula à son tour, abattus par une nouvelle insurrection: l'Octobre.

Le 25 octobre du calendrier russe (ou le 7 novembre de celui occidental), Petrograd tombait et le gouvernement provisoire, exception faite de Kerensky, était arrêté. Après huit jours de combats, Moscou tombait aussi. La tentative de reprendre la capitale échouait et, dans toutes les villes de la «Sainte Russie», les soviets prenaient le pouvoir. Le 31 octobre, l'armée de Kerensky était définitivement écrasée.

Réuni les 25 et 26 octobre, le 2° congrès panrusse des Soviets des ouvriers et des paysans avait décidé, dans un délire d'enthousiasme, la remise aux mains des soviets de tout le pouvoir, dans toutes les localités, il avait approuvé le gouvernement exclusivement bolchevique proposé par le parti bolchevique lui-même, il avait approuvé la proclamation bolchevique «aux peuples et eux gouvernements de tous les pays belligérants», il avait approuvé le décret bolchevique sur la terre.

La société bourgeoise apprit confusément qu'une République des conseils ouvriers et paysans, dirigés par les communistes, avait été instaurée en Russie, et, incrédule et abasourdie, attendit pour un jour ou l'autre la fin de «l'aventure révolutionnaire» et la chute des communistes russes. Déchirée entre deux blocs impérialistes qui se disputaient la victoire sur les terrains militaires, dominée par les passions chauvines, aveuglée par ses préjugés, elle ne se préoccupa dans l'immédiat que des répercussions de l'événement sur le sort des armes. La société bourgeoise ne comprit pas immédiatement que le «coup d'Etat bolchevique» était en réalité une grande Révolution mondiale: la première des révolutions socialistes du monde au même temps qu'elle était la dernière des révolutions anti-féodales d'Europe.

Le premier acte de l'Octobre victorieux, à caractère éminemment révolutionnaire et internationaliste, fut de faire sortir la Russie de la guerre, rompant d'un coup avec les engagements pris par le tsar et par la bourgeoisie russe envers l'impérialisme de l'Entente, et s'adressant, par dessus les gouvernements auxquels elle devait tenir tête, aux peuples et à la classe ouvrière de tous les pays, faisant progresser son agitation contre la bourgeoisie, fauteur de la continuation du massacre. Se vantant de «ne pas appartenir à l'école diplomatique», mais d'être de simples «soldats de la révolution», les diplomates de la République des Soviets révélèrent au monde les traités secrets honteux, les buts sordides de la guerre impérialiste, auxquels les peuples étaient sacrifiés.

Dès que la société bourgeoise se rendit compte que l'Octobre n'était pas la Nouvelle Russie qui frappait à la porte de l'Europe et du monde pour se faire admettre dans le concert des nations, mais que c'était le Communisme renaissant qui lançait son défi de toujours à la domination de la bourgeoisie, quand elle comprit que l'octobre était le foyer menaçant de cette révolution prolétarienne mondiale dont il se proclamait le premier rempart et le «flambeau», révolution prolétarienne mondiale du sort de laquelle il n'aurait jamais conçu d'être séparé, la société bourgeoise donc ne se contenta pas de donner la chasse aux communistes et de réprimer les agitations sociales dans sa patrie; elle mobilisa contre la République des Soviets tous les préjugés, les ressentiments et les haines, lançant, telles des meutes de bêtes féroces, contre elle ses armées démocratiques d'invasion, soutint les révoltes des armées blanches et n'hésita pas une seconde à enrôler la Faim dans sa campagne assassine. La contre-révolution bourgeoise fit tout afin d'empêcher que le souffle révolutionnaire d'Octobre ne pénètre dans les citadelles occidentales du capitalisme et les renverse avec son incendie destructeur.

Ce n'est pas par hasard que la bourgeoisie comprenait que l'Octobre représentait un exemple vivant, une leçon magnifique; elle percevait que ce n'était pas un fait local et national; elle comprenait que, dans la Russie féodale, un anneau de la seule chaîne de solidarité de la domination capitaliste sur toute la planète avait été brisé.

Mais l'Octobre, malgré tout cela, savait résister contre l'armée allemande d'Ukraine; contre l'intervention impérialiste américaine, française, anglaise et même italienne, contre les gardes blanches insurgées de Koltchak et Denikine, de Judenic et Wrangel. La classe ouvrière, pilier de l'Armée Rouge, luttait en entraînant derrière elle les paysans, et le parti, organisateur de cette armée, y imprimait sa volonté révolutionnaire, les guidant contre la chute dans l'anarchie. En octobre, les Gardes Rouges des deux capitales ne rassemblaient pas plus de 5 à 7.000 membres armés et encadrés; deux ans plus tard, la République des Soviets disposait de 5 millions de soldats et de 30.000 officiers ex-tsaristes soumis à la volonté de lutte du prolétariat.

Dans «L'Etat et la révolution», Lénine écrivait:
«
Il arrive aujourd'hui à la doctrine de Marx ce qui est arrivé plus d'une fois dans l'histoire aux doctrines des penseurs révolutionnaires et des chefs des classes opprimées an lutte pour leur affranchissement. Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d'oppresseurs les récompensent par d'incessantes persécutions; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d'en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d'entourer leur nom d'une certaine auréole afin de «consoler» les classes opprimées et de les mystifier; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l'avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire.» (Ch.I, I, première page).

Lénine n'imaginait certes pas que c'est ce qui arriverait à «se» doctrine comme à Marx et Engels et encore plus à l'éclatant Octobre rouge auquel son nom, d'ici peu, serait indissolublement lié.

Il en est ainsi qu'aujourd'hui - mais cela ne date pas d'aujourd'hui! –, pour la bourgeoisie, les peurs de 1917 ayant été oubliées, l'Octobre «est passé» à la trappe de l'histoire, est devenu une pièce de musée, rien n'empêche donc de le commémorer car, croient-ils, il serait mort. Tous peuvent donc impudemment en chanter les louanges, tant les successeurs des adversaires les plus enragés du bolchevisme que les héritiers du stalinisme qui commença bien se carrière en momifiant Lénine et en en immortalisant le nom après avoir adultéré la contenu de sa doctrine. Pour tous ces Messieurs, l'Octobre n'est plus le carrefour historique de la lutte de classe tourmentée mondiale, mais la date de naissance de l'Etat moderne de toutes les Russies; ce n'est plus le flambeau et le drapeau de la révolution prolétarienne mondiale, mais la bannière des intérêts nationaux; ce n'est plus un enseignement pour les générations futures, mais un catéchisme pour bancs d'école des jeunes loups d'une patrie parmi d'innombrables autres patries.

Les conditions historiques spéciales de la survivance despotique et moyenâgeuse de la Russie auraient effectivement pu expliquer une exception par rapport aux pays bourgeois développés, alors que, à l'opposé, la Révolution d'Octobre parcourut le voie unique et mondiale tracée par la doctrine marxiste dont Lénine ne se détacha à aucun moment. Il est donc faux de chercher à justifier l'Octobre par les circonstances spéciales et les conditions locales. En 1918, Lénine affirmait:
«
La révolution russe n'est rien d'autre qu'un exemple, ce n'est qu'un premier pas d'une série de révolutions.»
Et en 1919:
«
En substance, la révolution russe était la répétition générale de la révolution prolétarienne mondiale.»

Dans les premiers chapitres du «Gauchisme...», qui furent écrits pour rappeler aux communistes de tous les pays les traite saillants d'importance internationale de la Révolution d'Octobre, Lénine désigna comme «une des conditions principales du succès des bolcheviques» le fait d'avoir dû chercher hors des frontières nationales de la Russie une théorie «éprouvée par l'expérience mondiale de tout le dix-neuvième siècle» et confirmée ultérieurement «par l'expérience des tâtonnements, des hésitations, des erreurs et des désillusions de la pensée révolutionnaire en Russie».

Mais ainsi, comme l'Octobre, pour pouvoir se réaliser, avait dû faire sienne la doctrine révolutionnaire «européenne», de la même façon, pour maintenir le pouvoir conquis et transformer la structure économique et sociale, il avait besoin de l'oxygène de la révolution en occident. Lénine avait toujours exclu, et exclut jusqu'à son dernier jour, que, la répercussion de la révolution d'Octobre ne se produisant pas en Europe, la structure russe puisse se transformer en caractéristiques socialistes.

Dans la Russie de 1917, il sembla qu'était à l'ordre du jour la grande vision révolutionnaire de Marx qu'il avait projeté en 1848 pour l'Allemagne. Se cumulaient alors en Allemagne les structures sociales a) de l'empire moyenâgeux et aristocratico-militaire, b) de la bourgeoisie capitaliste, et c) du prolétariat; à savoir du servage, du salariat et du socialisme. Le développement industriel en Allemagne, quantitativement si ce n'est qualitativement, était alors limité, mais si Marx introduisit le troisième personnage, ce fut parce que les conditions technico-économiques existaient pleinement en Angleterre, pendant que celles politiques semblaient présentes en France. Dans le camp européen, la perspective socialiste était bien présente, et l'idée d'une chute rapide du pouvoir absolu allemand au bénéfice de la bourgeoisie, et ensuite de l'attaque de celle-ci par le jeune prolétariat, était lié à la possibilité d'une victoire ouvrière en France où, la monarchie bourgeoise de 1831 tombée, le prolétariat de Paris et de la province livrerait bataille, chose qu'il fit généreusement mais fut vaincu. La France aurait donné la politique, fondant à Paris un pouvoir dictatorial prolétarien (comme ce fut tenté en 1831 et 1848 et réalisé en 1871); l'Angleterre aurait donné l'économie; l'Allemagne aurait donné la doctrine.

Le regard de Lénine voyait la Russie révolutionnaire - industriellement arriérée comme l'Allemagne de 1848 - offrir la flamme de la victoire politique et ressusciter cette formidable doctrine grandie en Europe et dans le monde.

De la défaite allemande auraient été puisées les forces productives, le pouvoir économique; le reste du centre-Europe tourmenté aurait suivi. Une seconde vague révolutionnaire aurait entraîné les vaincus Italie, France, Angleterre et peut-être aussi Amérique et Japon. Et, dans le noyau Russie - Europe centrale, le développement des forces productives dans la direction du mode de production socialiste n'aurait trouvé aucun obstacle, mais n'aurait eu besoin que de la dictature des partis communistes.

Il était donc indispensable que le prolétariat occidental se lance résolument sur la voie de la révolution; dans la bataille pour le pouvoir, et non pas dans la lutte électorale.

Au contraire, victime des trahisons social-démocrates, et à part les épisodes glorieux et tragiques d'Allemagne et de Hongrie, il consomma son potentiel révolutionnaire dans les luttes démocratiques.

La survie de l'Octobre, affirmait Lénine,
«
n'est possible que dans la voie de la révolution socialiste internationale, dans laquelle nous sommes engagés: notre tâche, tant que nous restons seuls, est dans la sauvegarde de la révolution, dans le fait de lui conserver une certaine dose de socialisme, si faible qu'il soit, jusqu'au moment où la révolution se déclenchera dans les autres pays et où d'autres détachements viendront à la rescousse»
(Notre tâche principale de nos jours), car
«
la victoire définitive du socialisme dans un seul pays est impossible»
(3° congrès des Soviets).

La longue bataille de Lénine, jusqu'à son lit de mort, fut d'admonester sur la nécessité de maintenir au parti le caractère classiste et internationaliste, même en devant passer sous les fourches caudines de la Nep. Engels, bien auparavant, avait déjà affirmé:
«
La pire chose qui puisse arriver [...] à un parti extrémiste est d'être contraint d'assumer l'honneur du gouvernement à une époque où le mouvement n'est pas encore mûr pour assurer la domination de la classe qu'il représente, et de devoir prendre les mesures que cette domination implique. Il se trouve nécessairement pris dans un dilemme. Ce qu'il peut faire est en contradiction avec toutes ses actions précédentes, tous ses principes et les intérêts présents du parti».

Cela aurait pu ne pas arriver, mais cela advint ainsi: le parti bolchevique, assumant courageusement l'honneur gigantesque de construire le capitalisme en Russie, dans l'attente de la révolution mondiale, fut en fin de compte contrôlé et entraîné, non par les impérialistes, mais par les forces sociales internes bourgeoises et petites-bourgeoises prenant possession graduellement des commandes de la machine d'Etat.

En bons marxistes, nous ne sommes pas allée à la recherche de l'auteur de la faute de la dégénérescence d'Octobre, mais nous en avons déterminé les causes matérielles au-delà des frontières nationales russes: dans l'assaut prolétarien occidental manqué contre la forteresse du capitalisme et dans l'extrême faiblesse théorique et programmatique des partis communistes adhérents à la III° Internationale.

La contre-révolution a pu chasser l'Octobre, mais n'a pu empêcher que le capitalisme accumule tant de ce matériel explosif pour une future et plus puissante renaissance du prolétariat qui mettra à l'ordre du jour, dans ses centres vitaux, le problème de la seule et unique solution possible: la révolution communiste. Et c'est sur cette base matérielle que la parti révolutionnaire de classe, fort des enseignements d'Octobre dans la victoire comme dans la défaite, renaîtra à l'échelle mondiale, unique dans le programme, dans le doctrine, dans la tactique, dans la structure organisative, et lancera à la classe ennemie et à la cohorte des sous-classes qui la suivent le défi suprême: ou le combat ou la mort !

Source: «La Gauche Communiste», No.14, Juin 1988, p.49-52

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