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LES LIMITES INFRANCHISSABLES A L'EGALITE ENTRE LES SEXES SOUS LE CAPITALISME
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A propos de la «Parité»: Les limites infranchissables à l'égalité entre les sexes sous le capitalisme
La parité, mirage bourgeois
Notes
Source


A propos de la «Parité»:
Les limites infranchissables à l'égalité entre les sexes sous le capitalisme
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Le projet de modification de la Constitution pour favoriser la parité entre hommes et femmes aux postes représentatifs (députés, etc.) est le fruit d'un accord entre le gouvernement et la présidence de la République:

suffisamment vague et flou pour ne pas rencontrer le soutien consensuel de la droite et de la gauche, il évitait soigneusement de fixer des objectifs concrets, de s'attaquer aux discriminations qui frappent les femmes prolétaires. Mais il permettait aux politiciens de tout bord de montrer qu'ils sont partisans de l'égalité entre les sexes. Comme chacun sait, la majorité de droite du sénat, emmenée par ses éléments les plus réactionnaires, a repoussé le projet en première lecture, avant de l'accepter en deuxième lecture, après avoir été dûment chapitrée par les dirigeants des partis de droite. Plus inattendu, l'opposition au projet a reçu le renfort de plusieurs d'intellectuels de gauche, à commencer par les époux Badinter, qui jouent les directeurs de conscience de cette gauche...

Ces derniers estiment que le projet sur la parité est en contradiction avec les principes de là démocratie, car selon ceux-ci les êtres humains, quels qu'ils soient, sont «libres et égaux en droit». Reconnaître dans là loi que les êtres humains sont divisés en sexes différents et adopter des dispositions législatives particulières pour l'un de ces sexes, est donc une violation des principes démocratiques parce que cela introduit une différence entre les êtres humains. Le raisonnement des Badinter est irréfutable et nous ne pouvons que regretter que tous les démocrates ne se rangent pas à leur avis, car il fait éclater immédiatement la mystification que constituent ces principes démocratiques: décréter l'égalité et la liberté sur le plan juridique et politique était nécessaire à là bourgeoisie naissante pour se libérer des entraves - précisément juridiques et politiques - que lui imposaient la féodalité; mais cela n'avait absolument pas pour but ni ne pouvait faire disparaître les inégalités réelles, sociales, de classe (ou de sexe) entre les individus, sur lesquelles se fonde la richesse et la puissance bourgeoise! Les pères fondateurs de la démocratie, c'est-à-dire les représentants politiques de la bourgeoisie, savaient ce qu'ils faisaient lorsque, avec un raisonnement à là Badinter, ils interdisaient les syndicats et les organisations ouvrières comme contraires à la démocratie (car ces organisations, voyez-vous, sont basées sur une distinction entre êtres humains). Et les mêmes résolvaient d'ailleurs radicalement l'épineux problème des différences entre hommes et femmes en déniant à celles-ci tout droit politique et en réaffirmant que leur place «naturelle» est à la maison...

• • •

Les intégristes de là démocratie, façon Badinter, ne représentent qu'une poignée d'intellectuels, même si les médias leur assurent une large publicité; la plupart des démocrates, de gauche ou de droite, prétendent au contraire qu'une modification de là Constitution et de la loi est nécessaire pour faire avancer l'égalité entre hommes et femmes. Mais tous assurent qu'une présence accrue des femmes dans la vie politique, au parlement et dans les autres assemblées, ainsi qu'aux postes de responsabilité dans les administrations d'Etat, etc., est le moyen de faire disparaître les inégalités entre les sexes.

C'est précisément là que réside l'illusion bourgeoise; l'inégalité entre hommes et femmes est la conséquence directe delà structure de la société actuelle et ce n'est que par le changement de cette structure sociale, c'est-à-dire par le révolution de tout l'ordre social, que disparaîtront les causes fondamentales de cette inégalité. Le capitalisme a hérité des sociétés de classes du passé la forme familiale en vigueur aujourd'hui (cette forme qui nous vaut la mobilisation réactionnaire des «défenseurs de la famille» à l'occasion du PACS); Engels dans son ouvrage «L'origine de la famille, etc.» là décrit
«
comme l'assujettissement d'un sexe par l 'autre, comme la proclamation d'un conflit des deux sexes, inconnu jusque là dans la préhistoire»,
fondée sur là propriété privée, la domination du père et la transmission de l'héritage aux enfants, consacrant là femme à la vie domestique et lui interdisant toute activité publique. La société bourgeoise nouvelle-née a accentué tous ses traits oppressifs de la famille, en particulier en supprimant aux femmes les libertés accordées par les us et coutumes du Moyen Age; mais à la longue l'évolution même du capitalisme a sapé les bases de cette structure familiale classique (tout en étant incapable de promouvoir une autre structure familiale). Dans le prolétariat le travail de la femme est la conséquence directe des besoins de l'exploitation capitaliste perpétuellement à la recherche de main d'œuvre à bon marché, et c'est ce travail qui ruine la famille. Dans la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, le travail de la femme apparaît plutôt comme la conséquence secondaire et tardive de la désagrégation de la famille.

De même qu'ont disparu les formes pré-capitalistes de petite production, de même disparaît aussi inévitablement la petite économie domestique, où, comme dit Lénine
«
la femme demeure l'esclave domestique en dépit de toutes les lois émancipatrices puisque les petites besognes domestiques l'accablent, l'étouffent, l'abrutissent, l'humilient, l'enchaînant à la cuisine et à la chambre d'enfants, en gaspillant ses efforts dans un labeur absurdement improductif mesquin, énervant, abrutissant et écrasant» (1).

En arrachant les femmes au cercle étroit de la vie familiale pour les plonger dans les délices de l'exploitation salariée, le capitalisme a sapé les fondements de la forme familiale classique et des rapports entre les sexes qu'elle implique. Et c'est là la base de l'évolution progressive des juridictions envers les femmes pendant ce siècle, depuis l'égalité des droits politiques jusqu'aux différentes législations supprimant la prééminence de l'homme dans la famille. Les idéologues démocrates bourgeois se vantent aujourd'hui de la libération des femmes et ils se scandalisent des pays où le plus faible développement capitaliste a laissé subsister des législations et des traditions réactionnaires misogynes. Mais ils passent sous silence d'abord que cette «libération», qui n'est pas si vieille, n'a le plus souvent été arrachée dans les démocraties occidentales que de haute lutte; et ensuite que les femmes prolétaires n'ont trouvé dans cette libération que l'exploitation salariée, l'insécurité et la menace du chômage caractéristique delà classe ouvrière, sans même être pour autant débarrassées du joug séculaire du travail domestique et des contraintes liées à la maternité. Leur état de femme conditionne leur surexploitation à l'usine, où la maternité et les servitudes domestiques sont autant d'éléments qui déprécient leur force de travail et les désavantagent dans là concurrence incessante que le capitalisme fait régner parmi les exploités. Le risque du chômage se trouve encore aggravé pour les femmes tant par cette concurrence que par tous les facteurs qui tendent à la rejeter au foyer.

C'est ainsi que selon les statistiques citées par là presse, le taux de chômage des femmes en France est de 13,8 % alors qu'il n'est que de 10,2 % pour les hommes; chez les moins de 25 ans la différence est encore plus accusée puisque les chiffres respectifs sont de 30% contre 21,9%. Plus de 80% des travailleurs à temps partiel sont des femmes; à travail égal, les femmes touchent un salaire en moyenne inférieur de 20 % à celui des hommes. Enfin 80 % du travail domestique est encore assuré par les femmes.

La parité, mirage bourgeois
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Engels écrivait que
«
l'affranchissement de la femme a pour condition première la rentrée de tout le sexe féminin dans l'industrie publique, et cette condition exige à son tour la suppression de la famille conjugale en tant qu'unité économique de la société» (2).
Obstacle à l'émancipation réelle des femmes prolétaires, le capitalisme constitue désormais le plus grand frein à la tendance historique qu'il a lui-même engendrée, le retour des femmes dans la production et là vie sociales. L'égalité entre les sexes n'est possible sous le capitalisme que pour les membres des classes privilégiées; des mesures législatives contraignantes comme là parité (mais le projet gouvernemental n'est qu'une pâle et timide avancée dans cette direction) peuvent sans aucun doute aider des femmes de la bourgeoisie et peut-être de la petite-bourgeoisie à surmonter certains blocages qui freinent leur accession aux bonnes places et gênent leur carrière.

Mais pour les femmes prolétaires et la grande majorité des femmes des couches laborieuses, la revendication de la «parité» n'est qu'un mirage, une illusion. L'amélioration de leur sort, elles ne pourront pas l'obtenir par l'ouverture aux femmes dés postes dirigeants et grassement payés dans la haute administration, la Fonction Publique, les entreprises, qui sont réservés jusqu'ici aux hommes: cette revendication-là né peut lés concerner. Ce n'est pas par hasard que tous les idéologues et politiciens bourgeois, de droite ou de gauche, qui discutent sur la parité, évitent soigneusement dé parler du problème bien plus brûlant et plus dangereux pour leur classe, de l'inégalité et dés discriminations qui frappent la femme prolétaire. «Le travail des femmes enrichit la France» titrait avec cynisme «Le Monde» en publiant à l'occasion de la «journée de la femme» (3) un rapport officiel sur le travail féminin. «Le travail des femmes prolétaires enrichît leur patron» encore plus que le travail dés prolétaires masculins, voilà ce qu'aurait du titrer le grand quotidien bourgeois démocrate: la main d'œuvre féminine, à bas prix et docile, sujette à une exploitation négrière, a fait et continue souvent encore à faire la puissance de secteurs entiers de l'économie, grandes et petites entreprises confondues.

Femmes bourgeoises et femmes prolétaires appartiennent donc à des classes opposées; elles ont des intérêts qui ne sont pas les mêmes, mais qui sont irréductiblement opposés. Pour les femmes prolétaires, la seule issue réelle, y compris sur le plan des revendications les plus élémentaires, contre les discriminations quotidiennes, est celle de l'action revendicative, de la lutte ouverte, tendant à surmonter les divisions entre exploités des deux sexes pour se transformer en lutte de classe contre l'exploitation capitaliste et toutes les oppressions réactionnaires. Et alors pourra se concrétiser enfin la perspective que la socialiste allemande Clara Zetkin traçait il y a cent ans, contre les tentatives d'enrôler les femmes prolétaires dans le mouvement féministe bourgeois (même si certaines des revendications et réformes avancées par celui-ci intéressaient aussi les femmes prolétaires et devaient être soutenues):
«
[...] La lutte d'émancipation de la femme prolétaire ne peut pas être une lutte semblable à celle que mène la femme bourgeoise contre l'homme de sa classe. Bien au contraire, sa lutte est une lutte avec l'homme de sa classe contre la classe des capitalistes.
[...] Le but final de sa lutte n'est pas la libre concurrence avec l'homme, mais la conquête du pouvoir politique par le prolétariat
» (4).

Notes:
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  1. Lénine, «La grande initiative»,juillet 1919 («Œuvres», tome 29, p. 433). [back]
  2. Les citations de l'ouvrage d'Engels se trouvent dans notre brochure «Question féminine et lutte de classe» (brochure «Le Prolétaire» n° 5, p. l 1 et 12). [back]
  3. Il faut rappeler que cette «journée» maintenant récupérée par la bourgeoisie a une origine bien différente, puisque c'était l'Internationale Socialiste qui, sur proposition de Rosa Luxemburg et Clara Zetkin, avait décidé en 1910 d'instituer la journée de la femme prolétaire. Il s'agissait de commémorer la tragédie de l'usine Cotton à New York en 1908: les ouvrières de cette usine s'étant mises en grève, le patron riposta en les enfermant dans l'usine. Pour une raison inconnue un incendie se déclara et 129 ouvrières prises au piège périrent brûlées vives. [back]
  4. Discours au congrès de Gotha du Parti social-démocrate allemand, 16/10/1896, cité dans «Question féminine et lutte de classe», brochure «Le Prolétaire» n° 5, p. 9. [back]

Source: «Le Prolétaire», No.448, Fév.-Mars-Avril 1999

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