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TORTURES EN ALGÉRIE: L'IMPÉRIALISME EST AUSSI COUPABLE QUE SES HOMMES DE MAIN
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Tortures en Algérie: l'impérialisme est aussi coupable que ses hommes de main
La repentance démocratique n'absoudra pas les crimes de l'impérialisme français
Pas de pardon pour le capitalisme!
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Tortures en Algérie: l'impérialisme est aussi coupable que ses hommes de main

La repentance démocratique n'absoudra pas les crimes de l'impérialisme français
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Les aveux du Général Aussaresses, se vantant avec force détails atroces, d'avoir commandé un véritable commando de la mort lors de guerre d'Algérie, a provoqué un beau tollé: ces choses-là ne peuvent pas se dire tout haut, devant les caméras de télé ou les micros des radios sans mettre à mal l'idéologie officielle de la France démocratique et patrie des Droits de l'homme. Nos hommes politiques - de Chirac, engagé volontaire pour aller se battre en Algérie et qui a connu là-bas les plus grands moments de liberté de sa vie, à Jospin qui était pour la paix - se sont sentis indignés de telles déclarations. L'«équarrisseur» (c'était le gentil surnom du tortionnaire à l'époque) ne sera pas poursuivi pour crimes car une heureuse amnistie a depuis longtemps étendu le manteau du pardon et de l'oubli sur ces faits malheureux, mais il sera puni quand même, sur le plan moral: il ne pourra plus porter son bel uniforme en public!

Jospin a jugé nécessaire de rendre à l'Assemblée nationale un hommage appuyé aux militaires français «qui ont fait leur devoir avec honneur» lors de la guerre d'Algérie, tout en reconnaissant (comment faire autrement?) «que des actes inhumains et barbares ont été commis» et que ceux qui les ont accomplis «doivent être stigmatisés». Il a proposé que des historiens se mettent autravail (quand vous êtes embarrassé par un problème, confiez-le à des historiens, ils vous le rendront inoffensif), tandis qu'avec son gouvernement, il excluait toute «repentance» et toute «excuse» de la France pour les crimes commis alors.

C'est pourtant à une telle repentance que poussent les forces - dont le quotidien «Le Monde» s'est fait le porte-parole - qui depuis plusieurs mois multiplient les témoignages à ce sujet (et qui ont donné tout son retentissement à l'ouvrage d'Aussaresses): pour redonner crédibilité et prestige à la démocratie française et à son action extérieure, pour montrer qu'une rupture définitive avec un passé compromettant a eu lieu, quelle meilleur moyen que de reconnaître ouvertement les crimes commis autrefois, de s'en repentir sincèrement et d'en demander humblement pardon? Le Chancelier Kohl et le pape ont montré la voie, Clinton a suivi, Chirac avait fait de même chose à propos du gouvernement de Vichy, pourquoi ne pourrait-on suivre ces exemples à propos des crimes des guerres coloniales? Repenti et pardonné, l'impérialisme français pourrait avec d'autant plus d'efficacité poursuivre ses objectifs, défendre ses intérêts et y faire adhérer ses prolétaires au nom de la démocratie, de la civilisation et des droits de l'homme.

Une première tentative, l'année dernière, avait été bloquée par les prises de position d'anciens chefs militaires et des dirigeants du RPR. La publication, très médiatisée, d'un livre d'un militaire algérien décrivantles tortures atroces qui se commettent à l'heure actuelle outre Méditerranée contre les opposants, a apporté de l'eau au moulin de tous ceux qui ne voulaient pas que soit mise en accusation l'action de l'armée française.

Le coup de boutoir du livre d'Aussaresses était nécessaire pour faire bouger les choses. Il ne sera cependant pas suffisant. Les faits sont encore trop récents; la génération qui y a participé, et celle qui en porte la responsabilité politique n'ont pas encore disparu comme Mitterrand, et la démocratie française n'a pas le dynamisme et la puissance de renouvellement quasi-permanente (c'est-à-dire aussi la capacité de tout faire accepter ou oublier aux masses sans de grandes difficultés) de la démocratie américaine, où les générations politiques se succèdent avec une rapidité qui correspond au rythme du business yankee. D'autre part laver le sang et la boue qui maculent l'impérialisme français des pieds à la tête n'est pas une mince affaire; un aveu risque d'en entraîner d'autres, jusqu'à - qui sait? - ébranler la confiance qu'ont encore très majoritairement les travailleurs dans ce qu'ils croient être «leur» pays, «leur» État: le remède serait pire que le mal.

Pas de pardon pour le capitalisme!
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Le moraliste Jospin est une fieffée canaille: il voudrait faire croire que seuls Aussaresses et quelques autres se sont rendus coupables de crimes, tandis que la hiérarchie militaire, dans sa plus grande partie, faisait «son devoir» dans «l'honneur». Mais le «devoir» des militaires consistait à terroriser et à massacrer, leur «honneur» à maintenir par tous les moyens la domination française sur une population écrasée. Ce «devoir» impliquait inévitablement les actes inhumains etbarbares qui, pour cette raison, ont été autorisés par les plus hautes autorités militaires, politiques et judiciaires françaises: ces autorités sont, elles aussi, coupables des crimes commis par Aussaresses et ses agents (et par tous les Aussaresses des diverses guerres coloniales). Ces méthodes ne sont pas non plus propres à la seule période de la guerre d'Algérie et des guerres coloniales du second après-guerre: la conquête de l'Algérie au dix-neuvième siècle n'a été qu'une succession de forfaits, de massacres de populations civiles, femmes et enfants compris. Les Oradours commis en Algérie par l'armée française il y a quelques décennies à peine, sont l'écho des incendies de villages et de l'asphyxie des tribus réfugiées dans des grottes des Aurès il y a 150 ans.

La conquête de l'Algérie et des autres colonies, toutes aussi sanglantes par les divers États bourgeois, le véritable crime contre l'humanité qu'a constitué la déportation de millions d'Africains (le «commerce triangulaire» qui a fait la fortune des premiers capitalistes européens et américains et assuré le développement de ces régions en dévastant le continent noir qui ne s'en est jamais remis), sont au même titre que les innombrables guerres, les massacres et les souffrances en tout genre infligés aux populations de la planète, le fruit du mode de production capitaliste. Tant que régnera ce système, il continuera à produire des Aussaresses (comme le prouve le fait que d'autres tortionnaires sévissent aujourd'hui en Algérie), il continuera à répandre le sang, il continuera à répandre la misère et la mort pour que prospère une minorité d'exploiteurs.

C'est ce système qui est responsable, c'est lui qu'il faut combattre, c'est lui qu'il faudra abattre, ses tueurs et ses tortionnaires en même temps que tous ses hypocrites défenseurs démocratiques et moralistes.

Source: «Le Prolétaire», numéro 457, Avril-Juin 2001

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