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Karl Marx
LE CAPITAL
LIVRE I
Première Section
Marchandise et monnaie

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Content:

Chapitre II: Le Procès d'échange

Notes
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Chapitre II

Le Procès d'échange
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[99] Les marchandises ne peuvent pas aller d'elles-mêmes au marché, elles ne peuvent pas s'échanger elles-mêmes. Il faut donc nous tourner vers leurs gardiens, les possesseurs de marchandises. Les marchandises sont des choses, elles n'offrent donc pas de résistance à l'homme. Si elles n'obéissent pas de bon gré, il peut employer la force, autrement dit, il peut les prendre (37). Pour mettre ces choses en rapport mutuel à titre de marchandises, il faut que leurs gardiens se comportent les uns envers les autres comme des personnes dont la volonté habite ces choses : si bien que chacun, en aliénant sa propre marchandise, ne s'approprie celle d'autrui qu'en accord avec la volonté de ce dernier, donc au moyen d'un acte de volonté commun aux deux. Ils doivent donc se reconnaître réciproquement comme propriétaires privés. Ce rapport juridique, qui a pour forme le contrat, développé légalement ou non, est un rapport de volontés dans lequel se reflète le rapport économique. Le contenu de ce rapport de droit ou de volonté est donné par le rapport économique proprement dit (38). [100] Les personnes n'existent ici les unes pour les autres qu'en tant que représentants de la marchandise, et donc possesseurs de marchandises. Nous verrons d'une manière générale, dans le cours du développement, que les caractères servant de masques aux personnes qui se font face dans les rapports économiques dont elles sont les supports, ne sont que la personnification de ces rapports.

Ce qui distingue notamment la marchandise de son possesseur, c'est cette circonstance que pour la première, tout autre corps de marchandise n'est pris qu'en tant que forme-manifestation de sa propre valeur. La marchandise est, de naissance, leveller (38*) et cynique : elle est toujours sur le point d'échanger non seulement son âme mais son corps avec n'importe quelle autre, cette dernière serait-elle affligée de plus de disgrâces encore que Maritorne (38**). Ce sens du concret, s'agissant des corps de marchandises, ce sens qui fait défaut à la marchandise, son possesseur y supplée grâce à ses propres cinq sens (ou davantage). Sa propre marchandise n'a pour lui aucune valeur d'usage immédiate. Sinon il ne la porterait pas au marché. Elle a une valeur d'usage pour d'autres. La seule valeur d'usage immédiate qu'elle ait pour lui, c'est d'être porteuse de valeur d'échange et donc moyen d'échange (39). Voilà pourquoi il veut la céder contre des marchandises dont la valeur d'usage le satisfasse. Toutes les marchandises sont des non-valeurs d'usage pour leur possesseur en même temps que des valeurs d'usage pour leurs non-possesseurs. Il faut donc qu'elles changent de mains tous azimuts. Or ce passage de main en main constitue leur échange, et cet échange les rapporte les unes aux autres comme valeurs et les réalise comme valeurs. Les marchandises doivent ainsi se réaliser comme valeurs avant de pouvoir se réaliser comme valeurs d'usage.

D'un autre côté, il faut qu'elles aient fait leurs preuves comme valeurs d'usage avant de pouvoir se réaliser comme valeurs. Car le travail humain dépensé pour elles ne compte que dans la mesure où il l'est sous une forme utile pour d'autres. [101] Or seul leur échange peut démontrer que ce travail est utile à d'autres et que son produit satisfait les besoins d'autrui.

Tout possesseur de marchandises ne veut céder la sienne que contre d'autres dont la valeur d'usage satisfait son besoin. En ce sens, l'échange n'est pour lui qu'un procès individuel. D'un autre côté, il veut réaliser sa marchandise comme valeur, c'est-à-dire la réaliser dans toute autre marchandise de son choix qui soit de même valeur, que sa propre marchandise ait ou non une valeur d'usage pour le possesseur de l'autre. En ce sens, l'échange est, pour lui, un procès social universel. Or le même procès ne peut être simultanément, pour tous les possesseurs de marchandises, un procès seulement individuel et un procès seulement social universel.

A y regarder de plus près, tout possesseur de marchandises prend toute marchandise d'autrui comme équivalent particulier de sa propre marchandise, et donc celle-ci comme équivalent universel de toutes les autres. Mais comme tous les possesseurs de marchandises font de même, aucune marchandise n'est équivalent universel, et donc les marchandises n'ont pas non plus de forme valeur relative universelle sous laquelle se mettre à parité en tant que valeurs et se comparer en tant que grandeurs de valeur. Elles ne se font donc absolument pas face comme marchandises, mais seulement comme produits ou valeurs d'usage.

Dans leur perplexité, nos possesseurs de marchandises pensent alors comme Faust: au commencement était l'action. Ils ont donc déjà agi avant même d'avoir pensé. Les lois qui dérivent de la nature de la marchandise sont entrées en action par le truchement de l'instinct naturel des possesseurs de marchandises. Ils ne peuvent mettre en rapport leurs marchandises comme valeurs, et donc comme marchandises, qu'en rapportant et confrontant celles-ci à une autre, quelle qu'elle soit, posée comme équivalent universel. C'est ce qu'a montré l'analyse de la marchandise. Or seul un acte social peut muer une marchandise déterminée en équivalent universel. C'est pourquoi l'action sociale de toutes les autres marchandises exclut de leurs rangs une marchandise déterminée en laquelle elles exposent intégralement leur valeur. La forme physique de cette marchandise devient par là même la forme-équivalent socialement reconnue. Etre équivalent universel devient, au travers de ce procès social, la fonction sociale spécifique de la marchandise exclue. C'est ainsi qu'elle devient monnaie.

«Illi unum consilium habent et virtutem et potestatem suam bestiae tradunt. Et ne quis possit emere aut vendere nisi qui habet characterem aut nomen bestiae aut numerum nominis ejus» («Apocalypse») (39*).

Le cristal-monnaie est un produit nécessaire du procès d'échange où des produits du travail de différentes sortes sont mis de fait à parité [102] et donc, de fait, se transforment en marchandises. A mesure que s'étend et s'intensifie historiquement l'échange, se développe l'opposition latente dans la nature de la marchandise entre valeur d'usage et valeur. Le besoin d'extérioriser, en vue de la circulation, cette opposition, va dans le sens d'une forme autonome de la valeur-marchandise et n'a de cesse que cette forme soit définitivement acquise par le dédoublement de la marchandise en marchandise et monnaie. Par conséquent, dans la mesure même où s'accomplit la transformation des produits du travail en marchandises, s'accomplit celle de la marchandise en monnaie (40).

D'un côté, l'échange immédiat de produits a la forme de l'expression de valeur simple, mais, d'un autre côté, il ne l'a pas encore. Celle-ci était : x marchandise A = y marchandise B. La forme de l'échange immédiat de deux produits est: x objet d'usage A = y objet d'usage B (41). Ici, les choses A et B ne sont pas marchandises avant l'échange, mais au contraire ne le deviennent que par son entremise. La première façon, pour un objet d'usage, d'être potentiellement valeur d'échange, c'est d'exister comme non-valeur d'usage, comme quantum de valeur d'usage excédant les besoins immédiats de son possesseur. Les choses sont en soi et pour soi extérieures à l'homme, et donc cessibles. Pour que cette cession soit réciproque, il suffit aux hommes de se faire tacitement face à titre de propriétaires privés de ces choses cessibles et, par là même, à titre de personnes indépendantes les unes des autres. Mais un tel rapport d'altérité réciproque n'existe pas pour les membres d'une communauté naturelle, qu'elle ait la forme d'une famille patriarcale, d'une commune de l'Inde antique, ou d'un Etat inca, etc. L'échange de marchandises commence là où finissent les communautés, à leurs points de contact avec des communautés étrangères ou avec des membres de communautés étrangères. Mais une fois que certaines choses ont commencé d'être des marchandises à l'extérieur, elles le deviennent, par contrecoup, dans la vie intérieure des communautés. Leurs rapports d'échange quantitatifs sont d'abord tout à fait aléatoires. [103] Elles sont échangeables de par la volonté de leurs possesseurs de se les céder mutuellement. Cependant le besoin d'objets d'usage étrangers s'établit peu à peu. La répétition continuelle de l'échange en fait un procès social régulier. A la longue, une partie au moins des produits du travail doit donc être produite intentionnellement en vue de l'échange. A partir de ce moment, d'une part le divorce entre l'utilité des choses pour le besoin immédiat et leur utilité pour l'échange se confirme. Leur valeur d'usage se sépare de leur valeur d'échange. D'autre part, le rapport quantitatif suivant lequel elles s'échangent devient dépendant de leur production même. L'habitude les fixe comme grandeurs de valeur.

Dans l'échange immédiat de produits, chaque marchandise est immédiatement moyen d'échange pour son possesseur, mais elle n'est équivalent pour son non-possesseur que dans la mesure où elle est, pour lui, valeur d'usage. L'article d'échange n'acquiert donc pas encore une forme-valeur indépendante de sa valeur d'usage propre ou du besoin individuel des échangistes. La nécessité de cette forme se développe à mesure que s'accroissent le nombre et la diversité des marchandises qui entrent dans le procès d'échange. Le problème surgit en même temps que les moyens de le résoudre. Jamais ne s'effectuent des transactions où des possesseurs de marchandises échangent leurs articles contre d'autres, différents, et les comparent entre eux, sans que diverses marchandises appartenant à divers possesseurs soient échangées, au cours de leurs transactions, contre une seule et même tierce marchandise et comparées à elle à titre de valeurs. Cette tierce marchandise, en devenant équivalent pour d'autres marchandises différentes d'elles, revêt directement - même si c'est dans d'étroites limites - la forme-équivalent universel, c'est-à-dire social. Cette forme-équivalent universel surgit et disparaît avec le contact social momentané qui lui a donné vie. Elle échoit de manière fugitive et changeante à telle ou telle marchandise. Mais avec le développement de l'échange, elle se fixe de façon exclusive sur des espèces particulières de marchandises, se cristallisant en forme-monnaie. A quelle espèce de marchandises adhère la forme-monnaie, c'est d'abord l'effet du hasard. Néanmoins deux circonstances sont, somme toute, décisives. La forme-monnaie se fixe soit sur les articles étrangers les plus importants qui sont de fait les formes-manifestations spontanées de la valeur d'échange des produits indigènes, soit sur l'objet d'usage qui constitue l'élément principal des biens indigènes cessibles: par exemple le bétail. Les peuples nomades sont les premiers à développer la forme-monnaie parce que tout leur avoir se trouve sous forme mobilière et donc immédiatement cessible, et parce que leur mode de vie les met continuellement en contact avec des communautés étrangères et les incite donc à échanger leurs produits. [104] Souvent les hommes ont fait de l'homme même, en la figure de l'esclave, le matériau-monnaie originel, mais jamais de la terre. Une telle idée ne pouvait germer que dans une société bourgeoise déjà mûre. Elle date du dernier tiers du XVIIème siècle, et sa mise en oeuvre à l'échelle d'une nation ne fut tentée qu'un siècle plus tard, au cours de la révolution bourgeoise des Français.

C'est dans la mesure même où l'échange des marchandises brise ses entraves purement locales, et où la valeur-marchandise s'étend jusqu'à devenir concrétion de travail humain en général, que la forme-monnaie passe à des marchandises que leur nature prédispose à la fonction sociale d'équivalent universel: aux métaux précieux.

«Que l'or et l'argent ne soient pas par nature monnaie, mais que la monnaie soit par nature or et argent» (42), c'est ce que montre bien la concordance de leurs propriétés naturelles avec les fonctions de la monnaie (43). Jusqu'à présent nous ne connaissons toutefois que l'une d'entre elles, celle de servir de forme-manifestation de la valeur-marchandise, c'est-à-dire de matériau dans lequel s'expriment, socialement, les grandeurs de valeur des marchandises. La forme adéquate sous laquelle se manifeste la valeur, concrétion de travail humain abstrait et donc identique, ne peut consister qu'en une matière dont tous les échantillons possèdent uniformément la même qualité. D'un autre côté, la distinction entre grandeurs de valeur étant purement quantitative, la marchandise-monnaie doit être susceptible de distinctions purement quantitatives, donc être divisible à volonté, et recomposable à partir de ses éléments. Ce sont justement les propriétés que l'or et l'argent possèdent naturellement.

La valeur d'usage de la marchandise-monnaie se dédouble. A côté de sa valeur d'usage particulière comme marchandise (ainsi l'or est utilisé pour obturer les dents cariées, comme matière première d'articles de luxe, etc.), elle acquiert une valeur d'usage formelle qui provient de ses fonctions sociales spécifiques.

Puisque toutes les autres marchandises ne sont que des équivalents particuliers de la monnaie, et que la monnaie est leur équivalent universel, elles se comportent en marchandises particulières vis-à-vis de la monnaie, marchandise universelle (44).

[105] Nous avons vu que la forme-monnaie n'était que l'effet réflexif, se fixant sur une marchandise, des relations qu'entretiennent toutes les autres. Que la monnaie soit marchandise (45) n'est donc une découverte que pour celui qui part de sa figure achevée pour l'analyser après coup. Ce que le procès d'échange confère à la marchandise qu'il transforme en monnaie n'est pas sa valeur, mais sa forme-valeur spécifique. La confusion de ces deux déterminations a conduit à tenir la valeur de l'or et de l'argent pour purement imaginaire (46). Le fait que la monnaie puisse être remplacée dans certaines de ses fonctions par de simples signes d'elle-même a donné naissance à cette autre erreur qu'elle ne serait qu'un simple signe. Mais d'un autre côté, il y avait là l'idée que la forme-monnaie de la chose est extérieure à cette chose même et qu'elle n'est que la simple forme-manifestation de rapports humains cachés derrière elle. En ce sens, toute marchandise serait un signe, puisqu'en tant que valeur elle n'est que l'enveloppe réifiée du travail humain dépensé pour elle (47). [106] Mais en tenant pour de simples signes les caractères sociaux que revêtent les choses ou les caractères de choses que revêtent les déterminations sociales du travail sur la base d'un mode de production déterminé, on les déclare en même temps productions arbitraires de la réflexion des hommes. C'était là la manière favorite des Lumières, au XVIIIème siècle, visant à dépouiller, au moins provisoirement, de leur apparence d'étrangeté les figures énigmatiques des rapports humains dont on ne savait pas encore déchiffrer la genèse.

On l'a remarqué plus haut, la forme-équivalent d'une marchandise n'inclut pas la détermination quantitative de sa grandeur de valeur. Savoir que l'or est monnaie, donc immédiatement échangeable contre toutes les autres marchandises, ne nous apprend pas pour autant ce que valent par ex. dix livres d'or. Comme toute marchandise, la monnaie ne peut exprimer sa propre grandeur de valeur que relativement, dans d'autres marchandises. Sa valeur propre est déterminée par le temps de travail qu'exige sa production et s'exprime dans le quantum de toute autre marchandise dans lequel se trouve coagulée une quantité égale de temps de travail (48). [107] Cette fixation de sa grandeur de valeur relative survient sur les lieux mêmes de sa production, dans l'acte d'échange direct. Dès qu'elle entre dans la circulation comme monnaie, sa valeur est déjà donnée. Si le fait de savoir que la monnaie est marchandise constituait, dès les dernières décennies du XVIIème siècle, un bon premier pas dans l'analyse de la monnaie, ce n'était encore que le premier pas. La difficulté, en effet, ne consiste pas à comprendre que la monnaie est marchandise, mais à comprendre comment, pourquoi et grâce à quoi la marchandise est monnaie (49).

Nous avons vu comment, dès l'expression de valeur la plus simple:x marchandise A = y marchandise B, la chose sous les espèces de laquelle se présente la grandeur de valeur d'une autre chose semble posséder sa forme-équivalent indépendamment de cette relation, comme une propriété sociale naturelle. Notre analyse s'est attachée à suivre l'affermissement de cette fausse apparence. Celle-ci est parfaite dès que la forme-équivalent universel ne fait plus qu'un avec la forme physique d'une espèce particulière de marchandises, c'est-à-dire dès qu'elle est cristallisée en forme-monnaie. Une marchandise ne paraît pas d'abord devenir monnaie parce que les autres marchandises exposent intégralement en elle leurs valeurs, mais ce sont elles, inversement, qui paraissent exposer universellement leurs valeurs en elle parce qu'elle est monnaie. Le mouvement qui opère la médiation disparaît dans son propre résultat et ne laisse aucune trace. Sans qu'elles y soient pour rien, les marchandises trouvent leur propre figure-valeur toute prête comme corps de marchandise existant en dehors et à côté d'elles. Ces choses, l'or et l'argent, telles qu'elles sortent des entrailles de la terre, sont en même temps l'incarnation immédiate de tout travail humain. D'où la magie de l'argent. [108] Le comportement purement atomistique des hommes dans leur procès de production social, et donc la figure réifiée, indépendante de leur contrôle et de leur activité individuelle consciente, que prennent leurs propres rapports de production, se manifestent d'abord en ceci que les produits de leur travail revêtent universellement la forme-marchandise. L'énigme du fétiche-monnaie n'est donc que celle, devenue visible, aveuglante de clarté, du fétiche-marchandise.

Notes:
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  1. (37) Au XIIème siècle, tant renommé pour sa piété, on trouve souvent parmi ces marchandises des choses très délicates. C'est ainsi qu'un poète français de ce temps dénombre parmi les marchandises proposées sur le marché du Landit, à côté des étoffes, des chaussures, du cuir, des outils de labour et des peaux, «des femmes folles de leur corps». [back]
  2. (38) Proudhon forge d'abord son idéal d'équité et de «justice éternelle» à partir des rapports juridiques correspondant à la production marchande, ce qui, soit dit en passant, fournit aussi à tous les boutiquiers la preuve, ô combien consolante, que la production marchande est une forme aussi éternelle que la justice. Après quoi, à l'inverse, il veut remodeler la production marchande réelle, et le droit réel qui lui correspond, conformément à cet Idéal. Que penserait-on d'un chimiste qui, au lieu d'étudier les lois réelles des réactions de la matière et de résoudre sur cette base des problèmes déterminés, voudrait remanier ces réactions au moyen des «idées éternelles» de la «naturalité» et de l'«affinité» ? En sait-on plus sur l'«usure» quand on a dit qu'elle contredit la «justice éternelle», l'«équité éternelle», la «mutualité éternelle» et autres «vérités éternelles», que n'en savaient les Pères de l'Eglise quand ils disaient qu'elle contredisait la «grâce éternelle», la «foi éternelle» et la «volonté éternelle de Dieu» ? [back]
  3. (38*) Allusion au mouvement anglais des «Niveleurs». [back]
  4. (38**) Personnage du roman Don Quichotte. [back]
  5. (39) «Car il y a deux usages de chaque bien. - L'un est propre à la chose comme telle, l'autre non: une sandale par exemple sert à se chausser et en même temps elle est échangeable. L'un et l'autre sont des valeurs d'usage de la sandale, car celui qui échange la sandale contre ce qui lui manque, par exemple la nourriture, utilise lui aussi la sandale en tant que sandale. Mais il ne l'utilise pas dans son mode d'usage naturel. Car ce n'est pas en vue de l'échange qu'elle existe». ARISTOTE, Politique, livre 1, chapitre IX). [back]
  6. (39*) «Ils ont tous un même dessein et ils donneront à la bête leur force et leur puissance» («Apocalypse», XVII, 13) «Et que personne ne puisse ni acheter, ni vendre, que celui qui aura le caractère ou le nom de la bête, ou le nombre de son nom». («Apocalypse», XIII, 17) [traduction Lemaistre de Sacy]. [back]
  7. (40) On jugera d'après cela des finasseries du socialisme petit-bourgeois qui veut éterniser la production marchande tout en supprimant «l'opposition de l'argent et de la marchandise», donc la monnaie elle-même, puisqu'elle n'existe que dans cette opposition. Autant vouloir supprimer le pape tout en laissant subsister le catholicisme. Pour plus de précision sur ce point, voir mon ouvrage «Contribution à la critique de l'économie politique» p. 61 [Editions sociales, 1977, pp. 55 et suiv.]. [back]
  8. (41) Tant qu'on n'échange pas deux objets d'usage différents, mais qu'une masse chaotique de choses est offerte en équivalent contre une troisième, comme on l'observe souvent chez les sauvages, l'échange immédiat de produits en est lui-même à ses tout premiers pas. [back]
  9. (42) Karl MARX, ouv. cit., p. 121. «Les métaux ( ... ) sont monnaie par nature» (GALIANI, «Della Moneta,» in CUSTODI, Recueil etc., Parte Moderna, t.III, p.137). [back]
  10. (43) Pour plus de précision, voir la section consacrée aux métaux précieux dans mon ouvrage déjà cité. [«Contribution» etc., Editions sociales, p.115 et suiv.]. [back]
  11. (44) «La monnaie est la marchandise universelle» (VERRI, ouv. cit., p.16). [back]
  12. (45) «L'argent et l'or en soi, que nous pouvons désigner du nom général de métaux précieux, sont (...) des marchandises dont la valeur monte ou baisse (... ). On peut donc reconnaître une valeur plus grande au métal précieux dont un poids plus faible peut acheter une plus grande masse de produits ou de biens manufacturés du pays etc.» ([S. CLEMENT] A Discourse of the General Notions of Money, Trade, and Exchange, as they stand in relations to each other. By a Merchant, Londres, 1695, p. 7). «L'argent et l'or, monnayés ou non, bien qu'ils soient utilisés comme mesure de toutes les autres choses, n'en sont pas moins une marchandise au même titre que le vin, l'huile, le tabac, le drap et les étoffes» ([J. CHILD] A Discourse concerning Trade, and that in particular of the East Indies etc., Londres 1689, p.2) «Le patrimoine et la richesse du royaume ne peuvent à strictement parler se limiter à la monnaie, pas plus que l'or et l'argent ne peuvent être exclus d'entre les marchandises» ,Th. PAPILLON, The East India Trade a most profitable Trade, Londres 1677, p.4). [back]
  13. (46) «L'or et l'argent ont leur valeur comme métaux avant qu'ils deviennent monnaie» (GALIANI, ouv. cit., p. 72). Locke dit, lui - «Le commun consentement des hommes assigna une valeur imaginaire à l'argent, à cause des qualités qui rendirent ce métal propre à devenir monnaie». Law, au contraire: «Comment différentes nations pourraient-elles donner une valeur imaginaire à une chose quelconque ( ... ) ou comment aurait pu se maintenir cette valeur imaginaire?» Mais il n'entendait lui-même pas grand-chose au problème: «L'argent s'échangeait sur le pied de ce qu'il était évalué pour les usages», c'est-à-dire d'après sa valeur réelle; «il reçut une valeur additionnelle (... ) par son usage comme monnaie» (Jean LAW, «Considérations sur le numéraire et le commerce», in E. DAIRE, «Economistes Financiers du XVIIIème siècle», p.469, 470). [Retraduit d'après l'allemand.] [back]
  14. (47) «L'argent en est le signe» (des marchandises) (V. DE FORBONNAIS, «Eléments du Commerce», Nouv. Edit., Leyde 1766, tome II, p. 143). «Comme signe il est attiré par les denrées» (ibid., p. 155). «L'argent est un signe d'une chose et la représente» (MONTESQUIEU, «Esprit des Lois», in «Oeuvres», Londres 1766, tome 11, p. 158). L'argent «n'est pas simple signe, car il est lui-même richesse ; il ne représente pas les valeurs, il les équivaut» (LE TROSNE, ouv. cit., p. 910) «Si l'on considère le concept de valeur, la chose elle-même n'est vue que comme un signe, et elle ne compte pas pour ce qu'elle est, mais pour ce qu'elle vaut» (HEGEL, «Philosophie du Droit,» ouv. cit., p. 100). Longtemps avant les économistes, les juristes avaient lancé cette représentation de la monnaie comme simple signe ainsi que de la valeur imaginaire des métaux précieux, en bons valets et sycophantes du pouvoir royal dont ils ont pendant tout le Moyen Age appuyé le droit à la falsification des monnaies, en la fondant sur les traditions de l'empire romain et les conceptions monétaires des Pandectes. «Qu'aucun puisse ni doive faire doute», dit leur habile disciple Philippe de Valois dans un décret de 1346, «que à Nous et à Notre Majesté royale, n'appartienne seulement ( ... ) le métier, le fait, l'état, la provision et toute l'ordonnance des monnaies, de donner tel cours, et pour tel prix comme il Nous plaist et bon Nous semble.» C'était un dogme du Droit romain que l'empereur décrétât la valeur de la monnaie. Il était défendu expressément de la traiter comme une marchandise. Pecunias vero nulli fas erit nam in usu publico constitutas oportet non esse mercem. [Il ne peut être permis à personne d'acheter de l'argent car, créé pour l'usage public, il ne doit pas être marchandise]. On trouve d'excellents commentaires là-dessus dans G.F. PAGNINI, Saggio sopra il giusto pregio delle cose, 1751, dans CUSTODI, ouv. cit., Parte Moderna, t.II. Dans la deuxième partie de l'ouvrage en particulier, Pagnini polémique avec Messieurs les Juristes. [back]
  15. (48) «Si un homme peut livrer à Londres une once d'argent extrait des mines du Pérou dans le même temps qu'il lui faudrait pour produire un boisseau de grain, alors l'un est le prix naturel de l'autre. Maintenant, si un homme, par l'exploitation de mines plus récentes et plus riches, peut se procurer aussi facilement deux onces d'argent qu'auparavant une seule, le grain sera aussi bon marché à 10 shillings le boisseau qu'il l'était auparavant à 5 shillings, caeteris paribus» (William PETTY, «A Treatise of Taxes and Contributions», Londres, 1667, p.31). [back]
  16. (49) M. le Professeur Roscher commence par nous enseigner que «les fausses définitions de la monnaie se répartissent en deux groupes principaux: celles qui la tiennent pour plus qu'une marchandise, et celles qui la tiennent pour moins». Suit alors pêle-mêle tout un catalogue d'ouvrages sur la monnaie où ne perce pas la moindre lueur sur l'histoire réelle de la théorie; et pour finir la morale: «On ne peut nier d'ailleurs que la plupart des économistes récents n'ont pas suffisamment prêté attention aux particularités qui distinguent la monnaie d'autres marchandises» (la monnaie serait donc «plus» ou «moins» qu'une marchandise?). «Dans cette mesure, la réaction semi-mercantiliste de Ganilh, etc. n'est pas tout à fait sans fondement» (Wilhelm ROSCHER, «Die Grundlagen der Nationalkonomie», 3ème éd., 1858, p. 207-210). «Plus», «moins», «pas suffisamment», «dans cette mesure», «pas tout à fait»! Ah les belles déterminations conceptuelles! Voilà l'éclectique radotage professoral que Monsieur Roscher baptise modestement «méthode anatomo-physiologique» en économie politique! Il faut quand même lui reconnaître le mérite d'une découverte: la monnaie «est une marchandise pleine d'agréments». [back]

Source: Traduit en 2002

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