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COURS DE L'IMPÉRIALISME MONDIAL (2)

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Content:

Cours de l'impérialisme mondial (2)
Les développements de la concentration capitaliste
La cartellisation de l'industrie
La centralisation financière
Notes
Source


Cours de l'impérialisme mondial (2)

Les développements de la concentration capitaliste
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Dans le premier chapitre de son essai sur «L'impérialisme» Lénine illustre la loi marxiste de la concentration capitaliste à l'aide de données statistiques de l'époque. Il cite en particulier les chiffres qui lui sont fournis pour l'année 1909 par l'annuaire statistique des Etats-Unis (1): 3.060 grosses entreprises industrielles (sur 268.491 au total, soit 1,1 % des entreprises) emploient 2 millions d'ouvriers (sur 6,6 millions, soit 30,5 %) et ont un chiffre de production de 9 milliards de dollars (sur 20,7 milliards), soit 43,8 % de la production totale. Et Lénine de s'exclamer: «Près de la moitié de la production totale du pays est fournie par un centième de l'ensemble des entreprises!».

Si nous consultons en 1974 - après combien de lois anti-trusts, de commissions anti-monopoles, de poursuites intentées par le Ministère de la Justice, etc. - le classement des compagnies industrielles américaines d'après leur chiffre d'affaires publié par la revue américaine «Fortune» (mai 1974), nous obtenons les données suivantes: les 500 premières compagnies ont réalisé en 1973 un chiffre d'affaires combiné total de 667 milliards de dollars, représentant 65 % des ventes de l'ensemble des compagnies industrielles américaines (un peu plus de 1.000 milliards de dollars), en employant 15.531.000 salariés, soit 76 % de la force de travail de l'industrie, et en empochant 38 milliards de dollars, soit 79 % des bénéfices déclarés. Si nous prenons seulement les 200 premières sociétés, nous arrivons à un chiffre d'affaires combiné d'environ 533 milliards de dollars, soit 52 % des ventes de l'ensemble des compagnies industrielles. L'annuaire statistique des Etats-Unis nous apprend par ailleurs qu'il y avait en 1973 aux Etats-Unis environ 200.000 entreprises industrielles, entreprises artisanales non comprises (ce qui montre que la concentration n'implique pas la disparition des entreprises petites et moyennes, qui renaissent continuellement dans l'ambiance des rapports marchands). La formule de Lénine est donc devenue quelque 65 ans plus tard, alors que dans l'intervalle la valeur de la production industrielle des Etats-Unis a été multipliée par 50: «Plus de la moitié de la production industrielle totale du pays est fournie par un millième de l'ensemble des entreprises!».

Ce mouvement de concentration n'est pas l'apanage de l'impérialisme américain. En Allemagne en 1970, les 245 plus grosses entreprises industrielles (sur 45.000 environ, soit 0,55 %) employaient environ 2.700.000 salariés, soit 32 % de la force de travail industrielle; elles ont réalisé un chiffre d'affaires de 232 milliards de deutschemarks, soit 40 % du chiffre d'affaires total de l'industrie (2). En Grande-Bretagne, selon une étude du National Institute of Economic and Social Research, la part des 100 premières sociétés dans la production industrielle du pays est passée de 15 % en 1910 à 50 % en 1970 (3). Au Japon en 1971, les 358 entreprises principales de l'industrie manufacturière (sur 275.000 compagnies en tout, soit 1,3 %) représentaient un chiffre d'affaires combiné de 29.380 milliards de yens (sur un total de 80.300 milliards de yens), soit 37 % du chiffre d'affaires total (4). En France, d'après l'INSEE, les 235 plus grosses entreprises industrielles, soit 0,5 % du nombre total des entreprises industrielles de plus de 5 salariés, employaient en 1970 38,6 % des effectifs totaux et réalisaient 45 % du chiffre d'affaires total (5). En résumé:
U.S.A.: 200 entreprises fournissent 52 % de la production industrielle;
Allemagne: 245 entreprises fournissent 40 % de la production industrielle;
Grande-Bretagne: 100 entreprises fournissent 50 % de la production industrielle;
Japon: 358 entreprises fournissent 37 % de la production industrielle;
France: 235 entreprises fournissent 45 % de la production industrielle.

Outre le classement des 500 premières compagnies industrielles américaines, la revue «Fortune» a publié dans son numéro d'août 1974 un classement par chiffre d'affaires des 300 premières sociétés non-américaines (à l'exclusion - pour le moment... - des trusts russes et «socialistes» en général). En combinant ces deux classements, on arrive au résultat suivant: les deux cents premières entreprises industrielles (6) de la sphère capitaliste «occidentale» ont réalisé en 1973 un chiffre d'affaires combiné total d'environ 750 milliards de dollars; à titre de comparaison, la somme des PNB des 6 principaux pays capitalistes occidentaux - dont plus de 90 % de ces sociétés sont originaires - était en 1973 de l'ordre de 2.400 milliards de dollars. On voit qu'infiniment plus encore qu'à l'époque de Lénine, une poignée d'entreprises capitalistes géantes dominent la production mondiale - sans pour autant que la foule des entreprises petites et moyennes qui renaissent constamment des rapports marchands aient disparu, ni qu'on ait abouti à un seul trust géant (possible dans l'abstrait, mais pas dans la réalité antagonique des rapports capitalistes) qui régirait toute la planète.

Avant d'introduire des données supplémentaires sur la concentration, arrêtons-nous sur les 200 premières sociétés mondiales: l'examen de la part de chaque pays dans cette poignée de sociétés géantes est riche d'indications sur les rapports de force entre les principaux pays impérialistes, et surtout sur l'évolution de ces rapports. Pour cela, on peut se reporter aux mêmes classements de «Fortune» pour l'année 1964, et établir pour les années 1964 et 1973 quatre classements:
- celui des 10 premières entreprises mondiales,
- celui des 50 premières,
- celui des 100 premières,
- celui des 200 premières.

Pour les 10 premières entreprises mondiales la situation n'a pas changé entre 1964 et 1973: huit sont toujours américaines (General Motors, Exxon, Ford, Chrysler, General Electric, Texaco, Mobil Oil, IBM) et deux anglo-hollandaises (Royal Dutch-Shell et Unilever). Mais le classement des 50, 100 et... 200 premières entreprises mondiales permet de voir l'évolution plus en profondeur, comme le montre le tableau ci-dessous.

Dans chaque catégorie, les Etats-Unis sont toujours de loin en tête, en 1973 comme en 1964. Mais la toute-puissance de leur suprématie économique tend à diminuer: alors qu'ils avaient en 1964 38 des cinquante premières entreprises industrielles mondiales, ils n'en ont plus que 24 en 1973; alors qu'ils avaient 66 des cent premières, ils n'en ont plus que 49, alors qu'ils avaient 119

Origine des 50, 100, 200 premières sociétés mondiales

 
50 premières
100 premières
200 premières
1964
1973
1964
1973
1964
1973
USA
38
24
66
49
119
107
Grande-Bretagne
5
5
11
9
20
18
Allemagne
5
8
12
12
18
19
Japon
0
6
3
11
12
23
France
0
2
4
9
10
13
Italie
1
3
1
3
6
4

Source: calculs effectués d'après les données publiées dans «Fortune», juillet et août 1965, mai et août 1974. Les chiffres donnés pour la Grande-Bretagne incluent en fait deux sociétés à capital anglo-hollandais (Royal-Dutch-Shell et Unilever) et un groupe anglo-italien (Dunlop-Pirelli, formé en 1971, et qui fait partie en 1973 des 100 premières). Il est important de remarquer qu'aucune des sociétés non-américaines prises en compte pour le classement n'est filiale d'une société américaine ou étrangère en général; à l'inverse, une société américaine du classement (la Shell américaine, 33e mondiale en 1973) est filiale d'un groupe non-américain.

des deux cents premières, ils n'en ont plus que 107. On remarque que le recul est un peu moins sensible pour les 200 premières sociétés que pour les 50 premières; au-delà de 200 sociétés (c'est-à-dire pour les 300, 400, etc. premières mondiales) la part des sociétés américaines tend à rester stable, entre 50 et 55 % en 1973. La tendance importante est que les sociétés américaines reculent lentement mais inéluctablement pour faire de plus en plus de place à leurs concurrentes étrangères, au premier rang desquelles les sociétés allemandes et surtout japonaises: ces dernières ont déjà 6 représentantes dans les 50 premières mondiales alors qu'elles n'en avaient aucune en 1964, et elles ont doublé leur part dans les 200 premières. Ces données confirment les tendances que d'autres indicateurs avaient déjà mis en évidence dans les rapports sur le cours de l'impérialisme mondial.

La cartellisation de l'industrie
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Arrivée à un tel degré, poursuivait Lénine, la concentration mène directement au monopole et à la cartellisation. En effet, lorsque quelques entreprises ou quelques dizaines d'entreprises géantes dominent une branche industrielle, elles ont les moyens d'empêcher les «nouveaux venus» capitalistes d'entrer dans la branche, ou les entreprises plus petites de prendre trop d'importance, supprimant ainsi non pas la concurrence mais la «libre» concurrence; elles peuvent aussi conclure des accords entre elles pour se partager un marché, éviter la concurrence par les prix, ou augmenter simultanément leurs prix pour accroître leurs bénéfices. L'exemple de deux branches industrielles importantes, la chimie et la sidérurgie, est éloquent à cet égard.

Chimie. Un peu plus d'une quinzaine de compagnies dominent le marché mondial avec des chiffres d'affaires supérieurs à 2 milliards de dollars en 1973 (7). Ce sont, par ordre de chiffre d'affaires (en milliards de dollars):

Hoechst (All.)
5,6
BASF. (All.)
5,4
I.C.I. (GB)
5,3
Du Pont (USA)
5,2
Bayer (All.)
4,6
Montedison (Ital.)
4,4
Union Carbide (USA)
3,9
Péchiney-Ugine-Kuhlmann (Fr)
3,6
Akzo (Holl.)
3,4
Rhône-Poulenc (Fr.)
3,3
Dow (USA)
3,0
W.R. Grace (USA)
2,8
Ciba-Geigy (Suisse)
2,6
Monsanto (USA)
2,6
Mitsubishi (Jap.)
2,3
Courtaulds (GB)
2,3
Asahi Chemical (Jap.)
2,2

En 1969, l'organisme de la Commission Economique Européenne chargé de la «lutte contre les monopoles» a infligé deux amendes de 500.000 dollars à deux groupes de sociétés: «Le premier comportait six firmes distribuant de la quinine, produit utilisé pour de nombreux médicaments. Ces dernières s'étaient concertées à plusieurs reprises pour faire monter les prix dans le Marché Commun. La deuxième amende était encore plus spectaculaire puisqu'elle sanctionnait dix firmes chimiques européennes - et pas des moindres - accusées d'avoir fait monter de la même manière le prix des produits colorants [aniline en particulier].» (8)

500.000 dollars d'amende infligés à dix entreprises (soit 50.000 dollars par entreprise, c'est-à-dire moins de 250.000 francs!) pour un cartel qui a dû leur rapporter plusieurs millions de dollars de bénéfices supplémentaires chacune, c'est un véritable encouragement à continuer! Rien d'étonnant à ce que trois ans plus tard, en 1972, on ait appris que le «cartel de l'aniline» a continué ses activités et «...fait l'objet d'une nouvelle enquête de la Commission des communautés européennes» (9).

Pendant qu'elles étaient poursuivies pour des ententes sur les produits pharmaceutiques ou les colorants, les mêmes grosses sociétés chimiques constituaient un cartel dans le secteur des fibres textiles (nylon, etc.). En 1972, l'Office des cartels allemand dénonçait les filiales allemandes de Akzo, Rhône-Poulenc, Bayer, Hoechst, BASF et Lonza, pour «s'être entendues sur les prix sur le marché intérieur, avoir passé des accords avec les compagnies japonaises pour écarter la concurrence japonaise [...] et avoir passé des accords de partage du marché avec d'autres compagnies européennes» (10). En fait les mêmes compagnies plus les sociétés italiennes Montecatini-Edison et Snia Viscosa (cette dernière a été absorbée depuis... par la précédente) avaient «officiellement» demandé peu de temps auparavant à la CEE l'autorisation de former un cartel pour les fibres synthétiques (11), en raison de l'effondrement des cours mondiaux dû au sur-investissement et à la surproduction dans la branche - un bel exemple d'anarchie capitaliste à laquelle succède une certaine régulation à l'intérieur d'une branche par les trusts capitalistes.

Pour éviter d'autre part les cartels trop visibles ou trop provocants, les sociétés concurrentes de la branche procèdent régulièrement à ce qu'elles appellent pudiquement des «échanges d'information»: «En Grande-Bretagne, par exemple, ICI, Shell et BP Chemicals échangent déjà des informations sur le marché de l'éthylène (le plus important produit intermédiaire dans la pétrochimie), ainsi que des données sur leurs capacités de production existantes et prévues. Dans les engrais chimiques, ICI, Shell et Fisons sont récemment arrivés à un accord pour faire la même chose. Dans les deux cas, le ministère du Commerce et de l'Industrie a été informé et n'a pas soulevé d'objections.» (12) Les producteurs européens de fibres synthétiques «échangent depuis deux ans des informations statistiques par l'intermédiaire du Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques, qui est en fait l'association mondiale de la branche. Tous les six mois, les membres reçoivent une série de statistiques sur la demande et, ce qui est significatif, sur les capacités de production existantes et prévues. [Dans l'industrie chimique] environ vingt bureaux internationaux techniques opèrent depuis Bruxelles en publiant des statistiques biannuelles sur tel produit ou groupe de produits en utilisant les données fournies par les fabricants, qui ont tous adhéré volontairement» (13).

On en arrive ainsi progressivement, en multipliant les accords de prix, les répartitions de marché, les «échanges d'informations», etc., à une véritable cartellisation de la branche (qui n'empêche pas que la concurrence puisse subsister pour certains produits) par une poignée de grosses sociétés, avec le plus souvent l'accord tacite des Etats - à moins que les «abus» par rapport aux lois capitalistes de répartition de la plus-value soient trop flagrants ou mettent en cause d'autres intérêts capitalistes puissants...

Sidérurgie. Une vingtaine de sociétés dominent le marché mondial. Ce sont, par ordre de chiffre d'affaires (en milliards de dollars) en 1973:

Nippon Steel (Jap.)
7,6
US Steel (USA)
6,9
British Steel (GB)
4,2
Thyssen (All.)
4,2
Bethlehem Steel (USA)
4,1
Nippon Kokan (Jap.)
3,6
Sumimoto Metal (Jap.)
3,1
Kobe Steel (Jap.)
3,0
Kawasaki Steel (Jap.)
2,9
Krupp (All.)
2,9
ARBED (Lux.)
2,8
ESTEL (Holl.)
2,8
Armco Steel (USA)
2,3
National Steel (USA)
2,1
Republic Steel (USA)
2,0
Italsider (Ital.)
1,8
Inland Steel (USA)
1,8
Usinor (Fr.)
1,8
Rheinstahl (All.)
1,6
Sacilor (Fr.)
1,5

Dans ce secteur, les ententes semblent être la règle, ainsi qu'il ressort de ce qu'écrivait voici quelques années le «Times» de Londres:
«
Dans de nombreux pays, les industriels qui utilisent certains produits spéciaux des aciéries ont de plus en plus l'impression qu'ils sont rançonnés par des cartels internationaux [...]. Il est probable que, devant l'indignation croissante des utilisateurs, plus d'un gouvernement sera obligé d'intervenir avant longtemps [...]. Les plus importants producteurs de fer-blanc de Grande-Bretagne... ont des contacts périodiques avec leurs homologues du continent. Il ne fait aucun doute que le partage des marchés se pratique [...]. Les deux producteurs britanniques de tubes d'acier de gros diamètre... participent à un accord avec des producteurs de tubes de plusieurs pays. On croit savoir que les producteurs français, allemands, belges et japonais font tous partie d'un cartel international visant à «régulariser» les prix et la fourniture de tubes de gros diamètres [...]. Le monde de l'acier est actuellement séparé en deux. D'un côté se trouvent les producteurs fournissant les produits sidérurgiques courants, gravement gênés par la surproduction mondiale et obligés d'exporter à des prix très bas. De l'autre côté figurent les producteurs d'aciers spéciaux et de certains produits sidérurgiques particuliers, qui agissent de concert pour maintenir les prix à un niveau élevé.» (14)

Plus récemment, «The Economist» confirmait l'existence d'un cartel pour les tubes d'acier: «Sur le marché des tubes d'acier [...] des rencontres discrètes ont eu lieu à Dusseldorf [...]. Y participaient la compagnie allemande Mannesman, des compagnies françaises et italiennes, la British Steel Corporation nationalisée, ainsi que Nippon Steel, Nippon Kokan, Kawasaki et Sumimoto» (15).

Fin 1971 et début 1972, les sidérurgistes japonais acceptaient «volontairement» de limiter leurs exportations vers les Etats-Unis, puis vers les pays de la CEE et la Grande-Bretagne, et formaient avec la bénédiction du MITI un cartel à l'exportation pour se répartir les marchés (16); d'autre part, les 6 premières compagnies sidérurgiques japonaises formaient - toujours avec l'accord des autorités - un «cartel anti-récession»: «Comme on pouvait s'y attendre, écrit le «Financial Times», les prix de certains produits sidérurgiques ont augmenté de 20 à 30 dollars par tonne sur le marché intérieur japonais. L'industrie s'attend à une hausse moyenne des prix de 6 à 10 dollars la tonne d'ici la fin de l'année» (17). Simultanément, les sidérurgistes européens et britanniques «acceptaient» de limiter leurs exportations vers les Etats-Unis - ce qui implique un accord de répartition entre eux (18). Au même moment, la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» rapportait des «rumeurs» sur un accord entre les producteurs des six pays européens et de la Grande-Bretagne conclu en décembre 1971 à Paris et comportant notamment les clauses suivantes:
«
- Des prix minimaux à l'exportation - supérieurs de 10 dollars par tonne, en moyenne, à ceux pratiqués courant novembre - auraient été fixés par produits.
- Chacun des 7 pays - et à l'intérieur de ceux-ci chaque entreprise de production - se serait vu attribuer des contingents d'exportation.
- De fortes «amendes» seraient prévues non seulement en cas de «sous-cotation» mais pour chaque dépassement des «contingents» fixés
» (19).

On voit ainsi qu'à coup d'accords successifs un véritable cartel mondial de l'acier et des produits sidérurgiques tend progressivement à se créer entre les sociétés géantes qui dominent le marché mondial (sans pour autant supprimer totalement la concurrence par les prix pour certains produits).

Ces deux exemples montrent comment dans des branches où le capital est très concentré et où une poignée d'entreprises dominent la production, ces entreprises s'entendent entre elles pour supprimer la «libre» concurrence, instituer une certaine régulation de la production et mettre fin, comme le prévoyait Engels, à la planlosigkeit, à l'absence de plan. Comme nous le verrons plus loin, l'anarchie capitaliste chassée dans une certaine mesure de la branche ne fera que réapparaître de plus belle à un niveau plus élevé.

En s'entendant entre elles, ces entreprises ne font qu'obéir à la tendance normale et inéluctable de tout capital (qui est aux antipodes des rêves petits-bourgeois d'un capital «honnête» qui pourrait se contenter d'un profit «raisonnable»): augmenter leur profit au maximum. Pour y parvenir, elles fixent «arbitrairement» les prix de leurs produits au-dessus de leur prix de production, c'est-à-dire de leur coût de production augmenté du profit calculé au taux moyen. Grâce à la suppression de la «libre concurrence», elles peuvent échapper à la péréquation entre l'ensemble des capitaux composant le capital social de la plus-value globale extorquée à la classe ouvrière, qui s'effectue précisément, comme Marx le montre dans le Livre III du «Capital», par le mécanisme de la formation des prix. En procédant de la sorte, elles ne créent aucune valeur supplémentaire, elles ne font que «voler» aux capitaux concurrents une part de la plus-value qui aurait dû leur revenir d'après les «justes» lois de la répartition du butin entre exploiteurs. D'où les hauts cris des concurrents qui se sentent «rançonnés» (dans nos exemples, les industriels utilisateurs d'aciers spéciaux ou de certains produits chimiques). L'anarchie capitaliste n'a disparu de l'intérieur de la branche que pour aggraver la concurrence entre les différentes branches pour l'appropriation de la plus-value globale. Lorsque les abus sont trop flagrants ou les intérêts menacés trop importants, le comité d'affaires de la classe capitaliste doit intervenir pour maintenir un peu d'ordre et essayer de faire respecter la «loi du milieu», ou au moins pour prendre quelques mesures de nature à apaiser la colère des capitalistes «rançonnés». Mais comme même à l'intérieur de la classe capitaliste cet Etat n'est pas en mesure d'appliquer une «justice» véritablement équitable pour tous les capitalistes puisqu'il est aux mains des groupes financiers les plus importants, et défend avant tout leurs intérêts; comme ces groupes financiers sont généralement ceux-là même qui sont derrière les cartels d'industries, comme enfin la concentration et le monopole sont une loi de fer du développement de la production capitaliste, l'efficacité des mesures «anti-trusts» est généralement minime, et elle ne peuvent en définitive - l'histoire des monopoles américains ou japonais est là pour en témoigner - empêcher les monopoles et les cartels de se renforcer ou de renaître (20).

Le résultat est le même lorsque les membres du cartel, au lieu de fixer directement des prix élevés pour leurs produits, se contentent de se partager les marchés, ou de limiter leur production, ou même simplement de coordonner leurs investissements; l'effet de toutes ces mesures est d'empêcher la libre concurrence, donc d'empêcher la formation «normale» du prix capitaliste et de faire échec au mécanisme de péréquation du profit entre les capitalistes de manière à attribuer à la branche un taux de profit supérieur au taux moyen; elles aboutissent toutes indirectement à fixer pour les produits de la branche des prix «artificiellement» élevés, qui «contiennent» un profit supérieur au profit moyen.

Lorsque de telles pratiques se généralisent de branche à branche - ce qui est un des procédés dont les capitaux individuels disposent dans les branches très concentrées pour réagir à la baisse du taux de profit qui les tenaille à la longue de plus en plus - elles provoquent une hausse généralisée de l'ensemble des prix. L'anarchie capitaliste n'aura été chassée de la branche que pour réapparaître à un niveau plus élevé, sur une échelle beaucoup plus vaste, et avec une virulence qui affaiblit dangereusement l'un des piliers des rapports marchands et capitalistes, la monnaie.

Ce que l'on peut connaître des pratiques monopolistes - et qui n'est sans doute que la toute petite partie apparente de l'iceberg - montre qu'avec la concentration croissante le phénomène est loin de se limiter à quelques branches d'exception. Relevons brièvement quelques monopoles ou cartels connus en plus des exemples donnés plus haut:

Pétrole: on sait que le fameux cartel du pétrole constitué de 7 sociétés anglo-américaines géantes (Exxon, Royal Dutch-Shell, BP, Texaco, Gulf Oil, Socal, Mobil Oil) domine depuis 1928 le marché mondial; ces 7 majors (à la discipline desquelles se plient quelques dizaines de sociétés plus petites) contrôlaient en 1973 50 % de la production mondiale, URSS comprise (21). En dessous de ce cartel mondial, doublé depuis peu par le cartel des Etats producteurs, existent des accords de répartition des marchés pays par pays: ainsi, au Japon douze sociétés pétrolières ont été récemment accusées d'entente illicite: elles «s'étaient entendues à cinq reprises en 1973 pour augmenter les prix des produits pétroliers en formant des cartels secrets» (22). En France, le récent rapport d'enquête parlementaire aboutissait à des conclusions identiques (23).

Aluminium: le marché mondial est dominé par un cartel comprenant 6 sociétés occidentales (Alcoa, Alcan, Reynolds, Kaiser, Péchiney, Alusuisse, qui contrôlaient au début des années 1970 environ 53 % de la capacité de production mondiale) et l'Etat russe qui contrôle 15 % de la production et se comporte sur le marché mondial comme le 7e membre du cartel, en respectant sa discipline de prix qui joue toujours à la hausse (24).

Nickel: le marché mondial est également dominé par un cartel composé de 6 sociétés occidentales (International Nickel, qui contrôle à lui seul plus 40 % de la production mondiale, Falconbridge, Sheritt Gordon, Hanna Mining, Le Nickel), qui contrôlent environ 69 % de la production mondiale, de l'Etat russe et de l'Etat cubain qui respectent là aussi les prix édictés par le cartel. Au total, 8 producteurs contrôlent 98,5 % de la production mondiale (25).

Sucre: la commission de la CEE a pris en 1972 des sanctions contre une dizaine de compagnies européennes, notamment Sucre et denrée et Béghin (France), Tirlemont (Belgique), Eridiana (Italie): «Ces firmes se sont réparti les marchés en renonçant à se faire concurrence. Elles ont procédé à des accords secrets en matière de prix: pas question de fournir du sucre à un autre pays à un prix inférieur à celui qui y était pratiqué par les entreprises nationales, etc.» (26).

Emballages métalliques et boîtes de conserve: une société américaine, Continental Can, domine les marchés américain (avec American Can) et européen.

Ordinateurs: la société américaine géante IBM détient à elle seule plus de 70 % du marché occidental.

Transports aériens: une association internationale, l'IATA, réglemente les tarifs pour empêcher la concurrence par les prix entre compagnies.

Cette liste est loin d'être limitative: ainsi la CEE parlait en 1972 des «liaisons oligopolistiques ou semi-oligopolistiques dont on peut soupçonner l'existence dans les domaines des tubes d'acier, des voitures et des camions, des transformateurs à haut voltage, des moteurs d'avions, des pneus, de la margarine, de la pâte à papier, des aliments surgelés et de la bière» (27).

La centralisation financière
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Comme Marx le montre dans le «Capital», le mouvement de concentration (menant par le jeu de l'accumulation à la création d'entreprises géantes qui tendent elles-mêmes à former des cartels) se double, à partir d'un certain degré de développement, d'un mouvement de centralisation du capital:
«
A un certain point du progrès économique, ce morcellement du capital social en une multitude de capitaux individuels, ou le mouvement de répulsion de ses parties intégrantes, vient à être contrarié par le mouvement opposé de leur attraction mutuelle. Ce n'est plus la concentration qui se confond avec l'accumulation, mais bien un procès foncièrement distinct, c'est l'attraction qui réunit différents foyers d'accumulation et de concentration, la concentration de capitaux déjà formés, la fusion d'un nombre supérieur de capitaux en un nombre moindre, en un mot la centralisation proprement dite» (28).

L'une des formes de cette centralisation du capital est la fusion ou l'absorption d'entreprises capitalistes, par un mécanisme qui est différent de celui de la concentration proprement dite au sens où l'entend Marx (c'est-à-dire celui d'accumulation), mais dont les résultats vont dans le même sens, celui de la formation d'entreprises capitalistes toujours plus gigantesques. A l'époque impérialiste, qui voit le capital industriel fusionner intimement avec le capital bancaire pour former ce qu'Hilferding a appelé le capital financier, une autre forme de centralisation du capital prend une très grande importance: c'est la centralisation financière qui, par le jeu des participations en chaîne dans les sociétés anonymes, fait dépendre d'un centre unique un groupe d'entreprises capitalistes en activité dans des branches différentes et formellement autonomes les unes par rapport aux autres.

Lorsque le capital productif a lui-même atteint un haut degré de concentration avec la formation d'entreprises géantes, la centralisation financière qui relie ces entreprises entre elles aboutit dans chaque pays capitaliste avancé à la domination de toute la vie économique par une poignée de groupes financiers et industriels géants qui se soumettent étroitement l'appareil d'Etat, lequel intervient à son tour de plus en plus dans tous les domaines de la vie économique. Voyons quelques exemples.

Etats-Unis. Nous avons vu que sur les 200 premières sociétés mondiales en 1973, 107 étaient américaines (106 en fait si l'on retire la Shell Oil américaine). Loin d'être indépendantes les unes des autres, ces sociétés sont en fait reliées les unes aux autres par le réseau d'une gigantesque toile d'araignée financière, au centre de laquelle se trouvent 8 à 10 groupes financiers dominant toute l'économie américaine, eux-mêmes dominés par 3 «super-groupes» géants. Sur les 106 sociétés citées, d'après les renseignements connus sur les prises de participation financières (29), au moins 43 sont dans l'orbite directe ou indirecte des 3 groupes principaux, et 63 dans l'orbite des 8 groupes principaux. Citons ces groupes:
- le groupe Rockefeller vient de loin en tête. Ses fleurons bancaires sont la First National City Corporation (2e banque mondiale avec des actifs de 44 milliards de dollars en 1973), la Chase Manhattan Corporation (3e banque mondiale avec des actifs de 36 milliards de dollars en 1973), la First Chicago Corporation et la Wachovia. Il a des intérêts dans le pétrole (Exxon, ex-Standard Oil of New Jersey, première société pétrolière mondiale, Mobil Oil, Socal, Standard Oil of Indiana), la construction électrique et électronique (ITT, qui est en fait un véritable conglomérat intervenant dans plusieurs secteurs, Western Electric, American Telephone and Telegraph, NCR), la construction aéronautique (Boeing, United Aircraft), la construction mécanique (Caterpillar), la chimie (W.R. Grace, Colgate-Palmolive), l'alimentation et le tabac (Reynolds, General Mills), le papier (Georgia Pacific), etc.

- le groupe Morgan, qui repose sur la Banque Morgan (4e banque américaine avec des actifs de 20 milliards de dollars), le Bankers Trust (18 milliards de dollars) et le Irving Trust, a des intérêts dans la construction électrique (General Electric), les ordinateurs (IBM), l'acier (US Steel), l'électronique (General Telephone), le pétrole (Continental Oil, Atlantic Richfield), les boîtes de conserve (Continental Can, American Can), la chimie (Goodrich), le Coca-Cola, etc.

- le groupe Mellon, avec la Mellon National Corporation (9,6 milliards de dollars d'actifs) et la First National Boston Corporation (8 milliards de dollars), a des intérêts dans le pétrole (Gulf Oil), la construction électrique (Westinghouse), la chimie (Eastman Kodak), l'aviation (Rockwell), l'acier (Armco Steel), l'aluminium (Alcoa), etc.

Après ces trois super-géants qui dominent l'économie américaine viennent le groupe Hanna-Cleveland (Cleveland Trust, National Bank of Cleveland, Chrysler, Goodyear, Firestone, Hanna Mining), le groupe du Manufacturers Hanover Trust, le groupe de la Chemical Bank, le «groupe de Chicago» (groupe de banques et d'entreprises liées en fait, semble-t-il, au groupe Rockfeller), le groupe de la Bank of America et les banques californiennes qui ont des intérêts dans les industries de la côte Ouest, Du Pont de Nemours, etc.

Tous ces groupes sont eux-mêmes plus ou moins étroitement reliés entre eux par une série de liens d'ordre financier, politique, historique, personnel, etc. Le contrôle de l'appareil d'Etat américain, à commencer par le niveau le plus élevé, celui de la nomination de l'équipe gouvernementale, n'est évidemment que la résultante des combinaisons et des oppositions d'influence, des alliances et des luttes internes de ces groupes financiers géants au sein de ce que Boukharine appelait le trust capitaliste national (30). A son tour, l'Etat intervient dans tous les secteurs, notamment par l'intermédiaire d'une foule d'«agences fédérales», et possède un poids économique considérable. Selon J.K. Galbraith, «les services fédéraux, ceux des Etats et des collectivités locales financent, aux Etats-Unis, un cinquième à un quart de l'activité économique globale. La proportion était de 8 % en 1929. Elle excède de loin la participation de l'Etat dans un pays officiellement socialiste comme l'Inde» (31).

Japon. Sur les 23 sociétés japonaises faisant partie des 200 premières mondiales en 1973, au moins 17 font partie des 11 groupes géants ou zaibatsus qui dominent l'économie japonaise, et qui sont «au moins aussi puissants maintenant qu'avant la Deuxième Guerre mondiale» (32). Ces groupes géants sont eux-mêmes dominés par 3 «super-géants»: Mitsubishi, Mitsui et Sumimoto. Ces derniers représentent respectivement 14,3 %, 13,3 % et 13 % du capital total des sociétés cotées à la Bourse de Tokyo, et leurs rapports de puissance entre eux sont les suivants: Mitsubishi 10, Mitsui 7,5, Sumimoto 7 (33).

- Le groupe Mitsubishi est basé sur la Mitsubishi Bank (4e banque japonaise et 10e mondiale avec des actifs de 27 milliards de dollars en 1973), la Mitsubishi Shoji, société de commerce, et la Mitsubishi Heavy Industries qui regroupe toute l'industrie lourde du groupe (construction mécanique, navale, automobile, aéronautique). Autour de ce triangle de base gravitent 45 sociétés dont le chiffre d'affaires global en 1971 était de 7.500 milliards de yens, notamment dans la chimie (Mitsubishi Chemical Industries), la construction électrique (Mitsubishi Electric), l'immobilier (Mitsubishi Estate), les transports maritimes (Nippon Yusen), la brasserie (Kirin Breweries), l'assurance (Tokio Marine and Fire, Meiji Life Insurance), l'acier (Mitsubishi Steel), le pétrole (Mitsubishi Oil), les minerais (Mitsubishi Mining), etc.

- Le groupe Mitsui a pour pivot la Mitsui Bank (8e banque japonaise avec des actifs de 20 milliards de dollars en 1973) et la société de commerce Mitsui Busan. Il a des intérêts dans les minerais et le charbon (Mitsui Mining), la chimie (Mitsui Toatsu Chemicals et Mitsui Petrochemical Industries), la construction navale (Mitsui Shipbuilding and Engineering) et aéronautique (Showa Aircraft), la sidérurgie (Japan Steel Works), l'immobilier (Mitsui Real Estate Development), l'assurance (Yaisho Marine and Fire Insurance, Mitsui Mutual Life Insurance), etc.

- Le groupe Sumimoto est basé sur la Sumimoto Bank (3e japonaise et 8e mondiale avec des actifs de 29 milliards de dollars en 1973) et sur la société de commerce Sumimoto Shoji. Il a des intérêts dans la sidérurgie (Sumimoto Metal Industries), la chimie (Sumimoto Chemical), la construction électrique (Sumimoto Electric Industries) et l'électronique (Nippon Electric), la construction mécanique lourde (Sumimoto Shipbuilding and Machinery), l'immobilier (Sumimoto Real Estate), l'assurance (Sumimoto Marine and Fire Insurance, Sumimoto Mutual Life Insurance), etc.

Les autres groupes importants sont les groupes Fuyo (Nissan Motor), Dai-Ichi-Kangin, Sanwa, Matsushita, Toyota, Hitachi, Shin-Nippon Steel. On constate que si le degré de concentration du capital au Japon apparaît plus faible que chez ses principaux concurrents (comme il résulte des chiffres précédents), la centralisation financière de l'économie japonaise est par contre très forte. Au sommet du réseau financier, les organes d'Etat comme la Banque du Japon qui dirige le crédit aux entreprises, et le MITI qui discipline littéralement la concurrence entre capitaux japonais sur les marchés intérieurs et extérieurs tout en les protégeant des empiètements du capital étranger, complètent la centralisation et forment la clé de voûte de ce véritable zaibatsu de zaibatsus qu'est la Japan Incorporated. Aux commandes de l'appareil d'Etat il ne reste plus qu'à mettre un gouvernement dont, écrivait récemment «Le Figaro», les trois premiers zaibatsus, Mitsubishi, Mitsui et Sumimoto, «choisissent d'un commun accord le premier ministre parmi les chefs de faction du parti gouvernemental» (34).

Allemagne. Nous avons vu que 245 entreprises fournissaient 40 % du chiffre d'affaires des entreprises industrielles. Mais la centralisation financière est évidemment plus importante, puisque le rapport annuel du Kartellamt (Office des cartels) constatait notamment en 1973: «Le chiffre d'affaires des cent konzerns [groupes industriels] les plus importants a représenté 50 % du chiffre d'affaires total de l'industrie allemande en 1969. Cette proportion sera sans doute de 60 % à la fin des années 1970 si le rythme des concentrations se maintient.» (35)

Là encore, une dizaine de groupes financiers et industriels dominent l'économie (36). Le moindre n'est pas... l'Etat allemand, qui a des intérêts dans l'automobile (Volkswagen, Audi-NSU), le pétrole et la pétrochimie (VEBA, Gelsenberg, VIAG), l'aviation (Lufthansa), la sidérurgie et la construction mécanique lourde (Salzgilter), l'aluminium (VAW), sans parler de l'électricité, du gaz, des charbonnages, etc. Les groupes «privés» - si la distinction a encore un sens - sont le groupe de la Deutsche Bank (1re banque allemande, l2e mondiale avec 24 milliards d'actifs en 1973), qui a des intérêts dans l'automobile (Daimler-Benz), le caoutchouc et les plastiques (Continental Gummi Werke), la chimie (Schering) et diverses autres branches; sa grande rivale, la Dresdner Bank (2e banque allemande avec 21 milliards de dollars d'actifs en 1973) a des intérêts dans la sidérurgie et la métallurgie non ferreuse (Metallgesselschaft, Degussa, Norddeutsche Affinerie), la brasserie, etc. On peut également citer le groupe de l'ex-IG Farben qui règne sur la chimie avec Hoechst, BASF et Bayer, le groupe Thyssen-Rheinstahl (sidérurgie, métallurgie, construction lourde), le groupe Krupp (idem plus construction aéronautique), le groupe Flick (intérêts dans Daimler-Benz, dans la sidérurgie, la construction mécanique, la chimie), le groupe Quandt (BMW, Varta), le groupe Allianz (Gutehoffnungshütte, MAN), etc.

France. L'Etat est le plus important entrepreneur capitaliste: il intervient, outre les «services publics» du gaz, de l'électricité, des charbonnages, des chemins de fer, dans la banque (BNP, Société Générale, Crédit Lyonnais), le pétrole (CFP, Elf) (37), le transport aérien (Air France) et maritime (Générale Transatlantique), la construction automobile (Renault-Berliet) et aéronautique (Aérospatiale), les assurances (Union des Assurances de Paris, Assurances Générales de France, GAN). D'autre part, un important mouvement de restructuration, de concentration et de centralisation financière consécutif à la perte de l'empire colonial et effectué sous l'égide du gaullisme a abouti à la constitution de gros groupes financiers et industriels, parmi lesquels deux semblent se détacher:

- le groupe Suez, contrôlé au sommet par la Compagnie financière de Suez (14 milliards de dollars d'actifs en 1973), avec du côté financier deux banques d'affaires (Banque de Suez et de l'Union des Mines, Banque de l'Indochine) et une grande banque de dépôts (Crédit Industriel et Commercial), diverses sociétés financières et une compagnie d'assurances (Abeille-Paix), et du côté industriel le trust Saint Gobain-Pont à Mousson qui centralise plus d'une centaine de sociétés dans les industries du verre et de l'emballage, la métallurgie, la construction mécanique, les matériaux de construction, etc.

- le groupe Paribas, de constitution plus ancienne, issu de la Banque de Paris et des Pays-Bas, avec en outre du côté bancaire la Banque de l'Union Parisienne et le Crédit du Nord, diverses sociétés financières, deux compagnies d'assurances (La Providence, Le Secours) et du côté industriel le contrôle direct ou indirect de plus d'une centaine de sociétés, notamment dans le ciment, les travaux publics, la construction mécanique, les services, etc.

Outre ces deux groupes qui se détachent nettement, on peut citer les groupes Pechiney-Ugine-Kuhlmann (aluminium, chimie, cuivre, aciers spéciaux), Rhône-Poulenc (chimie, fibres synthétiques), Michelin (pneumatiques), Peugeot-Citroën (construction automobile, matériel d'armement, mécanique), la Compagnie Générale d'Electricité, BSN-Gervais Danone (emballages, brasserie, alimentation), le groupe Empain-Schneider-Union européenne (sidérurgie et construction mécanique, banque), le groupe Rothschild (banque, assurances, minerais métalliques avec Le Nickel, etc.), Denain-Usinor (sidérurgie, lié à Paribas), le groupe De Wendel (sidérurgie, lié à Suez), etc. (38).

•••

Ces quelques données montrent comment l'économie de l'époque impérialiste se caractérise à la fois par l'énorme concentration, qui aboutit à la constitution d'entreprises géantes dominant le reste de la production et formant des monopoles et des cartels, ainsi que par la centralisation de l'activité productive par le réseau omniprésent du capital financier; au centre de ce réseau se trouvent dans chaque pays quelques groupes financiers géants que l'on peut compter sur les doigts de la main, et qui sont intimement imbriqués avec l'Etat capitaliste; celui-ci tend de plus en plus à prendre directement ou indirectement en charge des activités productives, et dirige centralement l'ensemble de l'activité économique. Cette «nébuleuse» d'entreprises géantes accumulant le capital sur la base de l'exploitation du travail salarié, et reliées entre elles par un réseau centralisateur dont les fils convergent vers l'Etat, se retrouve également dans la Russie capitaliste, où pour des raisons d'ordre essentiellement historique sa constitution a pris un aspect différent et beaucoup plus centralisé au départ, avec des formes juridiques différentes.

Dans tous les cas, à ce niveau de concentration, les fonctions du capitaliste actif sont exercées par des employés rémunérés. C'est le cas dans les entreprises dont le propriétaire juridique est l'Etat. C'est aussi le cas dans le réseau des gigantesques sociétés anonymes dont les actions sont réparties entre toute une série d'autres sociétés, d'organismes d'Etat, d'institutions diverses, de banques, de compagnies d'assurance, de fonds d'investissement, de fonds de pension, de fondations comme aux Etats-Unis, voire sont détenues en partie par la société elle-même, directement ou indirectement (39). Une armée de gérants, d'administrateurs, de directeurs (grassement) salariés appliquent les lois impersonnelles du capital en organisant l'extorsion de la plus-value dans les usines, sa réalisation sur les marchés, et son accumulation pour produire toujours plus de capital et de plus-value. En bas de cette gigantesque pompe à valeur aux mille bouches appelées fabriques, les producteurs directs qui l'alimentent de leur sueur; au milieu, la machinerie complexe du capital, réseau d'intérêts concurrents et solidaires, qui pompe et répartit le produit du travail des exploités, et surtout l'accumule sans relâche pour produire toujours plus au prix d'un immense gaspillage social du travail vivant; au sommet, la classe parasitaire vivant sur le dos des producteurs directs et les énormes appareils d'Etat entretenus pour maintenir ceux-ci dans l'exploitation. Ces «trusts capitalistes nationaux» - eux-mêmes souvent reliés entre eux par des liaisons financières complexes - sont les véritables concurrents qui s'affrontent sur le plan économique pour accroître leur part de marché mondial, exporter leurs capitaux, imposer leur monnaie, contrôler les sources de matières premières, sur le plan politique pour tenter d'imposer leur hégémonie sur une partie de la planète en soumettant à leur influence les Etats plus faibles, enfin sur le plan militaire pour défendre leurs intérêts ou lorsque sonne l'heure de l'affrontement pour le repartage des zones d'influence.

Contre cette concentration inéluctable de la puissance du capital, qui l'amène, comme écrivait Lénine, «aux portes de la socialisation intégrale de la production», la critique petite-bourgeoise qui pleurniche éternellement après un capitalisme «honnête» et «modéré», voudrait pouvoir faire marche arrière, «briser les monopoles», «mettre l'Etat au service du peuple», en un mot revenir à la libre concurrence et à la démocratie. On appréciera la nouveauté et l'originalité de son programme en lisant ce qu'écrivait en 1902 un critique petit-bourgeois de l'impérialisme, Hobson:
«
L'emprise des forces de l'impérialisme à l'intérieur du pays, qui leur a permis de mobiliser les ressources nationales au service de leurs intérêts privés par l'intermédiaire de l'appareil d'Etat, ne peut être brisée que par l'instauration d'une démocratie véritable, que par une politique dirigée par le peuple dans l'intérêt du peuple, mise en œuvre par l'intermédiaire de ses représentants sur lesquels il exerce un contrôle réel».

En lisant ces lignes, Lénine s'esclaffait dans la marge: «Démocrate petit-bourgeois!!» (40), avant de rappeler la position marxiste dans les termes même d'Hilferding: «La réponse du prolétariat à la politique économique du capital financier, à l'impérialisme, ne peut être le libre-échange, mais seulement le socialisme. Ce n'est pas le rétablissement de la libre concurrence, devenu maintenant un idéal réactionnaire, qui peut être aujourd'hui le but de la politique prolétarienne, mais uniquement la suppression complète de la concurrence par la suppression du capitalisme» (41). En d'autres termes, ce que le prolétariat doit briser pour mettre fin à son exploitation, ce n'est pas tel ou tel monopole, tel ou tel groupe financier, telle ou telle «féodalité», mais le monopole de l'ensemble de la classe bourgeoise défendu par son Etat.

Notes:
[prev.] [content] [end]

  1. «Statistical Abstract of the United States», 1912. [back]
  2. Chiffres tirés du «Statistisches Jahrbuch für die Bundesrepublik Deutschland», 1973. [back]
  3. «Financial Times», 19-4-1972. Une estimation légèrement inférieure, mais très proche si l'on tient compte du mouvement de concentration de l'industrie britannique qui s'est poursuivie en 1968, 1969 et 1970, attribuait 42 % de la production aux 100 principales sociétés en 1968 («The Concentration of British Manufacturing», «Lloyds Bank Review», octobre 1974). [back]
  4. Chiffres tirés du «Japan Statistical Yearbook», 1973. [back]
  5. «Economie et Statistique» Nr. 53, février f974. [back]
  6. Le classement de «Fortune» exclut, aussi bien pour les Etats-Unis que pour les autres pays, les entreprises industrielles de service public: par exemple l'American Telephone and Telegraph et les compagnies d'électricité aux Etats-Unis, l'EdF et les PTT en France, etc. Le degré de concentration réel est donc supérieur à ce qui est suggéré par les chiffres cités. [back]
  7. Données tirées de «Fortune», mai et août 1974. [back]
  8. Service d'information des Communautés européennes, «30 jours d'Europe», février 1973. [back]
  9. «Le Monde», 27-9-1972. [back]
  10. «The Economist», 8-4-1972. [back]
  11. «The Economist», 13-11-1971. [back]
  12. «Financial Times», 16-2-1972. [back]
  13. «Financial Times», 10-4-1972. [back]
  14. «The Times», 11-10-1966. [back]
  15. «The Economist», 6-3-1971. [back]
  16. Voir «Financial Times», 1-9-1971, 9-12-1971 et 26-5-1972. [back]
  17. «Financial Times», 19-1-1972. Rappelons qu'au Japon les cartels sont pratiquement une institution d'Etat:
    «La concentration croissante de l'industrie japonaise a conduit les autorités à procéder à plusieurs reprises à la constitution de cartels, c'est-à-dire à protéger de la concurrence certains secteurs de la production. Actuellement, les cartels sont autorisés dans six cas: 1) industrie sous le contrôle du gouvernement (MITI): transports, énergie électrique, assurances; 2) groupement des petites entreprises en coopératives en vue d'une aide mutuelle; 3) dépression ou prévention d'une compétition excessive; 4) rationalisation; 5) commerce extérieur; 6) entreprises petites et moyennes» («Fusions et concentration au Japon», «Notes et études documentaires» N° 3724, La Documentation française, 1970).
    [back]
  18. Voir «Le Monde», 5-5-1972. [back]
  19. Cité par «Les Echos», 10-1-1972. [back]
  20. C'est ce que reconnaissait encore tout récemment le «Financial Times»: «Une fois qu'une industrie est devenue un oligopole, avec seulement deux ou trois grosses firmes réalisant le gros des affaires, il est presque inévitable que les forces de la concurrence, en particulier de la concurrence par les prix, soient affaiblies». L'auteur montre en particulier comment est tournée la loi anglaise de 1956 qui interdit en principe les accords de prix et le partage des marchés: «Une de ces méthodes est la «fixation parallèle des prix»: les trois ou quatre compagnies qui dominent le marché modifient leurs prix d'un montant en gros égal à peu près en même temps. Cela n'a rien d'illégal, mais comme l'a remarqué la commission des monopoles, cela peut [!?] avoir pour effet de maintenir les coûts, les prix et les profits à un niveau plus élevé que si des conditions plus concurrentielles régnaient» (18-12-1974). [back]
  21. Calculé d'après «BP Statistical Review of World Oil Industry», 1973. [back]
  22. «Le Monde», 30-5-1974. [back]
  23. Voir notamment «Le Monde», 8-11-1974. [back]
  24. Chiffres de 1969, calculés d'après les données publiées dans le «US Minerals Yearbook», 1969 et l'«Annuaire Minerais et Métaux», 1970. [back]
  25. Chiffres de 1969, calculés d'après les données publiées dans «Le Figaro», 28-11-1970 et l'«Annuaire Minerais et Métaux», 1970. [back]
  26. «30 Jours d'Europe», janvier 1973. [back]
  27. «Le Figaro», 19-2-1972. [back]
  28. «Le Capital», Livre I, Ed. Sociales III, 67. [back]
  29. Les renseignements qui suivent sont tirés de l'ouvrage du stalinien Victor Perlo, «The Empire of High Finance», New York 1957, et du livre plus récent de Jean-Marie Chevalier, «La structure financière de l'industrie américaine», Paris (Ed. Cujas) 1970. [back]
  30. Notons au passage que le simple énoncé des ramifications financières des grands groupes suffit à anéantir une des thèses favorites de l'opportunisme stalinien et de la petite-bourgeoisie démocratique à propos du soi-disant antagonisme entre des «fractions bellicistes» de la classe dominante américaine liées aux industries d'armement qui auraient «intérêt à empêcher la détente», et les «forces éprises de paix» - qu'il s'agit évidemment de soutenir - au sein même du capital américain. Le groupe Rockefeller qui contrôle directement ou indirectement des productions aussi éminemment pacifiques que la pâte dentifrice (celle qui permet de sourire à l'adversaire), l'alimentation, les cigarettes, les tracteurs ou le papier est incontestablement un groupe épris de paix. Le groupe Rockefeller qui contrôle le pétrole, les bombardiers (Boeing), l'électronique (de guerre, entre autres) est sans aucun doute belliciste. Le groupe Rockefeller qui est à la pointe de l'ouverture à l'Est et des fructueux contracts avec la Russie Incorporated grâce aux efforts de «son» homme d'Etat Kissinger et aux voyages d'un Rockefeller lui-même à Moscou (où il a installé une filiale de la Chase Manhattan, la banque renommée pour l'intérêt qu'elle porte à la paix... et au pétrole), fait incontestablement progresser le commerce et la détente, et fait donc partie des «forces de paix». Le groupe Rockefeller qui contrôle indirectement I.T.T. qui a joué notamment le rôle que l'on sait au Chili, fait incontestablement partie des forces de la réaction. On attend que la «Pravda» nous conte les conflits véritablement cornéliens des administrateurs de ce groupe dont la main gauche défait en «luttant pour la paix» ce que la main droite fait en «préparant la guerre» et réciproquement. Une telle vision des choses relève en réalité de la représentation du monde divisé en «forces du bien» et «forces du mal» qui caractérise la métaphysique de type chrétien, combinée avec la vision petite-bourgeoise de l'impérialisme en tant qu'une des politiques possibles du capital (Kautsky). Dans la réalité matérielle, le capital financier, dominé par une petite poignée de groupes puissants étroitement imbriqués entre eux et avec l'appareil d'Etat, centralise et discipline au sommet les tendances parfois divergentes propres aux capitaux qu'il a sous sa coupe, pour souffler alternativement selon les besoins - et le plus souvent simultanément - la guerre et la paix, la tension ou la détente. [back]
  31. J.K. Galbraith, «Le nouvel Etat industriel», trad. française Paris (Gallimard) 1968, p. 14. A titre indicatif, en 1970, l'Etat américain a dépensé 63 milliards de dollars rien qu'en subventions de toutes sortes allant essentiellement à des entreprises («International Herald Tribune», 12-1-1971). [back]
  32. «Far Eastern Economic Review», 6-8-1973. Si l'on se souvient que l'un des premiers soucis de l'administration Mac-Arthur d'après-guerre avait été de démanteler les zaibatsus, on voit toute la dérision des «mesures anti-monopoles» devant les lois naturelles du capital. [back]
  33. Renseignements publiés dans «Japon-Economie» N° 43, 25-7-1972, d'où nous tirons également les données qui suivent sur les sociétés composant les trois groupes. [back]
  34. «Le Figaro», 31-8-1974. Dans son ouvrage «L'économie mondiale et l'impérialisme» (1915) Boukharine écrivait: «Ainsi le gouvernement devient de facto un «comité» élu par les représentants des organisations patronales, ainsi que le directeur suprême du trust capitaliste national» (réédition Anthropos, p. 128). Malgré tous les soi-disant «changements» du capitalisme dont bourgeois et opportunistes nous rebattent les oreilles, malgré la «victoire de la démocratie sur le fascisme» en 1945, voilà encore quelque chose qui n'a pas «changé»! Notons que la thèse stalinienne que nous venons de dénoncer (note 29) a sa variante «chinoise», qui distingue au Japon entre sociétés «amies» (avec qui la Chine peut commercer parce qu'elles n'investissent pas à Formose) et sociétés non-amies (que Pékin «punit» de leurs investissements à Formose par le refus de tout contrat commercial). Le résultat de cette puissante dialectique est que chaque grand zaibatsu a en son sein deux séries de sociétés, créées éventuellement pour les besoins de la cause, les unes «progressistes», les autres «réactionnaires»... [back]
  35. Cité dans «Le Figaro», 8-12-1973. [back]
  36. Tous les renseignements qui suivent sont tirés de «IPW Berichte» (Berlin), septembre 1973. [back]
  37. Engels a montré depuis longtemps que la transformation en propriété d'Etat ne supprime pas la qualité de capital des forces productives. La dernière en date des illustrations nous est fournie par le rapport parlementaire sur les compagnies pétrolières en France, qui montre notamment que les plus acharnés à faire monter au moyen de pratiques monopolistes les prix des carburants fournis à la société d'Etat Air France sont les sociétés d'Etat CFP et Elf. Le petit-bourgeois a beau crier au scandale, il n'y a là que des rapports normaux entre entreprises géantes obéissant à la logique impersonnelle du capital. [back]
  38. Pour des données plus détaillées, voir l'ouvrage récent de François Morin, «La structure financière du capitalisme français», Paris (Calmaun Lévy) 1974. Dans sa conclusion, l'auteur attribue à l'action d'un groupe d'intérêts capitalistes représenté par le groupe Suez la «démission» du gouvernement Chaban-Delmas en 1972, et fait de cette fraction capitaliste le vainqueur des élections présidentielles de mai 1974. [back]
  39. «Aux Etats-Unis... certaines firmes ont racheté jusqu'à 25 % de leurs actions ces derniers temps» (SEDEIS, «Chroniques d'actualité», février 1973). L'autocontrôle partiel direct ou indirect de sociétés par elles-mêmes est un phénomène bien connu. Une société théorique qui aurait racheté elle-même toutes ses actions serait l'entreprise capitaliste idéale: se versant à elle-même ses propres dividendes, elle pourrait donc ré-accumuler la totalité de ses bénéfices et obéir ainsi parfaitement à une des lois fondamentales du capital, dont la consommation parasitaire d'une partie de la plus-value par le capitaliste ne fait qu'entraver l'application. [back]
  40. Voir Lénine, Cahiers de l'impérialisme, «Œuvres», tome 39, p. 451. [back]
  41. Cité par Lénine dans L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, «Œuvres», tome 22, p. 312. [back]

Source: «Programme Communiste» N° 65, février 1975.

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